CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE

 



CD
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 CAR CH CI CL CO CR CRO CU DA DE DI DM DO DR DU DW




Robert CAHEN
Liste auteurs

Juste le temps Fr. vidéo 1983 12' 45''
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Le Deuxième jour Fr.-USA vidéo 1988 8'
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Hong Kong Song Fr. 1989 20'
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Voyage d'hiver Fr.-Chili 1992 18' vidéo
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L'Étreinte Fr. 2003 8' 50''
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Mimmo CALOPRESTI
Liste auteurs

La Seconda Volta VO 1995 75' ; R. M. Calopresti ; Sc. Francesco Bruni, M. Calopresti, Heidrun Schleef ; Ph. Alessandro Pesci ; Mont. Claudio Cormio ; M. Franco Persanti ; Int. Valeria Bruni-Tedeschi (Lisa Venturi), Roberto Francesco (Enrico), Nanni Moretti (Alberto Sajevo).

   Un prof de fac a failli mourir d'une balle dans la tête, geste politique ("en éliminer un pour en éduquer cent"). Comparez à "Même le plus noble idéal, national, social ou religieux, ne peut excuser l'injustice faite à un seul homme" (Virgil Gheorghiu, La Vingt-cinquième heure, LP 1964, p. 102)) d'une jeune adepte des brigades rouges. Celle-ci purge trente ans de prison mais travaille en ville par une dispense du juge qui ne "juge pas les actes mais les personnes". Alberto la rencontre en ville par hasard, s'étonnant qu'elle puisse "se promener comme tout le monde". Il feint de la draguer. Lisa ne l'a pas reconnu et se laisse faire tout en se dérobant, gênée par sa condition de détenue.
   Il finit par la convaincre d'accepter une invitation au café et se dévoile. Mortifiée, elle renonce à son travail, cherchant refuge dans sa prison. Il demande en vain à la rencontrer au parloir. Alberto s'est décidé à faire extraire à Stuttgart la balle qui loge encore dans son crâne. Il se prépare au voyage. Entre-temps, s'étant remise à travailler, elle se présente un beau jour chez lui. Il dissimule le projet d'opération mais ils ne se comprennent pas, malgré un geste de tendresse réprimé par la parole : attendant avec elle sous la pluie le taxi qui doit la ramener à la prison, il remonte son capuchon, puis se corrige en affirmant que ce n'est que par politesse, qu'elle ne lui est pas sympathique. De son côté, elle rentre avec quatre heures de retard, ce qui indique tout de même un investissement au risque calculé. Dans le train en route pour l'hôpital, il commence une lettre sur un bloc de sténo, puis renonce, la déchire et jette les morceaux par la fenêtre.

   Sobriété des images, de la musique, du jeu des acteurs, et du récit lui-même dont la valeur repose sur cette rupture avec l'espoir du happy end commercial. L'ambiguïté globale du film ne représente pas une forme de facilité qui permettrait d'éviter l'engagement, mais un moyen de toucher à une vérité qui peut conduire, elle, à plus d'engagement. 6/08/00 Retour titres Sommaire

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Mario CAMERINI
Liste auteurs

Les Hommes, Quels mufles ! (Gli uomini, che mascalzoni !) VO 1932 90' ; R. M. Camerini ; Sc. Aldo de Benedetti, Mario Camerini, Mario Soldati ; Ph. M. Terzano, D. Scala ; M. C.A. Bixio ; Pr. Cinés ; Int. Vittorio De Sica (Bruno), Lia Franca (Mariette), Cesare Zoppetti (Tadino), Carola Lotti (Gina).

   Le chauffeur Bruno perd sa place pour avoir courtisé la fille d'un chauffeur de taxi. Happy end savoureux : le couple se réconcilie dans un taxi où l'on se promet le mariage sans savoir que le chauffeur est le père de la fille. Ce dernier prend immédiatement les choses en main : il offre un verre aux "fiancés", les invite à se séparer tendrement à la porte de sa maison où il enferme sa fille pour la nuit, puis embarque dans son taxi celui qu'il présente à ses clients comme son gendre.

   Du vrai cinéma, tourné en extérieurs urbains et naturels d'un seul souffle unifiant les singularités d'un jeu toujours renaissant de lui-même. 18/09/99 Retour titres Sommaire

Monsieur Max (Il Signor Max) VO 85' (1937) ; R. M. Camerini ; Sc. M. Camerini, Mario Soldati ; Ph. Anchise Brizzi ; M. Renzo Rossellini ; Pr. Astra ; Int. Vittorio De Sica (Max), Assia (Noris), Rubi Dalma, Umberto Melnati.

   Le vendeur de journaux Max se fait passer pour un millionnaire mais finissant par trouver le jeu inepte retourne à sa condition propre et épouse celle qu'il aime.

   Délectable double jeu de Vittorio de Sica dans le rôle d'un vendeur de journaux qui a la passion de la haute société et joue simultanément les mondains (Max) et l'homme du peuple (Gianni) avec des croisements et quiproquos habiles. Beaux extérieurs urbains. Superbe gros plans psychologiques de la jeune femme de chambre amoureuse que Gianni finira par épouser, lui donnant la préférence sur sa riche maîtresse. Du cinéma très moderne (non théâtralisé, concis, avec une excellente prise de son). 29/10/99 Retour titres Sommaire

Les Grands magasins (Grandi magazzini) VO 1939 87' ; R. M. Camerini ; Sc. M. Camerini, Ivo Perilli, Renato Castellani ; M. Pannunzio ; Ph. A. Brizzi ; M. Cesare A. Bixio : Pr. Era/Amato ; Int. Assia Noris (Lauretta), Vittorio De Sica (Bruno), Enrico Glori (Bertini).

   Pourquoi ne sait-on plus faire des films populaires intelligents comme Camerini ? À l'étude réaliste de la vie du grand magasin se mêlent habilement comédie sentimentale et énigme policière.

   Bruno est engagé comme garçon de course dans un grand magasin pour avoir été renversé par le chauffeur du patron. Il courtise la vendeuse Lauretta sur laquelle louche le chef du personnel Bertini. Lauretta est accusée de vol par ce dernier, qui veut l'éloigner de Bruno, lequel, finissant par découvrir que Bertini vole à grande échelle, le démasque et se réconcilie avec sa belle.

   Ce parcours amoureux est mis en perspective par un croisement avec les déboires conjugaux à évolution favorable de la meilleure amie de Lauretta qui l'a accueillie dans son appartement, et l'antagonisme d'une autre tentation amoureuse de Bruno. Il faudrait pouvoir admirer la façon dont les plans serrés psychologiques s'inscrivent dans une temporalité propre, comme en dehors du rythme de l'intrigue. 22/11/99 Retour titres Sommaire

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James CAMERON
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Titanic USA VO 1998 94' ; R., Sc. J. Cameron ; Ph. Russel Carpenter ; M. James Horner ; Pr. J. Cameron, Jon Landau ; Int. Leonardo Di Caprio, Kate Winslet, Billy Zane.

   Pathétique romance à tragique décoratif sur la base du mythe inversé du roi et de la bergère, qui pourrait se dire "Odyssée temporelle d'un cœur de diamant royal".
   Le numéro sur mesure de Leonardo Di Caprio, voyou crasseux au grand cœur bourré de dons est mis en valeur par l'absence de grâce de Kate Winslet. Images "de rêve" du palace flottant au soleil couchant. Vertigineuses vues numériques caressant les contours du géant pour accentuer l'effet 3D. Vision spectaculaire des machines en acte, infernale à l'étage des chaudières (symbole !). Long prologue d'exploration de l'épave en technologie dernier cri préparant l'entrée de la narratrice. Spectaculaire reconstitution du naufrage qu'il faut avoir vu en salle, avec sonorisation étudiée de rumeurs montant des entrailles déchirées du monstre.
   Que de moyens (199 M $...) ! Que de ficelles ! 10/12/99
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Jane CAMPION
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Un ange à ma table (An Angel at my Table) Australie/Nouvelle-Zélande VO 1990 ; R. J. Campion ; Sc. Laura Jones, d'après l'autobiographie de Janet Frame ; Ph. Stuart Dryburgh ; M. Don McGlashan ; Int. Alexia Keogh, Karen Fergusson, Kerry Fox (Janet Frame aux trois âges), Iris Chum (la mère).

   Biographie de l'écrivaine néozélandaise Janet Frame. Des tranches de vie de la fillette, de l'adolescente puis de l'adulte, avec ses joies et ses peines. Sur ce dernier plan, Janet a eu son compte : deux sœurs successivement mortes noyées, un séjour de huit années en hôpital psychiatrique pour une schizophrénie dont le diagnostic s'avérera faux, son talent reconnu l'ayant sauvée de la lobotomie, la solitude en Europe où elle exerce son métier d'écrivain grâce à une bourse. Tout cela pour mieux souligner que l'écriture lui a sauvé la vie.

   Succession de tableaux intéressants, où le sentiment de fraternité qui unit Campion à son héroïne est sensible, bien que le filmage soit davantage cognitif qu'émotionnel, et le récit plus linéaire qu'organique, si bien que ces deux heures trente d'intimité avec une inconnue, bercées par une musique auxiliaire languissante et parasitaire, sont interminables.
   Manquent surtout le souffle et la liberté capables d'associer ces singularités biographiques à une authentique expérience artistique. Si Janet Frame est sublimée dans l'esprit de la réalisatrice, elle reste ici un personnage trop banal pour légitimer tant d'honneur.
   Mieux vaut lire l'autobiographie que de voir les pâle images qui s'en inspirent. Campion s'est contentée d'adapter des morceaux choisis dissociés d'un univers sans concession ni pour soi, ni pour les autres, où l'imaginaire des mots est essentiel, procédant d'une lutte prométhéenne contre la bienséance littéraire et par rapport auquel chaque événement prend valeur et sens. 30/05/03
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La Leçon de piano (The Piano) Nouvelle-Zélande VO 1993 120'
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Laurent CANTET
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Ressources humaines Fr. 1999 100' ; R. L. Cantet ; Sc. L. Cantet et Gilles Marchand ; Ph. Matthieu Poirot Delpech, Claire Caroff ; M. Schubert et Zip jazz ; Pr. Mat Troi Day ; Int. Jalil Lespert (Frank), Jean-Claude Vallod (le père), Chantal Boné (la mère).

   Frank effectue un stage dans l'équipe de direction de l'usine où son père est ouvrier depuis trente ans. Chargé d'étudier la mise en place des 35 heures il prend des initiatives agréables au patron mais découvre qu'il n'a œuvré que pour justifier de nouveaux licenciements, dont celui de son père. Il divulgue le plan scélérat de la direction et s'allie aux syndicalistes qu'il avait d'emblée mal jugés. Un violent conflit éclate avec son père qui, d'abord opposé à la grève, finit par débrayer. La grève est générale. Congédié, Frank retourne à ses études à Paris.

   Le réalisme au service d'une cause est le seul supportable. Il incline, dans le cas contraire, à devenir à lui-même sa propre médiocre fin esthétique. Le programme est donné dans l'ironie du titre, euphémisme désignant le département chargé de rentabiliser la main d'œuvre. La vie de l'entreprise avec sa stratégie patronale ainsi que les différents comportements sociaux et privés sont étonnamment décrits. Servies entre autres par une grande sobriété technique, la qualité de l'observation et la sincérité du propos suscitent une réelle émotion de conscience. 10/01/01 Retour titres Sommaire

L'Emploi du temps Fr. 2001 130' ; R. L. Cantet ; Sc. Robin Campillo et L. Cantet ; Ph. Pierre Milon ; M. Jocelyn Pook ; Int. Aurélien Recoing (Vincent), Karin Viard (Muriel), Serge Livrozet (Jean-Michel), Jean-Pierre Mangeot (le père), Nicolas Kalsch (Julien).

   Inspiré de l'affaire Jean-Claude Romand, ce mythomane qui préféra assassiner sa famille plutôt que de lui laisser deviner l'énorme mensonge de sa vie professionnelle, ce film a reçu les éloges de la critique, mais il paraît bien pâle face à la démesure du fait divers d'origine. Les commentaires se rejoignent tous sur le point de la pertinence de la question de l'aliénation du travail en entreprise, traitée à travers la crise psychologique de Vincent.

   Un consultant d'entreprise licencié prétend avoir démissionné ayant trouvé mieux au siège de l'ONU en Suisse. Ce qui lui permet de faire l'école buissonnière tout le jour, donnant le change sur son intense activité via le téléphone portable, proposant des affaires véreuses de placement à ses amis, empruntant une grosse somme à son père, fricotant avec un contrefacteur et allant jusqu'à étudier les questions internationales qu'il est censé connaître dans son prétendu rôle au sein de l'ONU. Mais son épouse finissant par comprendre et ses enfants ne plus le comprendre, il doit, la mort dans l'âme, accepter un engagement en rapport avec ses compétences.

   Et en effet on a affaire à une véritable étude psycho-socio-économique servie par des acteurs tenant leur rôle à la perfection. De longs plans-séquences jouent la minutieuse enquête. Le film s'étire sur cent trente minutes afin de ne manquer aucun des indices, à les supposer pointer une réalité embusquée derrière les apparences, exactement comme si l'on avait affaire à des personnages réels dans un monde réel où l'apparence falsifie l'essence. C'est même tellement bien fait que l'on s'identifie au protagoniste, qu'on accompagne sur le fil du rasoir de l'intrigue.
   C'est oublier qu'au cinéma on n'a affaire qu'à des taches de lumière et qu'il est vain de chercher une vérité dans des images, dont de surcroît le contenu est fabriqué. Si quelque chose peut y ressembler à la vérité, c'est en vertu d'une démarche qui rende compte du mouvement de l'esprit humain face aux phénomènes, que le réalisme se contente de mimer.
   Au cinéma, la poésie est donc plus juste que la représentation
(1) (le faux plus que le "vrai"). Cette idée semble un moment effleurer le réalisateur lorsque sur la montagne enneigée où il l'a emmenée en week-end, Vincent ne sent plus soudain la présence de son épouse qui se tenait derrière lui. Se retournant, il ne voit que du blanc : brouillard et tapis de neige. Hélas, non seulement ce n'est qu'un éclair d'inspiration mais, de plus, gâché par les archets de la "fosse", véritables scieurs de long du désarroi mental du protagoniste.
   En bref, le réalisme ontologique français a la dent dure, il infecte jusqu'à ceux qui ont (avaient) quelque chose à dire.
Ressources humaines était moins ambitieux mais plus authentique. 23/02/04 Retour titres Sommaire

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Frank CAPRA
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L'Athlète incomplet (The Strong man) USA Muet N&B 1926 75' ; R. F. Capra ; Sc. Hal Conklin et Robert Eddy, d'apr. Arthur Ripley ; Ph. Elgin Lessley, Glenn Kershner ; Pr. H. Langdon Corporation ; Int. Harry Langdon (Paul Bergot), Priscilla Bonner (Mary Brown), Gertrude Astor (Lily de Broadway), William V. Mong (le pasteur, père de Mary), Robert McKim (Mike McDevitt), Arthur Thalasso (Zandow).

   Le soldat belge Paul Bergot reçoit des États-Unis, avec une photo, des lettres tendres d'une certaine Mary Brown, étant en plein champ de bataille, où il en découd avec un Allemand musclé qui finit par le faire prisonnier. Après l'armistice, l'Allemand, un Hercule de foire appelé Zandow, traverse l'Atlantique avec Paul pour comparse afin de se produire en Amérique. Paul croit y voir sa Mary dans chaque jeune fille croisée. Ils sont engagés dans la paisible cité de Cloverdale, maintenant dominée par le lucre depuis l'installation de la salle de spectacle par Mike McDevitt, auquel seul ose s'opposer le pasteur Brown, qui se trouve être le père de Mary. Paul, en retrouvant la signataire des lettres du front, la découvre aveugle. Cependant il doit remplacer Zandow, ivre-mort, dans le spectacle commandité par McDevitt, dont le clou est le numéro d'homme-canon, devant un public houleux. Cela finit en émeute, contre laquelle Paul se protège à l'aide du canon, qui détruit la salle, alors que le pasteur à la tête des paroissiens en faisait le siège. La cité a retrouvé sa sérénité, sur laquelle veille le policier Paul, qui file le parfait amour avec sa belle aveugle.       

   Le récit d'apprentissage est propice au burlesque, surtout avec un Harry Langdon au physique de nourrisson, il faut être aveugle pour ne pas le voir. Justement, la cécité de Mary est une figure de la confiance nécessaire à l'apprentissage, confiance en des capacités que ne traduisent pas les apparences du monde visible. Un thème que l'on retrouvera dans Les Lumières de la ville quatre ans plus tard, film d'une autre trempe. Car il ne se limite pas à la performance de la star du burlesque. Nous avons-là en effet un individu inimitable, ayant atteint sa taille adulte sans les métamorphoses correspondantes du comportement, et dont la présence à l'écran revêt une étrange intensité. Voyez le regard en coin jeté sur un homme incommode hors-champ dans l'autobus, qu'il ne va pas hésiter à frapper l'instant d'après. L'énormité de la tâche à accomplir pour passer à l'âge adulte inspire, du reste, le cadrage et le montage. Mais tout semble conçu surtout du souci de remplir les intervalles séparant les gags. 21/04/18 Retour titres Sommaire

Sa dernière culotte (Long Pants) USA Muet N&B 1927 58' ; R. F. Capra ; Sc. Arthur Ripley, Tay Garnett, Robert Eddy ; Ph. Glenn Kershner ; Pr. H. Langdon Corporation ; Int. Harry Langdon (Shelby), Gladys Brockwell (la mère), Alan Roscoe (le père), Priscilla Bonner (Priscilla), Alma Bennett (Bebe Blair).

   La mère de Harry hésite encore à lui autoriser les pantalons longs à vingt ans. Pourtant il s'adonne avec passion à l'étude de la littérature amoureuse et aspire aux travaux pratiques. Dès qu'il les porte, il va, à sa façon, tourner autour d'une beauté, Bebe, immobilisée dans son phaéton par une crevaison, et croit sur un quiproquo qu'elle désire l'épouser. Mais il est promis à Priscilla, la voisine. Il l'entraîne le jour du mariage dans les bois pour la tuer, après avoir appris par le journal qu'en prison Bebe clamait son innocence. Les événements contrarient bientôt ses plans criminels. Harry annule le mariage et fonce à la prison. Bebe qui vient de s'évader croise son chemin. Harry apporte son aide à la supposée innocente. Mais découvre que c'est vraiment une criminelle, de plus déjà mariée qui, l'arme au poing, se venge de ceux qui l'ont vendue. Pris dans la fusillade où elle succombe puis emprisonné, Harry une fois libéré rentre au bercail où ses parents sont à table avec Priscilla. Il est accueilli à bras ouverts.
         

   Récit d'apprentissage sous forme d'éducation sentimentale. L'intrigue repose sur la vision infantile qui, par l'épreuve du réel, va laisser place au principe de réalité. Tout repose sur l'inimitable Langdon. L'inconcevable va comme un gant à un tel personnage totalement dominé par le principe de plaisir infantile s'ordonnant les valeurs morales. Voilà pourquoi l'épisode du projet de meurtre de la fiancée est aussi nécessaire qu'invraisemblable. Et nécessaire le six-coups porté en tenue de marié. Le marteau sous la main de Harry Langdon est une autre sorte d'invraisemblance, qui trouve sa loufoque crédibilité d'être associé au personnage au-delà de la fiction même (cf. Plein les bottes). Mais il faut que la réalisation tienne fermement ensemble des pointes d'extravagance, par la précision, par la rigueur des liaisons, par le rythme. Ce qu
i est loin d'être le cas. Voyez les faux-raccords par négligence, comme le pied de Harry pris dans un piège, soudain libéré sans raison. Ou ce remplissage d'un chapelet de gags mineurs pour différer le moment, du reste improbable, où il va appuyer sur la gâchette. Cinq longues minutes aussi pour la saynète du mannequin-flic assis sur la caisse dissimulant Bebe, où Harry gesticule en vain pour le faire intervenir afin qu'il dégage. Le montage des gags est la plupart du temps subordonné à la réussite de l'effet en négligeant la crédibilité des conditions. Trop d'invraisemblances gratuites par rapports aux quelques nécessaires. Ne nous laissons pas prendre à la réputation de génie du cinéma de Capra. Éviter, en général, de juger de la qualité d'un film sur l'image publique de son auteur (voir Welles). 23/04/18 Retour titres Sommaire

La Blonde platine (Platinum Blonde) USA VO N&B 1931 85' ; R. F. Capra ; Sc. R. Riskin, Jo Swerling ; Ph. Joseph Walker ; Pr. H. Cohn./ F. Capra/Columbia ; Int. Loretta Young (Gallagher), Robert Williams (Stew Smith), Jean Harlow (Ann Schuyler), Reginald Owen (Dexter Grayson), Halliwell Hobbes (Smyth), Louise Closser Hale (Mrs Schuyler).

   Persécutée par la presse à scandale, la riche famille Schuyler tente d'acheter le journaliste Stew Smith, qui décline, mais revient forcer la porte du palais pour faire la cour à l'héritière Ann, que le facétieux destin a doté d'une chevelure couleur platine. Il la séduit et l'épouse, malgré l'opposition de la mère, sans remarquer le désespoir de sa jeune et charmante collègue Gallagher. Bombardé "Monsieur Cendrillon" à son corps défendant, l'incorruptible journaliste, est embringué dans des contradictions insolubles. Il tente bien de vivre comme il l'entend, ce qui ne fait qu'exacerber les différends avec son altière épouse, qui exige le port des fixe-chaussettes. Le divorce inévitable lui fait découvrir qu'il était amoureux de Gallagher sans le savoir.

   Variation autour d'un vieux mythe accommodé à la sauce yankee : celui du Roi et de la Bergère, ou de Cendrillon, peu importe, affirmant la suprématie du mérite personnel sur les avantages sociaux de naissance. Le citoyen américain représenté par le héros est un self-made-man honnête, désintéressé (il décline la proposition d'indemnité de divorce), intrépide, le poing aussi vif que la langue et que n'impressionne nullement le haut social : tout le contraire de ce à quoi incite vraiment le rêve américain.
   Conforté par la désinvolture du héros, l'intérêt dramatique repose sur l'agréable illusion que la lutte des classes n'est qu'une querelle d'individus où les plus méritants l'emportent. Tous les gags, aussi talentueux soient-ils, s'alimentent à ce même principe. Davantage, c'est grâce à la corruption des riches, toujours ridicules (l'avocat), antipathiques (la
mère), ou pourris par la facilité (la fille), et non pour des raisons de niveau social que Stew finit par épouser une femme de son rang. 27/02/04 Retour titres Sommaire

Vous ne l'emporterez pas avec vous (You Can't Take it With You) USA VO N&B 1938 127' ; R. F. Capra ; Sc. R. Riskin ; Ph. J. Walker ; M. D. Tiomkin ; Pr. F. Capra/Columbi ; Int. Jean Arthur (Alice Sycamore), Lionel Barrymore (Martin Vanderhoff), James Stewart (Tony Kirby), Edward Arnold (Anthony P. Kirby), Spring Byington (Penny Sycamore), Mischa Auer (Kolenkhov), Ann Miller (Essie Carmichael).

   Tony Kirby (James Stewart : Galerie des Bobines), fils de banquier et vice-président de banque, et sa secrétaire Alice s'aiment. Mais Alice est la petite-fille du vieil irréductible Vanderhoff qui refuse de céder à Kirby-père sa maison, ultime carré immobilier au sein de douze pâtés censés céder la place à une usine. Par ailleurs, Kirby et son épouse ignorent les valeurs reposant sur l'amour. Seules comptent les affaires. Il y a donc du grabuge, le mariage est remis en question. Mais au contact de la grande famille Vanderhoff entourée d'une foule d'amis, les banquiers finissent par s'humaniser au point de se joindre à eux dans la grande maison où chacun respecte la liberté de l'autre. Happy end…

   Argument conventionnel tourné comme dans le théâtre de boulevard avec les alternances d'usage entre scènes intimes et générales. Nulle médiocrité cependant grâce à la liberté de conception des actions et de la parole, marquées par l'humour et l'impertinence. Ainsi à tout moment, tout peut se résoudre en musique et danse sur un mode légèrement grinçant. La générosité des idées, totalement dépourvues de prétention ou de didactisme, ne se ressent nullement de l'âge du film. Certes cela ne changera rien au capitalisme triomphant, mais on se contente ici de signaler que d'autres idées existent. Pourquoi cette fraîcheur au cinéma est-elle devenue impossible ? 3/12/00 Retour titres Sommaire

L'Homme de la rue (Meet John Doe) USA VO N&B 1941 117'
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Arsenic et vieilles dentelles (Arsenic and Old Lace) USA VO N&B 1944 (réalisé en 1941) 118' ; R. F. Capra ; Sc. P.G. et J.J. Epstein, d'après la pièce de Joseph Kesselring ; Ph. Sol Polito ; M. M. Steiner ; Pr. F. Capra/Warner Bros ; Int. Cary Grant (Mortimer Brewster : Galerie des Bobines), Priscilla Lane (Elaine Harper), John Alexander (Teddy Brewster), Raymond Massey (Jonathan Brewster), Peter Lorre (Dr. Einstein), Joséphine Hull (Abby Brewster), Jean Adair (Martha Brewster), Edward Everett Horton (Mr Witherspoon), Jack Carson (O'Hara).

   Auteur connu pour ses traités contre le mariage, Mortimer Brewster épouse en secret Elaine, fille d'un pasteur opposé à cette union. Allant l'annoncer avant de partir en voyage de noces à Jean et Abby, ses deux vieilles tantes, délicieuses personnes notoirement charitables, il découvre qu'elles abrègent par bonté d'âme la vie des pauvres vieux solitaires à l'aide d'une mixture empoisonnée de leur composition. Déjà douze cadavres enterrés dans la cave par son frère Teddy, un fou qui se prend pour Théodor Roosevelt creusant le canal de Panama... Un treizième attend son tour dans le coffre de fenêtre.
   Délaissant incontinent son épouse, Mortimer entreprend des démarches pour placer son frère dans une maison spécialisée. Entre-temps débarque un sosie de Boris Karloff accompagné du chirurgien responsable de ce visage. Il s'agit du troisième frère, Jonathan, un criminel, et de son acolyte le D
r Einstein, qui ont l'intention de s'installer dans la maison familiale le temps de remodeler la trop célèbre face. Ils transportent avec eux un cadavre qui partagera, lui, la tombe du treizième. Mortimer, qui n'est pas d'accord, est bientôt ligoté sur un fauteuil pour subir un traitement de boucherie de la main fraternelle. Il est sauvé par l'arrivée des policiers, des habitués de la digne maison. On vient chercher le fou pour l'interner. Mortimer convainc les tantes de suivre la même voie. Avant de partir elles lui confient qu'il n'est pas un Brewster. Soulagé d'être épargné par des gènes tordus et ne cachant pas sa joie, il peut enfin penser à son voyage de noce.

   Régime littéraire, reposant davantage sur les idées mises en mots que sur les images, entraînant des superfluités, mimiques et gestuelles outrées, unité d'espace à coulisses avec jeux d'entrée et sortie ad hoc, grossiers effets d'ombres et de pénombre, ce n'est guère que du théâtre filmé. Le qualificatif de "chef-d'œuvre" appliqué généralement à ce film ne résiste pas à l'épreuve de la vision multiple. 18/09/05 Retour titres Sommaire

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Nae CARANFIL 
Liste auteurs

Les Dimanches de permission (E pericoloso sporgersi) Fr.-Roum. couleur 1992 103' ; R., Sc. N. Caranfil ; Ph. Christian Comeaga ; Son Anusavan Salamanian ; Mont. Victoria Nae ; M. N. Caranfil, Anton Suteo ; Pr. Compagnie des images ; Int. Natalie Bonifay (Cristina), Marius Stanescu (Horatiu), George Alexandru (Dino).

   L'intrique se situe au début des années quatre-vingt sous le régime communiste. La lycéenne Cristina est très convoitée. Elle s'intéresse au soldat Anghel tout en se laissant subjuguer par l'acteur de théâtre Starost avec qui elle passe une nuit de fiasco. Anghel est consigné à la caserne, le lieutenant ayant découvert que Cristina était la fille du colonel. Par téléphone, Anghel menace Starost qui, croyant qu'il s'agit du KGB, traverse le fleuve-frontière à la nage. Libéré du service militaire, Anghel a l'intention d'aller chercher Cristina au lycée.

   Honnête témoignage des mœurs sexuelles (premier plan du remblai triangulaire herbu de la voie ferrée en perspective cavalière) et du régime policier de l'époque, non dépourvu de clichés, notamment sur le comportement des jeunes. La mise en scène semble trop souvent servir le dialogue, mais la construction du récit est intéressante. Un premier récit elliptique ne conte que ce que peuvent connaître les protagonistes. Puis des flash-back reconstituent peu à peu tout le puzzle.
   Un peu juste pour faire une œuvre marquante, malgré (ou à cause d') un accompagnement musical (auquel Caranfil a mis la main) original approprié. 19/08/00
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Eric CARAVACA
Liste auteurs

Le Passager Fr. 2004 85'
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Leos CARAX
Liste auteurs

Boy Meets Girl Fr. N&B 1985 100'
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Les Amants du Pont-Neuf Fr. 1991 120' Scope-Dolby
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Pola X Fr.-All.-Jap. 1999 130'
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Marcel CARNÉ
Liste auteurs

Drôle de drame Fr. N&B 1937 95'
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Le Quai des Brumes Fr. N&B 1938 91' ; R. M. Carné ; Sc. Dial. Jacques Prévert, d'après Pierre Mac Orlan ; Ph. Eugen Schüfftan ; Déc. Alexandre Trauner ; M. Maurice Jaubert ; Pr. Gregor Rabinovitch ; Int. Jean Gabin (Jean), Michèle Morgan (Nelly), Michel Simon (Zabel), Pierre Brasseur (Lucien), Edouard Delmont (Panama), Aimos (Quart-Vittel), Robert Le Vigan (Michel), René Génin (Dr Mollet).

   Jean, déserteur de la Coloniale, gagne en stop le Havre où il espère s'embarquer. Il tombe sur le poivrot Quart-Vittel, qui l'aide en le conduisant au "Panama", baraque bistrotière isolée dans un coin perdu à l'écart du port. Là se trouve Nelly, une orpheline dont le tuteur Zabel (Michel Simon : Galerie des Bobines) déboule poursuivi par Lucien, petite gouape flanquée de deux acolytes, qui soupçonne Zabel d'être le meurtrier de son ami Maurice. Un habitué du lieu, le peintre Michel Kraus, se suicide après avoir légué ses affaires et ses papiers au déserteur, qui ne quitte plus Nelly.
   Déambulant sur le port, ils sont surpris par Lucien qui, se croyant des droits sur Nelly, l'importune. Il est souffleté par Jean (Gabin : Galerie des Bobines). Celui-ci s'est trouvé une place sur un bateau en partance pour le Venezuela. Avant le départ, Jean et Nelly s'accordent une nuit d'amour. Nelly découvre que Maurice, qu'elle avait cru aimer, a bien été assassiné par Zabel, jaloux de sa pupille. Installé dans sa cabine, Jean se ravise et se rend chez Zabel qui vient de confirmer à Nelly le meurtre de Maurice. Le vieux veut prendre Nelly de force et menace d'un couteau Jean, qui l'assomme à mort. En sortant Jean est abattu par Lucien qui se venge après avoir essuyé une deuxième correction.

   Ce qui s'appelle réalisme poétique. Dans les lumières brouillées d'un décor de perdition, aux trafics louches, voire criminels, où règne une solidarité entre des marginaux dont le système de valeurs justifie des arrangements avec la morale régnante, l'amour est forcément privé de nid. Il lui faut donc connaître une fin mélodramatique. C'est la photographie et le décor qui sont chargés de la poésie. Autrement dit le réalisme poétique est l'esthétisation au moyen de stars et de valeurs sûres (Prévert, Schüfftan, Trauner, Jaubert), d'un désespoir de pacotille, monté de toutes pièces pour les besoins de la cause. 14/05/07 Retour titres Sommaire

Hôtel du Nord Fr. N&B 1938 95'
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Le Jour se lève Fr. N&B 1939 87'
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Les Visiteurs du soir Fr. N&B 1942 121'
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Les Portes de la nuit Fr. N&B 1946 120'
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Thérèse Raquin Fr.-It. N&B 1953 105'
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John CASSAVETES
Liste auteurs

Ainsi va l'amour (Minnie and Moskowitz) USA VO couleur 1971 ; R., Sc. J. Cassavetes ; Ph. Arthur J. Ornitz ; M. Bo Harwood ; Pr. Al Ruban ; Int. Gena Rowlands (Minnie), Seymour Cassel (Seymour Moskowitz), Val Avery (Zelma Swift), Tim Carey (Morgan Morgan), Katherine Cassavetes (Sheba Moskowitz), Elsie Ames (Florence).

   Sur le parking dont il est le gardien, Moskowitz protège Minnie de ses poings contre un amoureux hystérique. Le contraste est total. Elle : blonde réservée d'allure bourgeoise, travaillant dans un musée et récemment plaquée par un père de famille qui la battait, lui : baba-Viking à queue de cheval et moustaches gauloises ayant pour seul bien une ronflante camionnette, a le coup de foudre et perd sa place à cause de l'altercation. Mais il se montre sincère et entier, le contraire de ce qu'elle avait connu jusqu'ici. Il persiste, jusqu'à sacrifier sa moustache, finit par la demander en mariage. Elle réagit en appelant sa mère. Il fait de même. Tout finit bien après un déluge d'énergie qu'il a fallu déployer contre la société tant contextuelle qu'intériorisée.

   Autrement dit rien n'est simple, il faut jouer serré, se débattre dans les contradictions, consentir au déchirement. Cassavetes fonce caméra au poing dans cette masse humaine mal dégrossie pour frayer le pur chemin de l'amour, qu'il présente étranger à l'édifice des valeurs factices constituant l'horizon ordinaire.
   Le prologue et la première séquence montrent un Seymour paumé, travailleur de nuit hâbleur, feignant en divers lieux nocturnes de reconnaître des femmes, distribuant et encaissant des gnons.
    Interdisant tout enchaînement prévisible, la "logique de la vie" imprime son rythme propre, fait à la fois de suspens et d'événements fortuits, mais aussi de paroles ou d'actes en apparence insignifiants, exprimant en réalité un devenir qui se dessine en filigrane.
   Gena Rowlands est naturelle au sens ou elle ne se prend pas, comme une Romy Schneider (qui n'a guère le choix), pour la star qu'on supplie de s'abaisser au naturel. Mais y parviendrait-elle sans l'aide de sa cigarette ?
   Ce naturalisme est grandiose parce qu'il ne tient pas seulement au naturel recherché dans le jeu des acteurs comme le veut le réalisme ontologique français, mais aussi à celui du flux spatio-temporel et à ce style du non-cadrage qui rend floue la frontière entre champ et hors-champ.
   L'absence de musique auxiliaire n'est pas étrangère à la force intime des images résultant de ces caractéristiques.
Minnie et Moskowitz va fêter ses trente ans, et il n'a pas une ride. Gloire aux forçats du 7e art, qui financent leurs réalisations sur leurs cachets d'acteur, même si ça ne suffit pas pour faire un Cassavetes ! 01/01/01 Retour titres Sommaire

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Alain CAVALIER
Liste auteurs

Libera me Fr. 1993 80' ; R. A. Cavalier ; Sc. A. Cavalier, Bernard Crombey et Andrée Fusco ; Ph. Patrick Blossier ; Pr. UGC, Canal + ; Int. Annick Concha (la mère), Pierre Concha (le père), Cécile Haas (la petite amie du commis), Michel Labelle (le boucher), Claire Seguin (la blonde), Thierry Labelle (le fils aîné), Philippe Tardif (le commis), Christophe Turrier (le cadet).

   Police et armée contrôlent, fouillent, arrêtent, fusillent, humilient, torturent. Réplique des opprimés : assassinats, celui entre autres de la femme du policier, lequel se venge en tuant le père et la mère sous les yeux du fils. Les restrictions en viande de boucherie ne touchent pas l'armée, ce qui ne l'empêche pas d'humilier le boucher. Un commis ayant craché sur un militaire est exécuté. Un fabricant de faux passeports est arrêté et torturé, son appareil photo détruit à coups de marteau. On est dans la logique de l'escalade. Mais la jeunesse réagit sur le mode de la dérision, en mettant une tête de cochon dans le lit du chef policier ou en badigeonnant un policier capturé de mercure-au-chrome.

   Sous un titre solennel, début d'une prière catholique en latin : "Libera me, domine, de morte aeternae", une austère dénonciation sans paroles ni références géographiques et historiques. Montage sec ou fermetures au noir, fonds neutres, mais visages travaillés à la lumière et mobilier, accessoires, costumes, maquillages connotant aussi bien la dernière guerre que les régimes totalitaires ou les dictatures actuelles. C'est construit comme une démonstration mathématique, sans état d'âme, sorte de quadrature du cercle de reconstitutions imaginées, donc de faits fictifs, censés éveiller les consciences à être par eux-mêmes éloquents.
   Ce qui se traduit d'autant par de l'abstraction qu'il n'y a point de paroles. L'auteur se justifiait disant qu'on peut ne retenir que les moments de la vie où l'on ne parle pas. Mais il y a les bruits environnants, et les souffrances qui nous sont données à voir sont incomplètes sans les voix qui les extérioriseraient dans le monde sonore. Le parti-pris de mutisme semble donc arbitraire. Il nous prive surtout d'une donnée fondamentale de la vérité du corps, sans laquelle l'émotion représentée reste éthérée : compassion pour la chair souffrante, souffrant d'un défaut de chair.
   Une raison invoquée par Cavalier est la haine du mensonge. Une fausse mort est une obscénité. Donc il utilise du vrai sang de cochon et préfère se passer de voix, ou de décor censé évoquer une réalité de référence, autant de simulacres.
   Sans doute est-ce par trop prendre au sérieux l'image sonore. Elle est déjà en soi truquage. Seu
le la sensation, donc la poésie, est vraie comme l'a bien compris le réalisateur de La Rencontre (voir ci-après). 17/01/09 Retour titres Sommaire

La Rencontre Fr. 1996 70’
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André CAYATTE
Liste auteurs

Au bonheur des Dames Fr. 1943 88' ; R., Sc. A. Cayatte, d'après Emile Zola ; Ph. Armand Thirard ; Déc. André Andrejew ; M. Louis Sédrat ; Pr. Continental Films ; Int. Michel Simon (Baudu), Blanchette Brunoy (Denise), Suzy Prim (Mme Desforges), Albert Préjean (Mouret), Jean Tissier (Bourdoncle).

   Menacé par la concurrence d'"Au Bonheur des Dames", le drapier Baudu (Michel Simon : Galerie des Bobines) est sur le pied de guerre au moment où sa nièce Denise débarque de Normandie avec ses neveux Jean et le petit Pépé. Il s'associe aux commerçants du quartier pour casser les prix alors que Mouret, le directeur du grand magasin, louche sur ses murs pour s'agrandir. Ne trouvant pas autre chose, Denise s'est engagée chez Mouret où elle gravit les échelons, bien qu'elle ne mâche pas ses mots. Amant par intérêt de la riche Mme Desforges, Mouret s'éprend de la nièce du petit concurrent. Les affaires allant mieux, il quitte sa maîtresse et finit par mettre à la rue Baudu qui a gaspillé jusqu'à la dot de sa fille dans une lutte désespérée. Il a aussi perdu sa fille, morte de chagrin d'avoir été éconduite par son fiancé à la suite du détournement de la dot. Il meurt renversé par une charrette, au moment où, en même temps que son mariage avec Denise, Mouret annonce un train de mesures sociales considérables en faveur des employés.

   Le côté imagerie muséographique des costumes et du décor s'accorde parfaitement avec l'exploitation idéologique du roman de Zola. La célèbre peinture de la férocité du Second Empire capitaliste fait place à une apologie indirecte du national-socialisme. Les mesures sociales sont une émanation de la bonté de l'État et des patrons, qui ne répugnent pas à épouser des ouvrières. Baudu était le grain de sable dans cette étrange machine lubrifiée à l'eau de rose. Tout est donc bien qui finit bien. 11/09/01 Retour titres Sommaire

Les Amants de Vérone Fr. N&B 1948 105' ; R., Sc. A. Cayatte ; Dial. Jacques Prévert ; Ph. Henry Alekan, Jean Bourgoin ; Déc. René Moulaert ; M. Joseph Kosma ; Pr. CICC/Borderie ; Int. Serge Reggiani (Angelo (Galerie des Bobines)), Anouk Aimée (Georgia), Pierre Brasseur (Raffaele), Louis Salou (Ettore Maglia), Dalio (Amedeo Maglia).

   Les doublures (Angelo et Georgia) des vedettes d'une adaptation(1) filmique de Roméo et Juliette incarnent jusqu'à la mort les personnages fatals. Le drame shakespearien est mâtiné de mythe du prince charmant inversé entre une fille de grande famille vénitienne ruinée (Georgia) et un souffleur de verre (Angelo).

   Œuvre datée à donner libre cours à la forte personnalité des acteurs. Dalio vêtu de sombre et Brasseur dans un complet blanc antithétique font leur numéro. Cynique Raffaele qui tient la famille Maglia par l'argent et doit épouser Georgia, délirant Dalio oncle de celle-ci, par qui Angelo mourra, monstrueuse femme de chambre au physique et au moral, couple de tueurs à la Laurel et Hardy et autres pittoresques…
   Les dialogues de Prévert et les violons de Kosma en rajoutent à qui mieux-mieux. Fort heureusement les héros font preuve d'une certaine fraîcheur… Décors de studio (palais vénitien) et d'extérieur (Venise) étudiés. Influence marquée des
Visiteurs du soir, notamment dans les effets de suspens du temps associés aux rencontres des amoureux.
   Aucune émotion. Impression générale de propos pathétique et noble tourné par erreur avec une équipe de boulevard dans le mauvais studio. 3/06/00
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Nuri Bilge CEYLAN
Liste auteurs

Uzak Tur. VO 2002 110’
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Les Climats (Iklimler) Tur.-Fr. VO 2006 98'
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Les Trois singes (Üç maymun) Tur.-Fr.-It. VO 2008 109'
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Alain CHABAT
Liste auteurs

Didier Fr. 1997 105' ; R., Sc. A. Chabat ; Ph. Laurent Dailland ; M. Philippe Chany ; Pr. AMLF ; Int. Alain Chabat (Didier), Jean-Pierre Bacri (Jean-Pierre), Caroline Cellier (Annabelle), Isabelle Gélinas (Maria), Chantal Lauby (Solange).

   Une amie confie son labrador, le temps d'un voyage, au manager de football Jean-Pierre. Une nuit, sous l'effet d'une intervention extraterrestre (allusion claire à Rencontres du troisième type), le chien se transforme en humain tout en gardant son QI canin. Entre-temps Jean-Pierre a des ennuis avec le patron du club de foot, une sorte de parrain, à propos de deux joueurs qu'il lui avait vendus cher. Il doit trouver des remplaçants illico sous peine de passage à tabac. Or Didier s'avère remarquablement habile au ballon. Jean-Pierre le présente comme un grand joueur Lituanien. Le truand l'accepte, parce qu'il sauve sa fillette de la noyade surtout. Mais au grand match de finale la fantaisie canine ne permet pas à l'avatar de donner toute sa mesure. Au dernier moment un rayon extraterrestre lui fait regagner sa peau canine. Il marque un but qui donne la victoire à son équipe, mais en tant qu'animal.

   Excellent divertissement à la fois comme satire du milieu footballistique et éloge de l'amour à travers un renversement des valeurs, avec le juste degré d'irréalité nécessaire à une adhésion ludique du public : jolies femmes et effets spéciaux. Mais le meilleur du divertissement est dans le rôle, d'un mimétisme sobre et étudié, du chien tenu par Chabat lui-même. 27/04/01 Retour titres Sommaire

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Claude CHABROL
Liste auteurs

Les Cousins (générique) N&B 1959 110' ; R., Sc., Pr., Claude Chabrol ; Dial. Paul Gégauf ; Ph. Henri Decae ; M. Paul Misrahi ; Int. Gérard Blain (Charles), Jean-Claude Brialy (Paul), Juliette Mayniel (Florence), Claude Cerval (Clovis), Guy Decomble (le libraire), Stéphane Audran (Françoise).

   Pour ses études de droit, Charles monte à Paris vivre chez son cousin Paul. Rat des villes et rat des champs : Paul, dandy fêtard, propriétaire d'une Austin Healey ne mettant jamais les pieds à la fac ; Charles, gentil garçon poli et travailleur qui aime sa maman. Le Provincial s'éprend de Florence, un joli papillon sincère que lui présente le Parisien. Mais à l'instigation de l'ami louche Clovis, Florence et Paul se mettent en ménage. Acceptant l'humiliante promiscuité avec une apparente bonne humeur, Charles se concentre sur ses examens, tandis que Florence, qui ne tarde pas à se lasser de Paul, tourne en vain autour de lui.
   Il est recalé pourtant, contrairement à Paul ou plutôt son bagout. Désespéré et profitant de son sommeil, il joue à la roulette russe sur la tempe du responsable de ses tourments. Le rescapé sans le savoir se réveille, puis dans un jeu machinal qui lui est ordinaire, croyant de bonne foi le revolver vide, blesse mortellement son cousin. Un panoramique découvre le pick-up responsable du lourd fond sonore Wagnérien.

   Éclairages superlatifs, "fosse" tonitruante, mouvements d'appareil inutilement compliqués, ludisme gratuit parce que hors-système (la dernière scène), tout y sonne faux. Comment ce film peut-il se trouver à la neuvième place des meilleurs films de l'année 1959 selon Les Cahiers du cinéma ? Mystère.
   Les extérieurs parisiens et les saynètes "spontanées" n'ont de loin pas la grâce poétique d'
A bout de souffle sorti la même année. Quand Florence interroge Paul sous la douche : "Qu'est-ce qu'un sycophante ?", la scène cadrant en plan rapproché un face à face entre les amants est d'une telle banalité qu'on ne peut se retenir de regretter les dialogues saugrenus de Michel et Patricia à l'Hôtel de Suède.
   L'hommage rendu à
Boudu sauvé des eaux par la scène du libraire offrant à Charles un Balzac, ou par le long plan séquence dans l'appartement, n'a aucun sens parce que Chabrol n'a pas la liberté de Renoir et que ce clin d'œil ne fait que confirmer un éclectisme de dispersion.
   Pire, les personnages sont stéréotypés. Brialy fait un éblouissant numéro qui ne dépasse guère le niveau de l'insolence potachière. La vision des femmes est entièrement soumise à la désastreuse idéologie de l'époque  rien que des mamans ou des putains (ce qu'Eustache saura, lui, démystifier un peu plus tard), la vie commune permettant de joindre l'utile à
l'agréable.
   Loin du souffle de liberté qu'on attendrait d'un des actes de naissance de la Nouvelle Vague, on se croirait plutôt dans
Les Tricheurs de Marcel Carné (1958), récit d'une jeunesse dissolue qui donnait le frisson sans bouleverser l'horizon imaginaire du grand public. Bref, les années écoulées ont fait le tri. Rien de commun, mais absolument rien, outre A bout de souffle, avec des films sortis la même années comme Pickpocket, La Ballade du soldat (Tchoukhaï), Le Monde d'Apu (Ray) ou La Source (Bergman). 27/03/04 Retour titres Sommaire

Le Boucher Fr. 1969 couleur 95' R., Sc., Dial. C. Chabrol ; Ph. Jean Rabier ; M. Pierre Jansen ; Pr. André Genoves ; Int. Jean Yanne (Popaul), Stéphane Audran (Mlle Hélène).

   On assassine des jeunes femmes aux alentours d'un village périgourdin. La directrice d’école, Hélène, célibataire, arrivée première sur le lieu d’un des meurtres, y trouve le briquet qu’elle avait offert à Popaul, le boucher, célibataire également, avec lequel elle sympathisait, et qui espère plus. Elle tient sa langue, puis respire en découvrant que Popaul a toujours son briquet. Mais il a trouvé par hasard celui qu’elle détenait par devers elle. En réalité, le sien, qu'il avait remplacé. Réalisant un soir qu'en récupérant chez elle la pièce à conviction, le meurtrier s’était trahi, Hélène est terrorisée. Elle boucle toutes les issues. Mais il parvient à s'infiltrer à l'intérieur : afin d'exhaler sa honte et de déclarer son amour. Face à Hélène qu'il paraît menacer, il se plonge dans le ventre le couteau des crimes. Conduit aux urgences en 2 cv, le boucher y succombe après avoir obtenu d’Hélène un baiser. Celle-ci ressent sa solitude dans l'aube brumeuse.

   Script estimable en soi de reposer sur l’élucidation partielle de mystères. Mystère de cette relation atypique qui restera irrésolue, mystère résolu de l’énigme policière. La nature du mystère tient au fond à des inconnues renforcées par des contradictions. La qualité de boucher est un leurre de par l’énormité du cliché du boucher sanguinaire. On en est détourné de plus en raison de l’extrême gentillesse du personnage, qui jouit en apparence d’une belle santé mentale. Quant à Hélène, jolie femme indépendante voire disponible, elle n’est pas sans pouvoir passer pour sexuellement provocatrice : elle fume dans la rue, ce qui ne faisait alors que des prostituées. Le vieux chagrin d’amour invoqué pour maintenir la distance décente avec le boucher ne pèse pas lourd. Surtout qu’elle tient sa langue face aux sollicitations policières. La mésalliance même constitue typiquement le genre d’obstacle attiseur. Il y a donc une ambiguïté voulue, qui fait le véritable sel de l’intrigue, à faire abstraction si possible de la musique auxiliaire moderniste, faussement inquiétante, affadissante par sa lourdeur.
   Bel assaisonnement mais strictement narratif. À part le gigot offert comme un bouquet de fleurs, qu’Hélène hume du reste comme tel, ou, sur la place, les inquiétants arbres décharné, ou encore la nudité tragique du décor d'hôpital, le matériau filmique reste globalement inerte relativement à un enjeu d’ailleurs maintenu dans le registre du frisson, n’atteignant à aucun moment à la liberté d'un questionnement vital, tel que celui du sacrifice, qui eût permis au banal thriller de se dépasser. Le décor villageois, l’école et la boucherie, sont strictement naturalistes, ils ne proposent rien de plus qu’un vraisemblable rehaussé du plaisir touristique de la visite provinciale (le spectateur étant forcément parisien), mais traité sur le mode du placage. Tout à leur travail d’acteurs les deux protagonistes ne paraissent pas vraiment affectés par une réalité environnante aussi typique, et réciproquement.
   Justement, il s’agit surtout d’un film d’acteurs avec les limites inhérentes à ce choix, à savoir, que tout s’ordonne à la performance d’un jeu professionnel grâce auquel le filmage consiste à enregistrer quelque chose qui lui préexiste.
   Réputé être le meilleur de Chabrol, cet opus reste strictement limité au rôle de divertissement. On prend plaisir à le regarder, puis on oublie. 10/10/08
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La Cérémonie Fr. 1995 111' ; R. C. Chabrol ; Sc. C. Chabrol et Caroline Eliacheff, d'après L'Analphabète de Ruth Rendell ; Ph. Bernard Zitzermann ; Int. Sandrine Bonnaire (Sophie), Isabelle Huppert (Jeanne), Jacqueline Bisset (Catherine Lelièvre), Jean-Pierre Cassel (Georges Lelièvre).

   Dans un bourg breton, une paire de copines unies par la frustration, une postière (Jeanne) et une bonne (Sophie), font les fofolles, scandalisent les cathos du patelin, puis assassinent les Lelièvre, patrons de Sophie. Celle-ci, qui a perdu son vieux père dans un incendie assez louche, est une "perle", qui ne saurait indéfiniment laisser ignorer qu'elle est analphabète. Quant à Jeanne, elle fut soupçonnée du meurtre de sa fillette de quatre ans. Ce thème de la mort trouble traité par elles en dérision, scelle tout d'abord cette amitié de malheur. Avec son insolence et son culot, haïe des Lelièvre, qui la soupçonnent d'ouvrir leur courrier à la poste, Jeanne domine la passive Sophie. Laquelle menace la fille Lelièvre de dénoncer sa grossesse si elle révèle son analphabétisme. À cause de ce chantage, elle est congédiée.
   Alors que les Lelièvre regardent à la télé le
Dom Juan de Mozart, elles en font un massacre avec les carabines du patron. En partant, Jeanne est victime d'un accident mortel à cause d'une faiblesse technique négligée de sa voiture. Les preuves de sa culpabilité sont sur le magnétophone qui enregistrait Mozart pendant qu'elle proférait des menaces avant de tirer. Jeanne s'enfuit dans la nuit.

   D'où vient cette platitude après tant d'efforts dans le pittoresque de caractère et le tragique sanglant ?
   De ce que d'abord s'impose jusqu'à l'écœurement, comme si l'on n'avait pas compris, la représentation
(1) du déroulement de la vie bourgeoise avec ses salons, ses véhicules, ses goûts, et ses gueuletons.
   Qu'ensuite on laisse aux acteurs le soin de faire le travail. D'où ce numéro acrobatique d'experte en naturel d'Isabelle Huppert (Galerie des Bobines), qui a du mal à compenser le néant artistique du film, de plus pitoyablement rehaussé par le néoclassicisme de la musique auxiliaire, aussi médiocre que le milieu social dénoncé.
   La cruauté des rapports sociaux n'est en définitive qu'une convention propre à Chabrol, qui semble avoir inventé le thriller de province par prétexte commercial pour se laisser aller, sous la satire apparente, à sa propre fascination de la bourgeoisie profonde. 10/12/01
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Merci pour le chocolat Fr.-Sui. 2000 75'
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Youssef CHAHINE
Liste auteurs

Gare centrale (Bab el-Hadid) Egp. VO N&B 1958 90' ; R. Y. Chahine ; Sc. Abdel Hay Adib ; Ph. Alvise Orfanelli ; Pr. Films Cabriel Talhami ; Int. Youssef Chahine (Kenaoui), Hind Rostom (Hanouma), Farid Chawki (Abou Serib).

   La Gare du Caire comme microcosme. Kenaoui, crieur de journaux boiteux et frustré, désire la provocante vendeuse clandestine de limonade Hanouma, qui pense à autre chose, et se destine au porteur syndicaliste Abou Serib. Pour l'avoir à lui, Kenaoui devenu fou blesse gravement à la place un sosie, croyant l'assassiner. Pris par ruse alors qu'il tenait enfin Hanouma sous son couteau, il est emmené sous camisole.  

   Tout à la fois parodie de film noir et étude des intrigues souterraines d'une grande gare menée avec humour (les visages crispés d'un blessé et de son soigneur ont l'air de sourire), le drame interfère avec l'histoire d'une jeune fille amoureuse en secret d'un jeune homme destiné à une autre.
   Les genres s'y combinent avec maestria. Premier et meilleur film, à ma connaissance, de Chahine, qui ne pèche que par la surprésence de dialogues tonitruants. 98
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Le Destin (Al Massir) Egp. 1997 135' ; R. Y. Chahine ; Sc. Y. Chahine, Khaled Youssef ; Ph. Mohsen Nasr ; Son Gasser Khorched ; M. Rachida Abdel el Salam ; Int. Nour el Charif (Averroès), Laila Elwi (la Gitane), Mahmoud Hemida (le calife), Safeyn el Emari (l'épouse d'Averroès), Khaled el Nabawi (El Nasser), Mohamed Mounir (le Barde).

   Confirme, après presque 40 ans, que Chahine n'a pas tenu les promesses de Gare Centrale, comme le soulignait aussi la facture brouillonne de son Adieu Bonaparte (1985).

   Pour complaire aux intégristes de l'Andalousie arabe du XIIe siècle, le calife El Mansou fait brûler les livres d'Averroes. Mais les disciples du philosophe en font passer des copies à l'étranger.

   Cet hommage à Averroès procède, certes, de thèmes forts comme l'intégrisme musulman implicitement dénoncé à travers les sectes du Moyen Âge arabo-andalou, l'importance du rôle des femmes, le rapport entre le pouvoir, les artistes et les intellectuels ; et une large place est faite à la chanson et à la danse, qui font passer un souffle de liberté.
   Mais est-ce l'usage de la couleur, un peu trop voyante, des scènes de chant et danse ou des travellings sur les beaux paysages, ceux notamment que traverse Joseph le Français (dont le père, traducteur d'Averroès, périt sur le bûcher de l'Inquisition) transportant en France des livres d'Averroès pour les diffuser ?
   Irrésistible impression d'être bien calé dans un fauteuil, dessaisi de l'étrangeté fondamentale du réel. 12/05/00
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Christian de CHALONGE
Liste auteurs

L'Alliance Fr. 1970 90' ; R. C. de Chalonge ; Sc., Ad., Dial. C. de Chalonge, Jean-Claude Carrière, d'après son roman ; Ph. Alain Derobe ; M. Gilbert Amy ; Pr. Claudon ; Int. Anna Karina (Jeanne), Jean-Claude Carrière (Hughes), Isabelle Sadoyan (Hélène), Jean-Pierre Darras (le directeur de l'agence), Tsilla Chelton (sa secrétaire), Rufus (le colombophile).

   Le vétérinaire Hughes s'adresse à une agence matrimoniale afin de trouver une femme dotée d'un vaste appartement où loger ses animaux d'expérience. On lui présente un 300 m2 avec jardin en plein Paris, dont il épouse aussitôt la propriétaire, Jeanne. Elle accepte les animaux les plus étranges, mais Hughes confie à son magnétophone de poche ses soupçons jaloux à l'égard du passé, des sorties et relations de celle qui partage sa vie. Ayant découvert de son côté le petit appareil indiscret, elle attise consciemment la jalousie de son mari pour s'en faire aimer. Un beau matin l'amour surgit par le miracle du dialogue conjugal, qui remet tout en place. Mais trop tard : un cataclysme nucléaire ne laisse survivre du vétérinaire que quelques insectes dans un désert autour du magnétophone de poche débitant en dérision l'aveu amoureux qui n'arrivera jamais à destination.

   La réalisation tente de se hausser au niveau de ce magnifique scénario en forçant dans le bizarre et l'effet photo : demeure ancienne à hauts plafonds et débarras archéologique, dont les étagères semblent désaffectées, en accord avec un bestiaire de fossiles vivants, morphologiquement dissonants comme l'atroce avant-gardisme "de fosse" de Gilbert Amy.
   Lequel n'est que la version sonore de l'esthétisme chromatique de décor ou de filtre, à dominante jaune orangée. Le jeu des acteurs et des animaux a beau être remarquablement sobre, tant d'effort n'a réussi qu'à démoder prématurément le film. 9/12/01
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Docteur Petiot Fr. 1990 98' ; R. C. de Chalonge ; Sc. Dominique Garnier et C. de Chalonge ; M. Michel Portal ; Pr. Philippe Chapelier-Dehesdin, Alain Sarde ; Ph. Patrick Blossier ; Int. Michel Serrault (Dr Petiot), Pierre Romans (Diezner), Zbigniew Horoks (Nathan Guzik), Bérangère Bonvoisin (Georgette Petiot), Maxime Collion (Gérard Petiot).

   Bon mari et bon père, médecin jovial, humain et charitable sous l'Occupation, l'exemplaire docteur Petiot offre à des proscrits juifs ou autres de les évacuer pour les dépouiller après les avoir assassinés. Les corps sont incinérés à son domicile. Arrêté en 46, il est guillotiné. On découvre dans une réserve quantité de valises bourrées d'objets personnels utiles ou précieux.

   Beaux décors parisiens décalés, indigents et désertiques, sans complaisance autre que celle des jardins publics ou de la Galerie des Panoramas pour contourner la difficulté des extérieurs d'époque.
   Les ailes noires de sa cape éployées dans le lointain, Petiot traîne, derrière une bicyclette gémissant à longues plaintes aiguës dans la ville nocturne, une vaste remorque bourrée. C'est à peine s'il a le temps, entre deux rendez-vous, d'enfourner ses gigots humains dans la chaudière du sous-sol ronflant comme une locomotive.
   Des hangars et salles désaffectés gigantesques avec profondeur de champ et sons réverbérés accentuent le côté fantasmagorique.
   Michel Serrault sait rendre fascinant le personnage par un jeu prodigue et tournoyant de comédie grotesque.
   Ces forçages du trait évacuant toute profondeur ontologique, bâtissent un mythe à la manière d'une BD réaliste, plus que d'un film véritable.
   Pouvait-il en être autrement dès lors que le dessein tenait au pittoresque thématique et à la performance d'acteur ? 17/05/02
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Charlie CHAPLIN
Liste auteurs

Charlot et le comte (The Count) USA Muet N&B 1916 deux bobines
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Charlot fait une cure (The Cure) USA Muet N&B 1917 deux bobines 15'
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Charlot Policeman (Easy Street) USA Muet N&B 1917 deux bobines
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L'Émigrant (The Immigrant) USA Muet N&B 1917 deux bobines
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The Kid  USA Muet N&B 1921 51' (1700m)
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L'Opinion publique  (A Woman in Paris) USA Muet N&B 1923 75'
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La Ruée vers l'or (The Gold Rush) USA Muet N&B 1925 75'
Commentaire

Le Cirque (The Circus) USA Muet N&B 1927 67' (2144m)
Commentaire

Les Lumières de la ville (City Lights) USA Muet N&B 1930 80'
Commentaire

Les Temps Modernes (Modern Times) USA Muet N&B 1936 ; Sc. C. Chaplin ; Ph. Rollie Totheroh ; Pr. Artistes associés ; Int. Charles Chaplin (Charlot), Paulette Godard (la gamine), Henry Bergman (le tenancier du cabaret), Chester Conklin (le mécanicien). (voir mon article publié) Retour titres Sommaire

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Etienne CHATILIEZ
Liste auteurs

Tatie Danielle Fr. 1990 110' ; R. E. Chatiliez ; Sc. Dial. Florence Quentin ; Ph. Philippe Welt ; M. Gabriel Yared ; Pr. Charles Gassot ; Int. Tsilla Chelton (Danielle Billard), Catherine Jacob (Catherine), Eric Prat (Jean-Pierre), Neige Dolsky (Odile), Isabelle Nanty (Sandrine).

   Tatie Danielle persécute sa vieille bonne qui, sommée de grimper sur un escabeau pour nettoyer un lustre se rompt le cou. L'âme tranquille, elle revend sa maison de la province profonde au profit de la famille de ses neveux de Paris, où elle compte s'installer pour exercer ses talents. Elle y réussit tellement bien qu'au lieu de s'en partager la garde, les neveux décident de confier leur chère parente à une femme de compagnie pendant leurs vacances crétoises, prévues de longue date. La seule à se présenter, Sandrine, ne se laisse pas faire, ce qui, contre toute attente, lui attire la sympathie de Tatie. Mais Sandrine finit par la plaquer, la laissant livrée à elle-même dans un capharnaüm couronné enfin par un incendie. Les neveux sont mis hors de cause par la justice malgré la rumeur publique. Reléguée dans une maison de retraite, la vieille teigne s'en évadera avec l'aide de Sandrine.

   Le film est censé reposer sur la valeur burlesque de la méchanceté en-soi, en tant qu'elle s'inspire de la prépondérance infantile du principe de plaisir (sadique).
   Cependant, malgré une ambivalence des comportements bien étudiée : l'attirance de Tatie pour une femme aussi énergique qu'elle ou bien celle d'une pensionnaire de l'asile pour Tatie qui la maltraite, il se disperse dans des voies hétérogènes. Par un revirement naturaliste, la caméra enfonce le clou en soulignant le côté prédateur du profil camard de Tatie.
   Construit de plus comme une démonstration linéaire sur le principe du crescendo, le récit se prive de l'imprévisibilité de la logique du burlesque. La fin est une fade pirouette vaudevillesque. Complétez d'un saupoudrage de satire petite-bourgeoise visant les neveux et vous avez un empilement, plat d'autant qu'il tente de se hausser. 27/01/03
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Peter CHELSOM
Liste auteurs

Les Drôles de Blackpool (Funny Bones) GB-USA VO 1995 120' ; R. P. Chelsom ; Sc. P. Chelsom, Peter Flannery ; Ph. Eduardo Serra ; M. John Altman ; Pr. Simon Filds, P. Chelsom ; Int. Oliver Platt (Tommy Fawkes), Lee Evans (Jack Parker), Jerry Lewis (George Fawkes), Leslie Caron (Katie Parker), Richard Griffith (Jim Minty), Oliver Reed (Dolly Hopkins).

   Le cinéma, ce n'est pas de la chose filmée mais du film "chosé". Un film sur le music-hall ne saurait être une suite de numéros filmés, mais un découpage, un jeu d'indices, de renvois, d'interférences visuelles et/ou sonores qui soient des effets spécifiques propres à donner la sensation d'une essence et non la représentation (1) d'une apparence du music-hall. Or ici un spectacle filmé nous est donné à voir, supposé être des meilleurs.
   Non seulement donc se trouve-t-on devoir endosser le rôle du spectateur dans le film, puisqu'on voit ce qu'il est censé voir, mais les réactions nous sont dictées de surcroît : "mais si ! C'est excellent ! Il faut en jouir… Jouissez !" Malheureusement la crédibilité de l'intrigue entend se fonder sur ces pauvres subterfuges.

   Le fils du grand comique Fawkes, Tommy, rencontre l'échec à vouloir mettre ses pas dans ceux de papa. Ayant traversé l'Atlantique pour acheter cher un numéro à Blackpool, haut lieu des fantaisistes du music-hall (et lieu de naissance du réalisateur), il découvre l'"extraordinaire" Jack Parker. Mais apprend également que, non seulement son père pilla jadis les numéros de la famille Parker, mais que, de plus, Jack (qui considéré comme psychopathe est interdit de scène) est son demi-frère.
   Ils parviennent à la fin à déjouer la surveillance policière pour faire ensemble un numéro qui, infligé justement au spectateur comme remarquable, clôture lamentablement le film.

   Le metteur en scène est si peu sûr de lui qu'il construit inutilement son film comme un puzzle mêlant par bribes deux intrigues indépendantes dont on apprendra en réalité qu'elles se complètent. Soyons fair-play : prenons-le comme un avertissement de ce qu'il faut éviter ! 11/10/00 Retour titres Sommaire

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Pierre CHENAL
Liste auteurs

Crime et Châtiment Fr. N&B 1935 97' ; R. P. Chenal ; Sc. Pierre Chenal, Christian Stengel, Wladimir Strijewski, d'après Dostoïevski ; Dial. Marcel Aymé ; Ph. René Colas, Joseph-Louis Mundwiller ; Déc. Aimé Bazin ; M. Arthur Honegger ; Pr. Général Production ; Int. Harry Baur (Porphyre), Pierre Blanchar (Raskolnikov), Madeleine Ozeray (Sonia), Lucienne Le Marchand (Dounia), Sylvie (Catherine Ivanovna), Catherine Hessling (Elisabeth).

   Pour l'amour d'une prostituée, l'étudiant Raskolnikov avoue à la police avoir assassiné une prêteuse sur gage et sa fille.

   Le caractère insolite du rapport entre le juge Porphyre, qui le soupçonne, et l'assassin esquivant tous les pièges, provient de la tournure non protocolaire de l'affaire. La sympathie de Porphyre pour l'assassin ne l'empêche pas d'accomplir son devoir. De son côté, l'étudiant ne semble pas concerné par la norme judiciaire. Il serait resté impuni sans sa conscience, éveillée par la misère de la jeune femme qui le suivra au bagne.
   Cette distanciation s'épanouit dans le jeu expressionniste de Blanchar auquel répond le flegme paterne et frotté (plus légèrement qu'à l'ordinaire) de cabotinage de Baur.
   Contrastant avec la russomanie cinématographique de l'époque, la sobriété du décor nous épargne le misérabilisme affiché qui eût occulté la misère véritable, cause sociale du drame. Ces murs nus et ces vastes pièces vides, valorisés par la touche d'authenticité des matériaux du décor, campent mieux la solitude et le dénuement que le grouillement crasseux dont on croyait ordinairement devoir affliger le spectateur pour combler sa soif de pittoresque.
   Sobriété corroborée par la raréfaction de la musique auxiliaire après la montée en tension musicale du crime pour justifier à coup sûr le cachet du grand Honegger.
   Il serait intéressant d'évaluer l'influence de cette adaptation
(1) sur une autre dont on ne saurait oublier la parenté : Pickpocket de Bresson inspiré de la même œuvre de Dostoïevski. S'y retrouve en effet la nudité du décor et ce rapport ambigu entre le jeune homme et le commissaire, dont la coiffure n'est pas sans évoquer celle de Harry Baur. 31/10/01 Retour titres Sommaire

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Patrice CHÉREAU
Liste auteurs

Ceux qui m'aiment prendront le train Fr. 1998 120' ; R. P. Chéreau ; Sc. P. Chéreau, Danièle Thompson, Pierre Trividic ; Ph. Eric Gautier ; Int. Pascal Greggory (François), Jean-Louis Trintignant (Jean-Baptiste/Lucien), Bruno Todeschini (Louis), Vincent Perez (Frédéric/Viviane), Valeria Bruni-Tedeschi (Claire), Charles Berling (Jean-Marie).

   Un groupe familial parisien se déplace à Limoges où la famille s'est enrichie dans la chaussure, pour y enterrer le septuagénaire Jean-Baptiste dont c'était la volonté : "Ceux qui m'aiment prendront le train". Cependant le corps est acheminé par route en dépanneuse à la suite de l'accident du break conduit par le père de la jeune héritière présumée. Tous logent dans la somptueuse propriété de Lucien, le jumeau du défunt. Cette disparition d'un membre central est un puissant révélateur des secrets de famille et de la violence associée. François, homosexuel comme son oncle défunt, se débat entre ses deux amants (épris l'un de l'autre) qui sont du voyage, bien que l'un d'eux quitte le train en cours de route. Jean-Marie, le fils de Lucien se dispute avec sa femme enceinte. Lucien fait essayer des chaussures à Viviane le travesti, etc.

   La caméra, par des va-et-vient serrés, construit un portrait de groupe où l'homosexualité et le transvestisme ont la vedette au détriment de la satire familiale, qui manque son apothéose cathartique. D'où un sentiment de déperdition, d'agitation technique vaine.
   On peut mesurer ce qui manque à la réussite filmique de la scène du cimetière. Superbe fanfare funèbre qui s'éteint avec le transistor à piles, puis lecture par un vieil ami étranger d'un poème anglais traduit par l'inverti neveu au bord des larmes.
   Malheureusement, dédiée à un mouvement de grue par hélicoptère à travers le domaine, qu'accompagne la Dixième de Malher à titre de liant grandiose obligé, la fin manque totalement d'imagination. 1/07/02
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Intimité (Intimacy) Fr.-G.B. VO 2000 120'
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Son frère Fr. 2002 90' ; R. P. Chéreau ; Sc. P. Chéreau et Anne-Louise Trividic, d'après le roman de Philippe Besson ; Ph. Eric Gautier ; Mont. François Gedigier ; Son Guillaume Sciama ; Pr. Azor Films ; Int. Bruno Todeschini (Thomas), Eric Caravaca (Luc), Maurice Garrel (le vieil homme), Antoinette Maya (la mère), Fred Ulysse (le père), Nathalie Boutefeu (Claire), Sylvain Jacques (Vincent), Catherine Ferran (le médecin-chef), Robinson Stévenin (Manuel) ; Ours d'argent au festival de Berlin 2003.

   Après s'être longtemps perdus de vue, Luc et Thomas, deux frères de trente et trente-trois ans, nouent une relation profonde sur la base de l'appel au secours de l'aîné malade, dont les plaquettes du sang se détruisent. Luc tout d'abord renâcle, puis se consacre totalement à son frère, l'assistant dans l'épreuve des lourds traitements chimiques puis chirurgicaux qui se multiplient en vain. Entre la résidence secondaire familiale en Bretagne et l'hôpital parisien, se déploie à travers diverses rencontres, un univers de la vie en sursis. Finalement, après avoir renoncé aux soins, Thomas se suicide dans la mer.

   Cadrage hyperserré et temps réel tentent de rendre sensible une expérience touchant la maladie de l'un et l'homosexualité de l'autre. Méconnaissant que, fondamentalement fictionnel, l'ordre filmique n'a rien à voir avec le réel, un parti pris réaliste nous invite donc à nous impliquer émotionnellement dans ce drame aux prolongements métaphysiques.
   Le temps réel peut être intéressant dans la mesure où il participe d'un jeu fictionnel, notamment en tant que mise à l'épreuve de la viabilité du plan s'éternisant. En tout cas il n'injecte nulle réalité mais ses simulacres. La scène où les infirmières rasent entièrement le corps de Thomas avant le bloc opératoire aurait gagné à être elliptique, car elle est émouvante pour d'autres raisons, associatives celles-là : la ressemblance de ce corps aux nuances jaunâtres avec les représentations macabres, notamment christiques (voir aussi la plaie au côté), de la tradition picturale. En tout cas, on ne peut au cinéma produire rien d'autre qu'une sensation de réel, ce qui requiert paradoxalement des artifices considérables.
   Le réalisme de la représentation de l'homosexualité masculine entraîne d'autres conséquences, desservant les meilleures intentions de l'auteur. Il se résume à un exhibitionnisme bien propre à confirmer les préjugés les plus crasses. En optant pour le contre-pied de l'érotisme dominant, il tombe dans la même relégation de l'amour, qui est la dignité du sexe.
   En conclusion, caractéristique bien française, le réalisme est aujourd'hui plus que jamais l'ennemi intime du cinéma. 2/06/03
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Jean CHOUX
Liste auteurs

La Vocation d'André Carel Sui. Muet N&B 1925 85'
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Benjamin CHRISTENSEN 
Liste auteurs

La Sorcellerie à travers les âges (Häxan) Suéd. Muet N&B 1922 80'
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CHRISTIAN-JAQUE
Liste auteurs

L'Assassinat du père Noël Fr. N&B 1941 110' ; R. Christian-Jaque ; Sc. Pierre Véry ; Ad. Dial. Charles Spaak ; Ph. Armand Thirard ; Déc. Guy de Castine ; M. Henry Verdun ; Pr. Continental Films ; Int. Harry Baur (Cornusse), Raymond Rouleau (le baron), Renée Faure (Catherine), Marie Hélène Dasté (La mère Michel), Robert Le Vigan (Léon Villard), Fernand Ledoux (le maire), Jean Brochard (Ricomet), Bernard Blier (le gendarme).

   L'anneau de Saint Nicolas est dérobé le 24 décembre. De retour au pays après un tour du monde en quête de la femme idéale, le baron Roland s'éprend de Catherine. Jaloux, l'instituteur Villard fait porter les soupçons sur son rival. Mais le gendarme découvre que le coupable est le pharmacien. L'anneau est retrouvé et le baron épouse Catherine.

   Joli conte des neiges, intégrant assez bien le fantastique par :
   - les atours de style moyenâgeux de Catherine
   - les blancheurs fantomatiques du décor extérieur
   - l'architecture (il faudrait étudier de près les impostes sculptées et leur rapport voulu avec les visages des fidèles)
  - l'intérieur du château du baron, dont le gant de cuir dissimule un troublant secret (symboliquement sexuel puisque la dénudation de la main, avérée non-lépreuse, promet l'union du baron et de la jeune fille)
   - la figure de la mort incarnée par "la mère Michel" grande perche blafarde enveloppée d'une cape noire, toujours à la recherche de Mitsou pourtant empaillé dans une armoire.
   La montagne environnante et l'isolement du village favorisent le mystère.
   Acteurs un peu datés : Harry Baur sur mesure, angélisme des enfants et de Catherine (René Faure) dans le rôle de la "bergère". En revanche, Fernand Ledoux sobre dans le rôle du maire, et Raymond Rouleau, incarnant parfaitement le mythe du prince charmant (dix ans parti = cent ans) grand, mince, droit, digne et pacifique. Excellente trouvaille : le seul vrai père Noël n'est-il pas le gendarme (Bernard Blier), qui s'est fait attendre mais a résolu en un tournemain toutes les énigmes, et connaît assez les secrets du village pour suggérer d'offrir la mappemonde au petit infirme, lequel en sortira miraculé ? 5/12/99
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Nana Fr.-It couleur 1954 120' ; R. Christian-Jaque ; Sc. Jean Ferry, Albert Valentin, Henri Jeanson, d'après Émile Zola ; Ph. Christian Matras ; M. Georges Van Parys ; Pr. Jacques Roitfeld ; Int. Martine Carole (Nana), Charles Boyer (comte Muffat), Noël Roquevert (Steiner), Jacques Castelot (duc de Vandeuvres), Walter Chiari (Fontan), Jean Dubucourt (Napoléon III), Jacqueline Plessis (l'impératrice Eugénie), Paul Francœur (Bordenave).

   Chanteuse de revue, Nana est entretenue par le banquier Steiner qui, ruiné, s'esquive. Entre-temps, le comte et chambellan de l'impératrice Muffat s'éprend de la courtisane. Il succède à Steiner, se ruine pour elle, est plaqué par sa femme. Malgré ses promesses, Nana a divers amants dont le duc de Vendeuvres, qui truque une course hippique pour avoir de quoi la souffler à Muffat. Mais découvert, il se suicide dans l'écurie par lui incendiée. Nana qui l'attendait ne le saura jamais : furieux d'être largué après avoir tout perdu pour elle, Muffat l'étrangle.

   Rien ne subsiste de la comédie sociale de Zola dévoilant travers et faiblesses. Les contradictions sont gommées et l'empereur est un vieux sage qui gronde le chambellan égaré. Tout tourne autour du caractère scandaleux du personnage de Nana, affadi par une Martine Carol qui fait son possible. Boyer, dont on a vanté la prestation, a surtout le douteux mérite de rester imperturbablement lui-même en passant d'un plateau à l'autre, ce qui privilégie le côté chambellan au détriment du requin. Le banquier Steiner, l'inénarrable bobine de Roquevert toujours vissée sur les épaules, ne saurait être pris au sérieux. Le plus crédible est la tête poupine et comme naturellement poudrée de Castelot-Vendeuvres.
   Enfin les dialogues ont beau porter la griffe de Henri Jeanson : la couleur baveuse et criarde, le décor et les costumes kitsch ainsi que la musique pompière (accords de marche funèbre à la mort de Nana !) complètent brillamment le massacre. Rien à voir avec la magnifique version de Renoir. 26/09/02
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Michael CIMINO
Liste auteurs

Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter) USA VO Technicolor, Panavision, 1979 176' 
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Souleymane CISSE
Liste auteurs

Waati (Le Temps) Mali VO multilingue (bambara, français, etc.) N&B 1995 143'
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 René CLAIR
Liste auteurs

Sous les toits de Paris (Unter den Dächtern von Paris) Fr.-All. N&B 1930 80' ; R., Sc., Dial. R. Clair ; Ph. Georges Périnal, Georges Raulet ; Mont. R. Clair, René Le Hénaff (pour le son) ; Déc. Alexandre Trauner, Lazare Meerson ; M. André Gailhard, Armand Bernard ; Pr. Tobis ; Int. Albert Préjean (Albert), Pola Illéry (Pola), Édmond Gréville (Louis), Bill Bocket (Émile, le voleur), Gaston Modot (Fred, le truand), Paul Ollivier (le client).

   Au lieu de fermer les yeux comme d'habitude, le marchand de chansons Albert, charmé, s'efforce de préserver la jolie Roumaine Pola du pickpocket Émile, qui profite de la concentration des chanteurs pour visiter les sacs à main. Cependant, non moins charmé, le truand Fred vole à la jeune femme la clé de sa chambre sous les toits. Elle se réfugie pour la nuit chez Albert, qui accepte de dormir par terre après avoir été évincé du lit. Bientôt tout de même on en vient au projet de mariage. Mais le futur est arrêté à cause d'une valise bourrée d'objets volées, à lui confiée par Émile. Pendant la prison, Pola s'éprend de Louis, le meilleur ami d'Albert. Ce dernier, mis hors de cause par le voleur, est libéré. Entouré de complices, Fred, qui lui avait défendu de regarder Pola, provoque celui-ci en duel. Louis vient à la rescousse avec du renfort. La bande de Fred est épinglée par les flics, que Louis et Albert parviennent à semer. Le chanteur de rue découvre qu'il a été trompé. Louis ignorait son ami aimer Pola. Il propose de la jouer aux dés. Mais l'amitié l'emportant, Albert prétend qu'il ne l'aime pas et s'efface. 
       
   L'amour ! Thème de la chanson-titre auquel la fiction ajoute l'amitié, dans le Paris populaire
si pittoresque, celui qui sera  quelque trente ans plus tard condamné par la spéculation immobilière. Ce Paris disparu ne va pas sans son pavé, ses bistrots et dancings, ses petits métiers, ses intrigues de voisinage, ses Apaches (truands) et ses Hirondelles (flics à vélo).
   Pour son premier parlant, se voulant à la fois réaliste, burlesque, et poétique (la "poésie des toits"), René Clair fait d'excellents choix : l'économie de moyens en ménageant des séquences muettes en pantomime et des écrans noirs avec son. Un récit non linéaire grâce à de plaisantes diversions qui donnent
de l'épaisseur à ce petit monde : le locataire, d'autant qu'il a une rage de dents, allergique à la chanson qui fait l'unanimité de la rue et de l'immeuble, et le client du bistro qui assiste au triomphe final de l'amitié sur l'amour, avec un tel étonnement, qu'il renonce à son apéritif pour un verre d'eau. Certains objets adventices ont la même fonction d'amplifier les éléments de l'intrigue. Pendant qu'Albert purge sa peine, les fleurs et les victuailles rapportées pour accueillir Pola pourriront dans la chambre  dont il a cassé un carreau en cherchant fiévreusement à cacher la valise. En bref le réalisateur construit son récit avec élégance, au sens que l'on donne à ce mot en mathématiques.  
   C'est pourtant plus proche de la bande dessinée que du cinéma, qui sera toujours tributaire, aussi imaginaire et fantaisiste soit-il, de la crédibilité du réel enregistré. Le cinéma est un artifice voué à l'enregistrement de la réalité. Aucune de ces deux composantes ne devrait être sacrifiée. Ni cinéma du réel ni fiction. Il faut au faux
du vrai, lequel ne peut passer que par l'artifice. La facticité l'emporte ici au contraire dans ces décors de studio bien léchés, ces mouvements de grue soulignant l'impression de maquette, ses accompagnements musicaux délogeant ce petit monde de son intimité sonore propre. 28/07/19 Retour titres Sommaire

Quatorze juillet Fr. N&B 1932 89' ; R., Sc., R. Clair ; Ph. Georges Périnal, Louis Page ; Mont. René Le Hénaff ; Déc. Lazare Meerson ; M. Maurice Jaubert ; Int. Annabella (Anna), Pola Illéry (Pola), Georges Rigaud (Jaen), Raymond Cordy (Raymond), Thomy Bourdelle (Fernand).

   Voisins de rue, la fleuriste Anna et le chauffeur de taxi Jean, toujours à se chamailler, valsent pourtant amoureusement le 13 Juillet après un baiser échangé sous une porte cochère, favorisé par la frayeur de l'orage, à supplanter la timidité dans les bras de l'homme. Mais la mère d'Anna tombée malade et Pola, l'ancienne maîtresse de Jean venue s'incruster chez lui au su d'Anna, entraînent l'annulation du rendez-vous du 14. Ils se perdent de vue ayant déménagé, elle en raison de la mort de sa mère, lui entraîné par Pola dans le sillage de deux voleurs. Ces derniers avec Jean pour guet montent le cambriolage d'un café à l'heure de la fermeture par la serveuse. En l'occurrence Anna. Jean fait rater le coup, mais sa chérie est renvoyée et devient fleuriste ambulante grâce aux largesses d'un vieux fêtard excentrique qu'elle avait giflé au début pour cause de baiser volé. Durant sa tournée, sa voiture à bras est heurtée par un taxi piloté par Jean. Ils ne se quitteront plus.   

    Touchante romance du Paris populaire avec quelques belles tronches de Titis, dans le milieu des concierges et des limonadiers, où l'on sait s'amuser sous les lampions au son heurté de la java, contrairement aux somnolents bourgeois des dancings chic. Rien de trop, voyez la délicate sobriété d'Annabella. Les décors bien léchés, inspirés de la butte Montmartre, déploient dans un crépuscule de studio la poésie d'un urbanisme étagé, ponctué de réverbères et d'enseignes de petits hôtels. La caméra fait malice du détail des pantoufles des commères ou du passage de la petite famille endimanchée. Un burlesque bon enfant donne le ton de l'aimable fantaisie. La manivelle du rideau de fer du café semble entraîner les parodiques flonflons (jaubertiens) de Quatorze juillet. Musique qui fait aussi office de "fosse" quand elle coïncide avec des actions indépendantes, l'accompagnement auxiliaire étant mêlé, lui, de ces chœurs de rue spontanés du temps, fosse sans lieu et quasi céleste, célébrant avec "À Paris dans chaque faubourg" le petit peuple de Paname. Tout y ramène en sa sage facture - n'excluant pas la parfaite maîtrise du langage filmique - à la tendre historiette, beau travail bien lisse d'artisan sans génie. 09/02/18 Retour titres Sommaire

La Beauté du Diable Fr. N&B 1949 92' ; R., Sc. R. Clair ; Dial. Armand Salacrou ; Ph. Michel Kelber ; Déc. Léon Barsacq ; M. Roman Vlad ; Pr. Franco London Films ; Int. Michel Simon (Méphistophélès), Gérard Philipe (Henri), Simone Valère (la princesse), Nicole Bernard (Marguerite), Gaston Modot (le Bohémien), Paolo Stoppa (le procureur).

   Méphistophélès offre, avec ses services, la jeunesse sans contrepartie au professeur Faust, sommité scientifique d'une principauté d'opérette. Métamorphosé en gracieux jeune homme sous le nom d'Henri, il fait la connaissance de la Gitane Marguerite puis s'éprend de la princesse rencontrée en privé à volonté sous l'effet des sortilèges de son terrible serviteur. Lequel sous l'apparence du vieux Faust enseigne à Henri la fabrication de l'or. Si bien que celui-ci devient indispensable au prince dont il renfloue les caisses. Mais en lui contant que ce n'était qu'un rêve qu'il pourrait lui rendre réel, Méphistophélès tend à sa proie un piège pour lui ravir son âme. Faust signe en effet le fatal parchemin censé lui rendre ce qu'il n'a jamais perdu, mais comprenant qu'il a été trompé, il quitte la cour pour rejoindre Marguerite, tandis qu'ayant changé l'or en sable, le diable tenu pour Faust est pris à parti par le peuple. Acculé à une fenêtre du château, il bascule dans le vide et disparaît en fumée avec le parchemin, laissant le champ libre à l'amour.

   Divertissement de qualité d'une parfaite platitude, où le factice éclate à chaque pas. La grâce un peu mièvre de Gérard Philipe, l'impudente liberté de Michel Simon même (Galerie des Bobines), s'engluent dans la médiocrité ambiante. 15/01/03 Retour titres Sommaire

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Jack CLAYTON
Liste auteurs

Chaque soir à neuf heures (Our Mother's House) GB VO couleur 1967 105' ; R. J. Clayton ; Sc. Jeremy Brooks ; Ph. Larry Pizer ; M. George Delerue ; Int. Dirk Bogarde (Charlie), Margaret Brooks (Elsa), Pamela Franklin (Diana).

   Dans une demeure victorienne, sept enfants perdent leur mère. Pour ne pas changer d'existence, ils l'enterrent au jardin, et lui élèvent un sanctuaire dans une cabane où ils communiquent rituellement avec elle. C'est en imitant sa signature qu'ils peuvent continuer à toucher sa pension. Mais l'un des aînés requiert l'aide de Hook, leur père inconnu dont l'adresse se trouvait dans les archives maternelles. Ce dernier est un aigrefin qui achète l'affection des enfants pour exploiter les biens de la défunte. Il finit par se dévoiler et meurt d'un coup de tisonnier appliqué par celle qui lui était le plus attachée.

   Tous les éléments d'un très bon film sont réunis. La nature du scénario, l'ambiance fantastique du décor victorien, un sérieux travail d'observation du comportement enfantin, l'étonnant jeu de Bogarde, personnage cynique et ambigu à souhait, qui donne même longtemps le change au spectateur.
   Mais ce ne sont qu'ingrédients disparates, qu'une musique auxiliaire ringarde et encombrante s'efforce en vain de fondre ensemble. Bogarde ne fait rien d'autre qu'habiter son rôle éternel. Les allusions aux sept Nains de Blanche-Neige ou aux
Oiseaux de Hitchcock (les enfants quittant la maison après le meurtre, le cadet demande la permission d'emmener son canari) sont loin de suffire pour développer une dimension symbolique(1) qui pourrait émouvoir en sous-main.
   En définitive, si l'on parvient à faire abstraction de la musique superfétatoire, cela reste agréable en raison du caractère émouvant du scénario, du travail des acteurs et du soin mis à la réalisation. 16/07/03
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René CLÉMENT
Liste auteurs

Gervaise (Gervaise) Fr. N&B 1955 ; R. R. Clément ; Sc. Jean Aurenche, Pierre Bost, d'après Zola ; Ph. Robert Juillard ; M. Georges Auric ; Pr. Agnès Delahaie/Annie Dorfmann/Raymond Borderie ; Int. Maria Shell (Gervaise), François Perrier (Coupeau), Suzy Delair (Virginie Poisson), Armand Mestral (Lantier), Jany Holt (Mme Lorilleux (Galerie des Bobines), Florelle (Maman Coupeau).

   Abandonnée par le beau Lantier avec deux enfants, Gervaise épouse le gentil couvreur Coupeau qui devient alcoolique après un accident de toit. Grâce au prêt du forgeron amoureux d'elle, elle ouvre une blanchisserie. Mais la perfide Virginie Poisson avec laquelle il y avait eu crêpage de chignons, se venge en introduisant Lantier dans le ménage. Coupeau n'y voyant que du feu lui offre même une chambre au logis familial. Finalement Lantier est chassé par Gervaise qui a compris avoir été abusée. Ayant détruit la boutique dans une crise de démence, Coupeau meurt. Gervaise ruinée sombre dans l'alcoolisme et Nana, leur fille, reste livrée à elle-même. La suite dans Nana mais oubliez Christian-Jaque (1954) pour vous jeter sur Renoir (1926).

   Véritable exercice de didactique scolaire, le film, se place sous le signe de la fidélité à un original expurgé. Fidélité à un Zola délesté de son naturalisme tragique, c'est-à-dire réduit à l'inessentiel, notamment au Paris muséal du Second Empire, construit avec minutie.
   Par un fastidieux mimétisme, les longues descriptions de Zola se traduisent par de longues scènes (le
lavoir, la noce, la visite au musée du Louvre, le repas chez Gervaise), et l'on visite les lieux, intérieurs et extérieurs, de la capitale du temps reconstituée.
   Finalement, inscrit à l'origine dans un vaste mouvement historique et social, le drame se réduit ici au destin mélodramatique de Gervaise. L'intelligence du cadrage et des mouvements d'appareil ne sauve nullement la mise, au contraire, elle est la caution de la "qualité française".
   Quelle frustration qu'un travail parfait aussi dépourvu de souffle et d'imagination ! 28/05/03
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Plein soleil Fr. 1959 120'
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Paris brûle-t-il ? Fr. 1967 N&B 158' ; R. R. Clément ; Sc. Gore Vidal, Francis Ford Coppola, d'après Dominique Lapierre et Lary Collins ; Dial. Marcel Moussy ; Ph. Marcel Grignon, Jean Tournier ; M. Maurice Jarre ; Pr. Paramount ; Int. Jean-Paul Belmondo (Pierrelot : Galerie des Bobines), Charles Boyer (Dr Monod), Leslie Caron (Françoise Labé), Jean-Pierre Cassel (Lieutenant Karcher), Bruno Kremer (colonel Rol), Alain Delon (Chaban-Delmas), Gert Froebe (général von Choltitz), Kirk Douglas (général Patton : Galerie des Bobines), Yves Montand (sergent Bizien), Antony Perkins (sergent Warren), Claude Rich (général Leclerc), Simone Signoret (la patronne du bistrot (Galerie des Bobines)), Orson Welles (Nordling).

   Août 44. Alors que les Alliés approchent de la capitale, le gouverneur von Choltitz a ordre d'en faire sauter les prestigieux monuments. Mais le consul de Suède Nordling l'en dissuade alors qu'à la suite de l'exécution d'un groupe d'étudiants, l'insurrection est déclenchée, malgré le général Chaban-Delmas, qui voulait attendre les Alliés. Leclerc entre dans Paris.

   Film officiel présenté en grande pompe au palais de Chaillot sous De Gaulle avec Alain Delon (Galerie des Bobines) dans le rôle de Chaban... alors président de l'Assemblée Nationale, mais production américaine ayant imposé la pléiade de stars, dont l'excès même prête à rire.
   Quelle platitude ! Succession de plans isolés sans hors champ. Impression de creux et de faux. Figurants proprets, acteurs coiffés et affublés à la mode 1960. Revue de stars et étalage de moyens : les rues de Paris vides en profondeur de champ. Le pauvre Antony Perkins (Galerie des Bobines), le "Norman" de
Psychose avec son sourire candide (préparé de longue haleine) aime trop la vie pour ne pas devoir mourir à la fin face caméra, le dos bien exposé à la rue où l'on sait se terrer les derniers Allemands. Lourd ! Choltitz/Froebe, bonne pâte pour jouer l'impartialité. Orson Welles se rejoue, une fois de plus, Le Troisième homme dans les coulisses. Claude Rich, un Leclerc rajeuni de 20 ans...
   "Balthazar est une toute petite production à côté de
Paris brûle-t-il [qui se tournait en même temps)" disait-on alors selon Anne Wiazemsky (in  Jeune fille,  Folio, p. 182). Géant devenu nain et réciproquement.
   Et Jacques Siclier dans
Télérama : "...reconstitution, exacte et vibrante, d'une page de notre Histoire. Les personnages célèbres ou non, sont joués par des vedettes, ce qui ne gâte rien, bien au contraire." No comment. 24/08/98 Retour titres Sommaire

Le Passager de la pluie Fr. 1970 couleur 130' ; R. R. Clément ; Sc. Sébastien Japrisot ; Ph. Andreas Winding ; M. Francis Lai ; Pr. Greenwich Film ; Int. Marlène Jobert (Mélie), Charles Bronson (Dobbs), Annie Cordy (Juliette), Jill Ireland (Nicole).

   Une jeune femme seule dans sa villa isolée en plein maquis provençal tue son violeur dont elle fait disparaître le corps. Un mystérieux Américain semble être au courant : il est à la recherche d'un sac que détenait l'agresseur.

   Comédie dramatique avec une Marlène Jobert d'un infantilisme profond qui ne passe plus. Un passionnant numéro d'acteurs entre elle et Charles Bronson (Galerie des Bobines), de magnifiques paysages provençaux hors-saison, une superbe variation de vues à travers des vitres plus ou moins dépolies par la pluie, un rythme d'une lenteur savamment calculée, bref : délicieux moments passés la bouche ouverte sans dételer pour un spectacle insipide. 26/10/99 Retour titres Sommaire

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Henri-Georges CLOUZOT
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Quai des orfèvres Fr. N&B 1947 107'
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Manon Fr.  N&B 1948 110' ; R. H.-G. Clouzot ; Sc. Ad. Dial. H.-G. Clouzot, Jean Ferry, d'après l'abbé Prévost ; Ph. Armand Thirard ; Déc. Max Douy ; M. Paul Misraki ; Pr. Louis Wipf ; Int. Cécile Aubry (Manon), Michel Auclair (Robert Desgrieux), Serge Reggiani (Léon Lescault (Galerie des Bobines)), Gabrielle Dorziat (Mme Agnès), Raymond Souplex (M. Paul), Simone Valère (la soubrette), Andrex (un trafiquant), Héléna Manson (une commère), Henri Vibert (le commandant).

   Après la guerre, sur un cargo en provenance de Marseille dédié au trafic d'immigration des Juifs en Palestine, on découvre Manon et Desgrieux, jeune couple de passagers clandestins. Desgrieux est démasqué comme étant un meurtrier en fuite. Le commandant l'enferme afin de le remettre aux autorités. Tout l'argent de Manon passe à soudoyer le maître d'hôtel pour rejoindre son amant dans la geôle. Le commandant mis au courant le fait restituer.
   Pour convaincre ce dernier de les laisser partir, Desgrieux conte leur aventure. Membre des corps francs de libération en province, Desgrieux a sauvé Manon de la tondeuse. Un amour fort les unit. Ils s'enfuient dans une Jeep volée jusqu'à Paris. Mais les petits moyens de son amant, dont le père a coupé les vivres en raison de sa conduite, ne suffisent pas à l'entretien de Manon. Elle fréquente M. Paul, le roi du marché noir et fait des passes pour financer son besoin de luxe. Desgrieux pardonne à chaque fois, puis finit par accepter une participation dans les affaires louches de Léon, le frère de Manon, qui œuvre au service de M. Paul. Manon séduit un officier américain qui couvre Desgrieux, en tant que prétendu frère de sa maîtresse, dans un trafic de pénicilline. Elle consent au mariage avec cet homme riche.
   Pendant que sa sœur prépare ses valises, Léon a enfermé Desgrieux. Celui-ci l'étrangle avec le cordon du téléphone et file s'embarquer à Marseille. Renonçant à ses préparatifs Manon parvient à le rejoindre dans le train du sud. L'histoire se termine au moment où l'on débarque les émigrants. Le commandant laisse les fugitifs se joindre à eux. En traversant péniblement le désert, la colonne est attaquée par des méharistes arabes. Manon est mortellement blessée. Desgrieux recouvre son corps de sable à l'exception de la tête et des mains, puis se laisse mourir à ses côtés.

   L'adaptation(1) est parfaitement légitimée par la liberté de transposition du roman de l'abbé Prévost. Le réalisme revêt du coup une singulière nécessité : il donne corps à la transposition d'une époque.
   Ce n'est pas un réalisme de convention, mais de témoignage, cautionnant la mise en place d'un contexte original. Tout le soin possible est mis à la reconstitution des derniers combats de rue, du cynisme des milieux du marché noir florissant, des détails de la vie quotidienne comme ce voyage dans un train bondé pourvu d'un wagon presque vide réservé aux Américains.
   Cependant, simultanément, le décor devient métaphore de l'amour comme lorsqu'un puissant jet de vapeur fusant d'une valve accompagne une étreinte sur le pont. Dans la scène finale la morte ensablée tient à la fois du sphinx et du gisant de marbre.
   Tout le mérite est dans cette ambivalence de la crasse sociale et de la sublimité, qui finit par se résoudre en transcendance, contrairement aux films français de l'époque qui poétisaient l'amour en déréalisant le contexte. 22/10/03
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Les Diaboliques Fr. N&B 1954 110'
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Les Espions Fr. N&B 1957 130' ; R. H.-G. Clouzot ; Sc. H.-G. Clouzot et Jérôme Geromini, d'après Egon Hostovski ; Ph. Christian Matras ; M. Georges Auric ; Pr. Louis de Masure ; Int. Gérard Séty (Dr Malic), Curd Jurgens (Alex), Véra Clouzot (Lucie), Peter Ustinov (Kaminski), O.E. Hasse (Pr Vogel), Same Jaffe (Cooper), Louis Seigner (le morphinomane), Martita Hunt (Conny), Paul Carpenter (colonel Howard), Pierre Larquey (le taxi), Gabrielle Dorziat (Mme Andrée), Clément Harari (Victor), Daniel Emile-Fork (un espion).

   La clinique psychiatrique du Dr Malic est en déconfiture. Contacté en secret par un agent américain, le médecin accepte une petite fortune en argent contre l'internement d'un faux malade nommé Alex. Dès lors, comme s'il avait pactisé avec le diable, la clinique et les environs grouillent, jusqu'à se substituer aux familiers, de personnages étranges ou patibulaires. On ne sait plus où sont les bons, où les méchants. Russes et Américains veulent s'emparer du savant nucléaire Vogel dont Alex est la doublure.
   Finalement dans le train où Malic poursuit sa mission malgré lui, le professeur est défenestré. Les puissances secrètes des nations s'affrontent symboliquement autour d'une clinique psychiatrique (voir aussi
La Tête contre les murs de Franju, 1958) délabrée, thème qui impressionnait le public de l'époque (cliché : le rôle des cliniques et la figure du médecin maléfique dans les films des années cinquante).

   Le décor s'inspire des Diaboliques du même Clouzot (1954) : demeure lugubre de banlieue désaffectée qui semble au bout du monde, no man's land où l'on se terre, marqué par le souvenir du repaire de Bonnot et autres (rôle de la banlieue parisienne dans le cinéma des années cinquante-soixante, chez Melville par exemple).
   Le réalisateur a fait le pari de l'absurde et de l'inquiétant. Malic, qui cherche un gamin dans l'école, est guidé par le directeur dans une classe où siège un tribunal d'espions. Rupture de situation rappelant la logique du rêve. Les éclairages s'efforcent de déformer les physionomies, sauf celles des personnages sympathiques. Mais Gérard Séty dans le rôle du Docteur est exécrable de tics et de fausseté. Les autres, à l'exception de Véra Clouzot, font leur numéro habituel.
   Les scènes de groupe sont irrésistiblement théâtrales. La musique heureusement est absente ou si discrète qu'elle se fait oublier. On a parlé de Kafka à propos de ce film. Si c'était vrai, il n'y aurait ni étalage d'espions, ni grossiers clichés.
   Salmigondis bien ficelé qui ne passe plus. 24/06/01
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Joel COEN

Barton Fink USA VO 1991 115'
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Fargo USA VO 1995 95' ; R. J. Coen ; Sc. Joel et Ethan Coen ; Ph. Roger A. Deakins ; M. Carter Burwell ; Int. Frances McDormand (Marge), William H. Macy (Jerry), Steve Buscemi (Carl), Peter Stromare (Grimsrud).

   Marchand d'autos en déconfiture dans un trou du Minnesota (Fargo), Jerry imagine de faire enlever sa femme pour toucher une rançon de son riche beau-père. Mais la paire de brutes chargée du rapt accumule les bavures sanglantes. Pour comble, non seulement le beau-père tient à remettre lui-même la rançon, mais il y laisse de plus sa peau. Puis, ayant tué son acolyte ainsi que la captive, le plus bête des deux tocards tente de moudre les corps dans un broyeur. Il est arrêté en pleine besogne par Marge, cheffe de la police. Jerry ne court guère davantage.

   En extérieurs neigeux immaculés, léchés comme une bande dessinée (plans lointains en légère plongée sur la plaine glacée où cheminent minuscules les véhicules humains), la frêle Marge, enceinte de quatre mois et admiratrice inconditionnelle d'un mari plan-plan, mène jovialement son enquête sans s'inquiéter des monceaux de cadavres ni de la violence aussi impavide que microcéphalique des ravisseurs.
   Délectable contrepoint, elle fait basculer le drame dans un humour noir des plus raffinés. 3/05/02
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The Big Lebowski USA VO 1998 117' ; R. J. Coen ; Sc. Joel et Ethan Coen ; Ph. Roger A. Deakins ; M. Carter Burwell (M. d'archives : T. Bone Burnett) ; Mont. Roderick Jaynes et Tricia Cooke ; Pr. Ethan Coen ; Int. Jeff Bridge (Jeff Lebowski, Dude), John Goodman (Walter Sobchak), Julianne Moore (Maude Lebowski), Steve Buscemi (Donny), John Turturro (Jesus Quitana), Ben Gazzara (Trihorn).

   À Los Angeles, le hippie sur le retour Lebowski, alias Dude, se trouve pris dans un fatal engrenage à cause de la machination d'un milliardaire homonyme, en réalité sans le sous, la fortune héritée d'une épouse étant gérée par sa fille Maud.
   Il imagine le Kidnapping de Bunny, sa jeune moitié nymphomane et endettée, pour s'en débarrasser et avoir en même temps le prétexte de puiser dans la caisse le million de la rançon.
   Ayant été, en raison de l'homonymie, molesté sur ordre du producteur de porno Trihorn en tant que créancier de Bunny, le Lebowski pauvre est venu pleurnicher chez le riche pour un tapis compissé par les agresseurs. Le milliardaire charge cet imbécile de la transaction tandis que sa fille se fait engrosser par le même pour avoir un enfant d'un homme négligeable, qu'elle fit en passant assommer pour récupérer un tapis de famille extorqué. Le crâne du pauvre loser récolte à chaque fois un gnon qui déclenche des effets spéciaux cauchemardesques comme autant d'interludes kitsch.
   Sa dernière bêtise a été d'égarer la fausse rançon destinée aux faux ravisseurs. Il est donc triplement poursuivi, par l'homonyme indélicat lui réclamant l'argent, par les faux ravisseurs et par le créancier de Bunny qui le croit détenir la rançon.

   Le comique un peu léger de la situation est renforcé par la peinture ironique des paumés formant le contexte social de Dude : une équipe de joueurs de bowling comptant deux minables et un ancien du Vietnam, tête brûlée exacerbant les gaffes. Leur comportement fruste tout en versant dans le burlesque facile relève d'un pittoresque que complètent assez bien les extravagances de tous les protagonistes.
   La musique un peu démodée participe du style ironique et brillant qui ne relève guère cet aimable et éphémère divertissement. Lequel ne prétend pas à autre chose et annonce la couleur en plaçant dans un éloignement volontaire - non sans pointer la médiocrité éthique
des personnages - des bribes incidentes d'actualité politique (guerre du Golfe, etc.). 23/09/01 Retour titres Sommaire

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Luigi COMENCINI
Liste auteurs

La Grande Pagaille (Tutti a Casa) It. VO 1960 105'
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L'Argent de la vieille (Lo Scopone scientifico) It. VO 1972 118'
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Un vrai crime d'amour (Delitto d'amore) It. VO 1974 96' ; R. L. Comencini ; Ass. Franco Conti ; Sc. L. Comencini, Ugo Pirro ; Ph. Luigi Kuveiller ; Mont. Vino Baragli ; son Amedeo Castellani ; M. Carlo Rustichelli ; Pr. Documento Film ; Int. Stefania Sandrelli (Carmela Santoro), Giuliano Gemma (Nullo Bronzi), Brizio Montinaro (Pasquale), Renato Scarpa (le médecin de l'usine).

    Dans une fabrique milanaise de tubes métalliques de destination obscure, rencontre amoureuse entre le syndicaliste anarchiste lombard Nullo et Carmela, immigrée sicilienne qui, pour se rapprocher du poste de son bien-aimé se fait muter aux fours. Lesquels sont toxiques. Gravement empoisonnée, elle est condamnée. L’ayant épousée sur son lit de mort, dans l’usine en grève à la suite du décès de l’ouvrière, Nullo assassine le patron.

   Démonstration en règle de l’effet des conditions d’emblée mortifères d’une situation vouée à l’échec. La production frénétique de pièces industrielles d’une utilité énigmatique, au prix du dépérissement humain et des paysages où l'on flâne dévastés par la pollution, est à la mesure de l’impuissance des protagonistes. Elle est indissociable d’une géographie de la disparité sociale entre le nord et le sud, qui fait des méridionaux les premières victimes par ignorance et pénurie de moyens. Au lieu de boire le lait de l’usine destiné à lutter contre le poison, Carmela préfère le garder pour ses petits frères. Dans le présent cas, de plus, la mentalité patriarcale du sud entraîne des obstacles à la relation amoureuse et au mariage qui font de l’usine le terrain obligé de la fréquentation.
   Sombre drame que les épisodes comiques ne parviennent guère à changer en tragi-comédie à l’italienne. Comme le panoramique sur deux gamins, Carmela avertissantt son fiancé secret de l’arrivée de frères censés être les farouches gardiens de sa virginité. Le Milan du film est celui des faubourgs lépreux enveloppés d’une brume persistante dans des plans larges avec plongées d’inspiration néo-réaliste, parcourus en longs travellings monotones, ou décrits en panoramiques de découverte ne découvrant rien généralement. Le leitmotiv musical continue imperturbablement d’enfoncer le clou. Le talent de Comencini, qui consiste à laisser advenir le pire dans un contexte ordinaire qui ne l’annonçait pas, est adultéré par un excès de signalisation et de technique qu’aggrave une bande-son mal ficelée où, se détachant du fond sonore, le dialogue perd en crédibilité.
   Ce film serait bouleversant si, pour toutes ces raisons, il n’avait pas vieilli, en dépit d'une direction d’acteur sensible, juste et sobre sur fond d’étude sociale accomplie, et même de certains plans puissants comme celui sur les mains qui se rejoignent en l'air, évoquant celles du plafond de la chapelle Sixtine, ou encore le lit de mort à travers une vitre opacifiée par l'humidité de la chambre confinée. 12/10/23
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Francis Ford COPPOLA
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Le Parrain (The Godfather) USA VO 1971 178' ; R., Sc. F. F. Coppola, d'après Mario Puzo ; Ph. Gordon Willis ; M. Nino Rota ; Pr. Albert S. Rudy ; Int. Marlon Brando (don Corleone), Al Pacino (Mike Corleone), James Caan (Sonny Corleone), Robert Duvall (Tom Hagen), Richard Conte (Barzini), Diane Keaton (Kay Adams).

   Don Corleone est un parrain redouté, muni de hautes protections politiques mais, en refusant des alliances dans les milieux de la drogue, il se met à dos les autres caïds, qui échouent de peu à son assassinat. Après avoir tué deux des responsables d'une autre tentative, Mike le seul des trois fils Corleone qui n'appartenait pas au milieu, s'exile en Sicile où il épouse une fille du lieu, qui sera tuée à sa place dans un attentat. Revenu pour prendre la tête de la famille après l'assassinat de son frère le plus violent, il épouse la petite amie (Kay Adams) qu'il avait délaissée deux ans durant. Après la mort de don Corleone, qui tentait de réconcilier tous les Mafiosi, il élimine les groupes rivaux et devient parrain. Renversement romanesque donc : c'est l'outsider pacifique de la famille qui a suivi les traces du grand criminel.

   Reconstitution impeccable d'un milieu et d'une époque, comme un beau joujou dont on ne fait ses délices que parce qu'il n'est que simulacre.
   Que serait-ce sans l'inoubliable prestation de Brando (Galerie des Bobines) assisté du potable Al Pacino ? Une figure du montage comme le parallèle entre le baptême à l'église et le massacre des concurrents commandité par Mike (qui est aussi le "parrain" du bébé), cliché emprunté à Eisenstein, peut-elle sauver l'honneur artistique du cinéaste ?
   Certes non, il ne s'agit que d'un effet spectaculaire, jouant d'un cynique contraste. Un film qui survit grâce à de belles images, à des morceaux de bravoure sanglante, à un montage virtuose, à des acteurs prodigieux, et à une toute puissante musique auxiliaire, a manqué l'essentiel à tous les coups. De quelle intention autre peut procéder un tel projet que de faire le spectateur s'identifier à des figures mythiques du crime par une fascination infantile ou paranoïaque du pouvoir absolu ?
   À
tous ces égards, la qualité en soi peut s'avérer un dangereux poison. 19/02/02 Retour titres Sommaire

Apocalypse Now USA VO Technovision-couleur Dolby 1979 147' ; R. F. F. Coppola ; Sc. John Milius, Francis Ford Coppola ; Ph. Vittorio Storaro ; M. Carmine Coppola, les Rolling Stones, Wagner ; Pr. Coppola/Omni Zoetrope ; Int. Martin Sheen (capitaine Willard), Marlon Brando (colonel Kurtz), Frederik Forrest (le chef), Sam Bottoms (Johnson), Dennis Hopper (le photographe), Harrison Ford (le général).

   Au Vietnam, le capitaine Willard en mission secrète est chargé d'éliminer le colonel Kurtz, qui mène sa propre guerre tout en exerçant un pouvoir cruel sur un peuple d'adorateurs dans un temple ruiné de la jungle cambodgienne. À bord d'un patrouilleur blindé muni d'un petit équipage qui sera presque entièrement décimé dans l'opération, Willard remonte à travers la jungle ennemie le fleuve qui conduit au temple où Kurz, qui le tenait pourtant en son pouvoir, se laissera assassiner.

   Tout tourne autour de ce personnage amplement mythifié. La remontée du fleuve est ponctuée, en véritable épreuve initiatique, d'épisodes cauchemardesques. Hystérisée par la peur, la patrouille fluviale provoque sa propre perte.
   Le Brando tant attendu apparaît en hôte d'honneur, chauve, au dernier volet, enfoncé dans une ombre épaisse trouée de rares éclats de lumière tatouant l'imposant visage en plans serrés. Si bien que l'effort de la sublime grimace appropriée au demi-dieu est épargné à un des rares acteurs capable de modeler librement sa face (Galerie des Bobines).
   On sourit donc de ces études de lumière très inférieures au potentiel de l'acteur. Il en va de même, des efforts tentés pour humaniser le bourreau Kurtz ou encore de ce dithyrambe hagiographique par le montage parallèle meurtre/sacrifice rituel d'un bœuf, invitant le spectateur à adorer avec les fidèles un personnage fictif. Cliché récidivé du Parrain qui l'a lui-même emprunté à Eisenstein.
   Face à ce romanesque naïf, le plus intéressant reste le témoignage. Aux accents de Wagner, le ballet funèbre des hélicoptères au-dessus du village vietnamien, anéanti pour qu'un colonel déguisé en officier sudiste puisse surfer sur les vagues du rivage est, par sa force allégorique, le seul vrai moment d'émotion.
   Parfois au seuil du bruitage, l'accompagnement musical est en général une réussite esthétique, qui souligne la vénéneuse beauté d'une Apocalypse non dépourvue d'un spectaculaire à la limite du complaisant. 16/02/02
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Cotton Club (The Cotton Club) USA VO Panavision-couleur Dolby 70mm 1984 128' ; R. F. F. Coppola ; Sc. William Kennedy, F.F. Coppola, Mario Puzo ; Ph. Stephen Goldblatt ; M. John Barry ; Pr. Zoetrope Studios ; Int. Richard Gerre (Dixie Dwyer), Diana Lane (Vera Cicero), Gregory Hines (Sandman), Lonette McKee (Lila Rose Oliver), Bob Hoskins (Madden), James Rewar (Dutch).

   Mixte alléchant de spectacle de scène et de film noir : durant les Années folles à New York, le cornettiste Dixie Dwyer sauve la vie du Caïd Dutch, qui l'engage à son service pour tenir compagnie à sa maîtresse Vera, chanteuse au Cotton Club. Il peut bientôt se permettre de refuser le rôle de larbin de Dutch grâce à la protection du directeur du Club, le gangster Madden. Puis, remarqué par Gloria Swanson, Dixie fait une carrière dans le cinéma. Un soir au Cotton Club, comme invité d'honneur, il accompagne impromptu Vera au cornet, en présence d'un Dutch fou de jalousie. Une violente querelle s'ensuit, à laquelle Dixie fait face courageusement. Sa vie n'eût tenu désormais qu'à un fil si Dutch et sa garde n'avaient été abattus par les hommes de Madden. Dixie et Vera, qui se sont toujours aimés, partent au loin filer le parfait amour.

   Ce genre de film présente un insurmontable défaut : le spectacle s'éternisant dans le spectacle. D'autant qu'on est loin de la formidable vigueur artistique négro-américaine du temps.
   On nous inflige donc
in extenso de fades copies des productions des grands noms du jazz. Les numéros de danse sont, du reste, filmés avec des prétentions angulaires superfétatoires. Les astuces filmiques semblent se multiplier pour combler des insuffisances criantes : voir le numéro de claquettes monté en parallèle avec l'épisode du massacre à la mitraillette de la bande à Dutch (à force d'imiter Eisenstein, Coppola pourra-t-il le rejoindre au paradis des Grands ?) Cette volonté ostensible de "qualité" conduit plutôt à des effets écœurants de gratuité, comme le fondu-enchaîné qui, à force de vouloir s'imposer comme économie de temps, devient encombrement d'image. 18/08/02 Retour titres Sommaire

Jardins de pierre (Gardens of Stones) USA VO Scope-couleur 1987 112' ; R. F.F. Coppola; Sc. Ronald Bass ; Ph. Jordan Cronenweth ; M. Carmine Coppola ; Pr. Michael I. Levy/F.F. Coppola ; Int. James Caan (Clell Harzard), Anjelica Huston (Samantha Davis), James Earl Jones (Goody Nelson), Dean Stockwell (Homer Thomas), Mary Masterson (Rachel).

   La guerre du Vietnam vue du cimetière national militaire d'Arlington avec sa compagnie d'élite assurant les services funèbres. Y est affecté le jeune Jack Willow qui ne rêve que du front. Deux vieux sergents dans le goût fordien, baroudeurs hauts en couleur et vétérans de Corée comme son père sous-officier à la retraite, le prennent sous leur aile. Ils le consolent quand le papa succombe à une crise cardiaque. Surtout, le sergent Clell Harzard qui va remplacer le défunt et même nouer à point nommé une relation amoureuse avec une journaliste antimilitariste témoignant une maternelle affection au protégé de son amant. Jack prend du galon au point d'être admis à l'école d'officiers. Néanmoins il reste fils de sous-off, raison pour laquelle le colonel Masterson l'avait éloigné de sa fille Rachel. Celle-ci s'arrange pour revoir Jack puis tient tête à son père. Ils se marient et enfin le lieutenant Willow a la joie d'être affecté au Vietnam dont il reviendra entre quatre planches. Le récit reboucle à la fin sur l'enterrement par lequel il avait commencé.

   Pas de parti pris apparent, mais une secrète admiration pour la parade militaire, visible dans le soin documentaire avec lequel sont filmés les rites. Invité à verser des larmes au nom de la sensible constellation affective mythique dont Jack est le noyau, le spectateur se trouve pris au piège esthétique d'un somptueux spectacle funéraire.
   Sous les dehors d'une vision éclairée de la meilleure facture, censée laisser juge le
spectateur, cet opus, en s'inscrivant parfaitement dans la tradition d'un patriotisme bien yankee, exploite habilement la fibre la plus primitive du spectateur américain moyen. 27/12/02 Retour titres Sommaire

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Vittorio COTTAFAVI
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L'Affranchi (Nel gorgo del peccato) It. VO N&B 1955 85' ; R. V. Cottafavi ; Sc. Oreste Biancoli et Giuseppe Mangione ; Ph. Augusto Tiezzi ; M. Marcello Abbado ; Pr. Italafilm ; Int. Elisa Cegani, Fausto Tozzi, Franco Farbrizzi, Margot Hielscher.

   La voix du fantôme de la mère raconte sur fond céleste le retour de son fils Alberto après dix ans de dérive aux USA. Il l'avait laissée veuve avec un frère cadet, infirme et passionné de radio-amateur. L'aîné est accueilli avec émotion et même sans réserve avec sa maîtresse Germaine, une jeune femme aussi antipathique au premier abord que douce, aimante et dévouée est la mère, qui fait de la couture à domicile pour nourrir toute la famille.
   Sans papiers à cause de son passé, Alberto ne trouve pas de travail en effet. Il est trop heureux d'accepter une place de pompiste dans une station où passe en Cadillac un ancien
complice à qui il avait soufflé Germaine. Ce dernier lui propose de l'argent en règlement d'une dette. Alberto refuse mais attirée par le luxe, Germaine renoue, en tout bien tout honneur, car son amour pour Alberto est absolu. Espérant toujours la refourrer dans son lit pourtant, le malfrat offre à l'amant de sa proie un travail lucratif dans son garage. Mais bientôt conscient n'avoir aucune chance, tente de se débarrasser de son rival en le compromettant dans un trafic de drogue. Alberto n'y échappe que pour être impliqué dans le meurtre de Germaine.
   Pour sauver le fils, la mère amène le gangster à se trahir en la tuant. L'âme qui parle est pleine d'allégresse de savoir réunis Alberto et Germaine, miraculeusement guérie comme si le sacrifice maternel lui avait insufflé la vie.

   Un néoréalisme qu'on pourrait dire professionnalisé, compte tenu d'une part, du thème social, de l'authenticité du contexte en décors réels, de la lutte prométhéenne des personnages en butte à l'irréductibilité du réel social, de l'inspiration chrétienne avec la note d'espérance finale, et d'autre part de l'importance du jeu des acteurs, surtout de la mère sur laquelle repose la véridicité du drame, ainsi que de l'esthétisme du cadrage de l'éclairage et du montage, plus classiques, moins lyriques que dans le meilleur néoréalisme.
   Le plus intéressant réside dans le caractère imprévisible du déroulement de l'intrigue, impliquant l'évolution des protagonistes ainsi que des rapports entre eux. Ainsi le physique et le comportement antipathiques de Germaine étaient un leurre. En tout état de cause, bien que le sort de la mère soit connu, et que des signes de l'amour humain et divin occupent les arrière-plans (crucifix, gravures), le récit est constamment sur le fil du rasoir. C'est qu'en réalité, il n'y a vraiment tragique que lorsque l'enjeu de l'action repose sur l'amour.
   Film méconnu, qui se détache par son originalité de la production de l'époque. 1/02/04
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Emanuele CRIALESE
liste auteurs

Respiro Fr.-It. VO 2002 88' (prix de la jeune critique, Cannes, 2002) ; R., Sc. E. Crialese ; Ph. Fabio Zamarion ; M. John Surman ; Pr. Domenico Procacci/Fandango/Les Films des Tournelles ; Int. Valeria Golino (Grazia), Vincenzo Amalio (Pietro), Francesco Casisa (Pasquale), Veronica d'Agostino (Marinella), Filippo Pucillo (Filippo), Avy Marciano (Velista Francese).

   Dans un port de pêche de l'île de Lampedusa, Grazia a le tort d'être différente : elle a des rapports quasi-incestueux avec son fils aîné Pasquale, petit gars viril et râblé, se baigne à demi nue, pique des crises de nerfs, libère une meute de chiens captifs, demande à deux jeunes navigateurs français de l'emmener en mer... Pasquale est chargé par son père Pietro, un pêcheur parmi les autres, de veiller sur sa mère.
   Celle-ci s'enfuit quand la communauté entend la contraindre à suivre une cure psychiatrique à Milan. Pasquale la cache dans une grotte et abandonne sa robe sur la plage pour faire croire au pire. Il vient régulièrement pour la nourrir, attentif à satisfaire ses moindres désirs. Les recherches restent vaines. Pietro voue un véritable culte à la disparue. Un jour, alors que pour les besoins d'une partie de chasse collective il est hissé au bout d'une corde sur la falaise, il aperçoit très loin en contrebas Grazia se
baignant. Les autres le croient fou. Une nuit, illuminée par les trois grands feux d'une fête rituelle donnant à la mer des tons dorés, il plonge et retrouve sa femme sous l'eau. Ils s'enlacent. La population les rejoint dans l'élément liquide, réintégrant par ce geste la brebis galeuse.

   Ce film a le mérite d'accomplir un projet éthique(1) sans prêche, en jouant sur le matériau naturel avec des moyens non conventionnels : un son direct laissant filtrer l'étrangeté du réel, des acteurs non professionnels plus véridiques que de vrais. L'insularité donne le premier rôle à la mer que l'on retrouve jusque dans les yeux de Grazia, comme une émergence de l'infini marin, face à une vie sociale étriquée.
   Le panoramique associé à l'angle et à la grosseur voulus accentue le volume (on sait que sans mouvement la profondeur est écrasée), qui s'identifie à un espace
liquide. Imprévisibles dans leur survenue et dans leur nature même, qui n'est pas limitée par une autocensure de la cruauté, les événements semblent participer du tragique de la condition humaine, grâce à un montage ordonné à l'ensemble plus qu'à l'enchaînement causal.
   En raison cependant des compromis passés avec le cinéma dominant : intrusion d'acteurs de profession qui détonent dans le paysage, du caractère trop ostensible du symbolique
(2), notamment d'un dénouement qui relève du conte merveilleux, la poésie en reste timide. L'inspiration néoréaliste (à ne pas confondre avec réalisme !) paradoxalement source de poésie en général est ici l'objet de trop de compromis. 9/07/04 Retour titres Sommaire

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Charles CRICHTON
Liste auteurs

Un poisson nommé Wanda (A Fish Called Wanda) GB VF 1988 90' ; R. C. Crichton ; Sc. John Cleese ; Pr. Michael Shamberg/Prominent Features ; Int. John Cleese (l'avocat), Jamie Lee Curtis (Wanda), Michael Palin (Ken), Kevin Kline (Otto).

   Avec son amant Otto, qui se fait passer pour son frère, Wanda cherche à s'emparer des diamants volés que détient Robert, son compagnon officiel, chef de la bande qui a fait le coup. Elle parvient finalement à se débarrasser de ses deux amants et file avec l'avocat de Robert en Amérique du Sud, munie du butin.

   L'esprit quelque peu délirant du film se ressent de la présence d'anciens Monty Python (John Cleese, Michael Palin). Ce qui suppose de l'humour non-filmique enregistré (peut-il en être autrement lorsque le genre commande ?).
   Son succès s'explique cependant par une certaine liberté de ton (non filmique). Sexe à l'anglaise autour de la chevaline Jamie Lee Curtis (le sens de l'érotisme humain semble ici se ressentir d'une certaine hippophilie toute britannique) qui justement n'est pas prisonnière du physique de la star. Humour noir notamment dans le meurtre des Westies et l'ingestion des poissons précieux sous les yeux de Ken le bègue pour le forcer à révéler la cachette des diamants.
   Un film-culte de plus tel qu'en lui-même les années le fanent. Juillet 2000
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John CROMWELL
Liste auteurs

L'Emprise (Of Human Bondage) USA N&B VO 1934 83'
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David CRONENBERG
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Rage (Rabid) Can. VO 1977 90' ; R., Sc. D. Cronenberg ; Ph. René Verzier ; M. Ivan Reitman ; Pr. John Dunning ; Int. Marilyn Chambers (Laure), Frank Moore, Joe Silver.

   À la suite d'un grave accident de moto, Laure se découvre à l'aisselle un organe érectile qui transperce ses victimes pour en prélever du sang propageant une épidémie.

   Ambiance semi-nocturne avec clairs-obscurs, mais aussi paysages hivernaux désolés et filtre orangé. Intéressante étude de la clinique, qui ressemble la nuit à un vaisseau spatial. Une séquence prise de l'intérieur d'une voiture donne la sensation de survoler une piste d'atterrissage (très large horizon à travers un pare-brise prolongé par les vitres latérales). De même le building de l'hôpital en travelling vertical le long des rangées de lampes extérieures comme des feux de position. L'escalier intérieur de la clinique pourvu d'une grande baie d'arrière-plan procure une impression de même ordre. Sans doute la profondeur de champ des couloirs percés de portes de chaque côté n'est-elle pas sans évoquer les coursives d'un vaisseau spatial.
   Quelques poncifs du film d'horreur dans la façon de faire pressentir le danger qui va surgir de derrière la porte, sorte de
fort da pour novices. Mais le pire est dans la tension musicale montant avec la violence de l'action. Traitement hitchcockien de la cage d'escalier (Psychose) en angle excessif de plongée ou contre-plongée, procédé à l'œuvre dans d'autres films de Cronenberg.
   Nous sommes dans un monde mythologique : la première victime adossée à un miroir présente une tête de Janus. Vision du vampirisme originale, avec peut-être une légère réminiscence de Dracula : le docteur écumant derrière la vitre grillagée du panier à salade ; voir aussi les lèvres qui s'écartent légèrement sur deux incisives, l'héroïne prononçant sans effort : "I Feel strong".
   Surtout, très beau maquillage vampiresque de la femme du métro, associé à l'expression de jouissance hilare après la morsure, tout cela inspiré des symptômes de la rage avec une forte orientation sexuelle. D'ailleurs une des grandes forces de Rage est de rappeler que la sexualité orale est la plus impérieuse de toutes, elle ne souffre aucune frustration, et va littéralement jusqu'au meurtre pour se satisfaire.
   Cependant la plaie à l'aisselle de Laure, sorte de vulve s'ouvrant sur un membre érectile acéré, se réfère à d'autres stades. Après en avoir percé sa victime et manifesté des symptômes de jouissance, Laure caresse la tête de l'homme affalé sur son corps. 5/11/99
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Chromosome 3 (The Brood) Can. VO 1979 87' ; R., Sc. D. Cronenberg ; Ph. Mark Irwin ; Mont. Alan Collins ; M. Howard Shore ; Pr. Claude Heroux ; Int. Samantha Eggar (Nola), Oliver Reed (Dr Hal Raglan), Art Hindle (Frank Carveth), Cindy Hinds (Candice Carveth), Nuale Fitzgerald, Garry, Mckeehan, Henry Beckman.

   Nola Carveth est soignée par le Dr Hal Raglan, inventeur de la thérapie "psychoprotoplasmique", qui permet au patient d'extérioriser ses troubles par des manifestations organiques. Frank Carveth, le mari, constate que leur fille Candice a été victime de sévices. Puis ses beaux-parents et l'institutrice invitée chez lui, sont assassinés, tandis que Candice est victime d'un rapt.
    Frank découvre que les assassins et ravisseurs sont des nains difformes vivant dans l'appentis de l'ancien logis de Nola, concrétisation vengeresse de la haine de celle-ci envers, d'une part les parents qui l'avaient maltraitée, comme Candice après elle, et d'autre part l'institutrice, à tort prise pour la maîtresse de son mari. Le docteur
propose de délivrer Candice pendant que Frank assure Nola de son amour éternel pour inhiber l'énergie destructrice des petits êtres. Mais Nola, en lui exhibant la monstrueuse poche amniotique externe qu'elle déchire à coups de dents pour libérer le "fœtus", provoque le dégoût de son mari, et par contre-coup sa propre colère. Il sauve la fille en étranglant la mère, ce qui fait aussi mourir les gnomes, qui ont eu le temps d'occire le docteur.

   L'imaginaire de Cronenberg quant au thème (les effets psychosomatiques de la souffrance d'amour), au décor (figures du gothique et de la terreur) et au modelage des visages ou des attitudes (Nola pour dévoiler son secret organique lève haut les deux pans de son déshabillé blanc qui retombent comme les ailes d'un ange) est bien là, mais mélé de procédés grossiers comme la méprise du personnage qui se retourne brusquement de terreur sans objet, ce que ne relève pas la musique d'un Howard Shore encore alors platement académique. 06/05/02 Retour titres Sommaire

Scanners Can. VF 1981 98' ; R., Sc. D. Cronenberg ; Ph. Mark Irwin ; Déc. Claude Simard ; M. Howard Shore ; Pr. Claude Heroux ; Int. Stephen Lack (Vale Cameron), Jennifer O'Neil (Kim), Patrick McGoohan (Dr. Ruth).

   Le clochard Vale dévoile ses pouvoirs télépathiques en mettant à mal une petite bourgeoise qui se moquait de lui : c'est un 'Scanner'. Il est amené au Dr Ruth qui lutte contre le groupe malfaisant de ses pareils. Ruth est tué, mais avec l'aide de la jolie Scanner Kim, Vale poursuit la lutte. Se retrouvant face au meneur Revok, il l'informe qu'ils sont les fils de Ruth, qui a provoqué la mutation pendant la grossesse de leur mère en la traitant à l'"éphémérol", substance interdite dont les dissidents font le trafic. Un terrible duel télépathique s'ensuit où chacun semble devoir éclater, mais Vale en s'autocalcinant parvient à s'incarner dans Revok.

   Scanner diffère assez peu en apparence des fictions du genre, notamment par le choix des décors modernistes, mais les visages sont très étudiés, ainsi que les gestes et mimiques durant le combat. La sonorisation souligne l'étrangeté des manifestations suprasensorielles, notamment par des simulacres de rugissements. 20/02/01 Retour titres Sommaire

Vidéodrome (Videodrome) Can. VF 1982 88' ; R., Sc. D. Cronenberg ; Ph. Mark Irwin ; Eff. spé. Rick Baker ; M. Howard Shore ; Pr. Claude Héroux ; Int. James Wood (Max Renn), Deborah Harry (Nicki), Soya Smitz (Bianca).

   Métamorphosé par une émission clandestine hard qui a le pouvoir de modifier le cerveau de ses spectateurs, un homme devient magnétoscope. Une longue fente vulvaire au milieu de l'estomac s'ouvre parfois pour recevoir une cassette elle-même vivante ou d'autres objets qui alors se "biologisent" comme ce revolver de chair né de sa main droite. Le magnétoscope, lui aussi, est vivant.

   Utilisation du montage à effet fantastique : la gifle en 3 plans : 1) plan d'ensemble secrétaire de dos, lui face-caméra giflant. 2) contrechamp gros plan Niki tête renversée par la violence du geste. 3) champ, gros plan, lui face-caméra, elle dos.
   En fait c'est une hallucination, il n'a pas frappé (dixit la secrétaire). Cependant il se gratte l'estomac (centre "vidéobionique" de l'illusion).
   Décor parfois religieux : plafond voûté à caissons, vitraux à motif en croix (dans la vidéothèque), mais échelle mobile en tubes chromés rappelant les accessoires médicaux. Parfois futuriste, parfois baroque. Des plans serrés sur le héros en contre-plongée incluent un morceau de plafond avec effet de vertige.
   Dans l'ensemble, toujours aussi déroutant malgré le recours à la facilité des effets spéciaux. 19/12/99
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Dead Zone Can. VO Dolby 1983 103'
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Faux-semblants (Dead Ringers ("sosies")) Can. VF Scope-couleur 1988 112' ; R. D. Cronenberg ; Sc. D. Cronenberg, Norman Snyder, d'après Bari Wood et Jack Geasland ; Ph. Peter Suschitzky ; M. Howard Shore ; Int. Jeremy Iron (Elliot et Berly Mantle), Geneviève Bujold (Claire Niveau), Heidi von Palleski (Cary).

   Histoire de jumeaux surdoués que la vie voulait séparer et qui se rejoignent dans la mort. Sorte de futurisme antérieur dans le style et par le thème de la mutante à triple utérus pour laquelle les gynécologues jumeaux inventent des instruments spéciaux. Les chemins divergents de la profession et de l'amour se rejoignent dans la mort. L'un se drogue par désespoir amoureux l'autre pour l'empêcher de continuer. Finalement tout deux succombent à l'overdose.

   Des éléments de style gothique (l'école de médecine) se mêlent au baroque des instruments et au dépouillement fonctionnel des intérieurs.
   Admirons la façon dont, sur un tempo de marche funèbre, les multiples fils de l'intrigue se condensent en un seul et unique. 12/12/99
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Le Festin nu (The Naked Lunch) Can. VO 1991 110'
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Crash Can. VO 1996 95'
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eXistenZ 1999 Can. VF 90' ; R., Sc. D. Cronenberg ; Eff. sp. Jim Isaac ; Cost. Denise Cronenberg ; M. Howard Shore ; Mont. Ronald Sanders ; Déc. Carol Spier ; Ph. Peter Suschitzky ; Pr. Robert Lantos/Andras Hamori/David Cronenberg ; Int. Jennifer Jason Leigh (Allegra Geller), Jude Law (Ted Pikul), Willem Dafoe.

   Fantastique futuriste sur le thème du jeu de rôle virtuel au moyen d'un appareil en biologie de synthèse, le "pod". La commande ressemble à un tableau genre Sega en matière rosâtre avec des protubérances d'inspiration glandulaire. Elle est reliée au joueur par une espèce d'ombilic dont l'extrémité vient se verrouiller dans un petit trou rond sphinctérien au niveau lombaire comme une lampe à douille, appelé "bio-port". Les doigts fourrageant avec obscénité dans les protubérances déclenchent le jeu.
   Décors de l'univers virtuel assez délabré style années quarante de matériaux odorants, comme le salpêtre des murs lépreux, les caisses de bois garnies de bourre végétale, les osiers, ficelles de chanvre, papier kraft, bottes de paille, outils graisseux, antiques robinets de cuivre, grillages de fer, vieilles pompes à essence évoquant aussi les films noirs d'alors.
   Entre étable et abattoir, l'usine à organes présente l'aspect d'une fabrique clandestine sous les combles où l'on manie des tranchets d'une main gantée de mailles métalliques. Le groupe des joueurs est aligné sur une rangée de chaises dans une église désaffectée qu'éclaire une baie gothique. L'expérience est présentée comme une grande opération publicitaire. Tous les joueurs participent à l'aventure virtuelle.

   Allegra Geller, la blonde protagoniste accompagnée d'un garde du corps inefficace, Ted Pikul, avec lequel elle esquisse des rapports érotiques virtuels dans le virtuel (le coït se laisse désirer tout au long) est poursuivie par des tueurs. On s'entretue virtuellement, notamment avec une sorte de pistolet en charpente osseuse projetant des dents humaines. Mais à force de voir les personnages ré-émerger dans le réel à la suite d'aventures éprouvantes, on finit par ne plus faire la différence. Et même le retour à la situation initiale qui semblait certifier l'ultime état de réel se trouve embrouillée d'une intrigue abracadabrante qui se termine par le meurtre des organisateurs.

   Les lèvres s'ouvrent sur des dents anormalement acérées, les personnages sont souvent cadrés en plan moyen avec contre-plongée incluant une portion de plafond (style caractéristique donnant à l'espace une configuration cubique). Musique d'accompagnement discrètement narrative.
   Toujours aussi fascinant en dépit ou justement en raison du traitement pervers du produit de masse. 11/02/00
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Spider Can. VO 2002 98' ; R. D. Cronenberg ; Sc. D. Cronenberg et Patrick McGrath, d'après le roman de ce dernier ; Ph. Peter Suschitzky ; M. Howard Shore ; Pr. D. Cronenberg, Samuel Hadida, Catherine Bailey ; Int. Ralph Fiennes (Dennis Clegg/Spider), Bradley Hall (Dennis à 11 ans), Gabriel Byrne (le père), Miranda Richardson (la mère et Yvonne), Lynn Redgrave (Mrs Wilkinson), John Neville.

   Après un long internement psychiatrique, Dennis Clegg, la trentaine, est admis dans une maison de postcure située dans l'East End de Londres, quartier de son enfance. S'avançant à pas craintifs, portant toujours quatre chemises superposées, marmonnant dans sa barbe, il tient un carnet intime qu'il bourre de hiéroglyphes en rapport avec l'enquête imaginaire sur le passé, menée sur le lieu réel. Il est alors témoin oculaire de lui-même à l'âge de onze ans et le trauma se réinterprète sous ses yeux et les nôtres.
   Sa mère le surnomme affectueusement Spider "araignée", parce qu'il a la passion des cordelettes, celles qu'il tend dans sa chambre ou celles des jeux de figures à dix doigts.
   Surpris par elle en train de copuler avec sa maîtresse Yvonne dans la cabane de jardinage, son père porte un coup de pelle mortel à sa mère, qu'il enterre dans le carré de légumes. Yvonne, sorte de Vénus de bar, vient s'installer chez eux. Au moyen d'un fil commandé de sa chambre et coulissant sur des cavaliers jusqu'au robinet à gaz de la cuisine, Spider tue Yvonne, en qui on reconnaît sa mère, les deux rôles joués par la même actrice finissant par se confondre. De retour dans le présent, croyant voir Yvonne en la personne de Mrs Wilkinson, il tente de l'assassiner dans son sommeil. Il est donc voué à retourner à l'internement, mais dans la voiture qui l'y conduit aux côtés du directeur de l'établissement, l'enfant se substitue à lui-même.

   L'horreur véritable est intérieure. C'est pourquoi les effets spéciaux qui fleurissent aujourd'hui dans une surenchère du spectaculaire - auquel n'a pas toujours échappé Cronenberg - ne peuvent qu'être superflus. Tout le travail réside donc dans la suggestion la plus ténue à partir du décor le plus sobre.
   L'adaptation
(1) a consisté essentiellement à épurer le roman de toute hystérie représentative. C'est avec des bouts de ficelle, comme le petit Spider, que le réalisateur donne le meilleur de lui-même. L'éclairage tirant parti des reflets de l'eau du canal, les sons émanant des sources indéterminées de cette zone industrielle, associés à la présence massive du gazomètre muni d'une veilleuse-témoin rougeoyant comme un œil furieux, le dépouillement hallucinant, quasi-onirique des extérieurs presque silencieux, contribuent à caractériser un monde plus psychique que réel, discrètement contrepointé par la musique de Howard Shore.
   La critique, qui s'y est ennuyée, n'a pas su accommoder ses organes à cet impalpable rythme, de l'ordre de l'infra audio-vision. Le décor en outre n'est pas gratuit. Le gazomètre est à la fois associé au gaz meurtrier et, par la structure entrecroisée des poutrelles métalliques du bâti, à la toile d'araignée qui désigne ensemble l'identité et le crime, comme la quadruple chemise dont les huit cols évoquent les pattes arachnéennes.
   On ne sort pas de l'enfer de la schizophrénie et le voyage initiatique marqué par l'arrivée en train et le départ en voiture ne fait que reboucler le même ressassement, qui condamne Dennis Clegg à rester prisonnier de l'univers traumatique du petit garçon. C'est le mérite de ce film délicat d'avoir, en y plongeant le spectateur sans l'amener à s'identifier au personnage, su mettre à jour la fragilité qui est le prix à payer de la richesse de l'esprit. 19/02/05
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A History of Violence Can. VO 2005 96'
Commentaire

Les Promesses de l'ombre (Eastern Promises) GB-Can.-USA VO 2007 100' ; R. D. Cronenberg ; Sc. Steve Knight ; Ph. Peter Suschitzky ; Mont. Ronald Sanders ; Cost. Denise Cronenberg ; M. Howard Shore ; Pr. Paul Webster et Robert Lantos ; Int. Viggo Mortensen (Nikolaï), Noami Watts (Anna), Vincent Cassel (Kirill), Armin Mueller-Stahl (Semyon), Josef Altin (Ekrem), Jerzy Skolimowski (l'oncle Stepan).

   Anna, jeune sage-femme naguère victime d'une fausse-couche, se prend d’affection pour le nouveau-né féminin d’une adolescente inconnue morte en couches le jour de Noël et qui a laissé un journal intime rédigé en russe. Déterminée à retrouver la famille, elle découvre l’abomination de la condition des femmes de l’Est, attirées à l’ouest par une promesse de vie meilleure et vouées à la prostitution par les soins de la mafia russe.
   La jeune femme fait front pourtant, aidée par Nicolaï, secrètement membre d’Interpol infiltré dans ce milieu. Le journal dit que la petite, qu’Anna baptise Christina parce qu’elle est née à Noël, est le fruit d’un viol par Semyon, dont Nicolaï est par ailleurs le chauffeur. Il s'agit d'un chef mafieux de la Vori v’zakone composée d’anciens prisonniers de droit commun. Il finit par être confondu par une analyse d’ADN, et Christina est sauvée in extrémis avec l'aide de Nicolaï des mains de Kirill, le fils de Semyon chargé par ce dernier de supprimer le bébé compromettant. Anna et Nicolaï s’aiment sans doute, mais Nicolaï doit poursuivre sa mission.  

   L’intérêt vient de l’opposition entre l’extrême violence de la mafia et l’amour animant la jeune femme. Violence notamment de Semyon qui propose d’admettre Nicolaï dans Vori v’zakone moyennant l’application du tatouage consacré, en réalité pour qu’on le confonde avec Kirill qu'il sait condamné à mort par la branche Tchétchène. Nicolaï complètement nu dans un hammam devra venir à bout de deux tueurs dans un combat épique.
   Mais il repose aussi cet intérêt sur quelques mystères : le journal qui, rédigé en russe doit être traduit, est dénoncé aussitôt comme très compromettant par Stepan, l’oncle russe d’Anna. Semyon, propose par ruse de l’échanger contre l’adresse de la famille du bébé. Chargé de la transaction, Nicolaï a un comportement inattendu. Alors qu’il se saisit du journal - qui doit être détruit - sans sa contrepartie, la divulgation de l’adresse, il remettra celle-ci à Anna. Chargé d’éliminer Stepan, il l’envoie se cacher en Écosse. Ce qui rend intéressante l’attirance d’Anna, c’est qu’elle a confiance en Nicolaï sans savoir qu’il lutte contre la mafia.
   Le plus beau cependant, sous la férule de Cronenberg, est le jeu de Viggo Mortensen (Galerie des Bobines), composant un personnage glacé et terrifiant en contradiction totale avec le véritable.
   Cronenberg pourtant s’est embourgeoisé, même si le rythme de l'action est délibérément beaucoup plus lent que ce que peut réclamer le "grand" public. Son talent est au service de l’efficacité d’une machine à frisson. La critique en général enthousiaste se plaît d'ailleurs à invoquer la scène dite "d'anthologie" du hammam.
   Ce qui veut dire que le matériau, du coup intransformable, est entièrement soumis au dessein narratif conçu comme atout de succès, ceci en accord avec la musique d’Howard Shore, qui a perdu son originalité et sa fonction dialogique, se contentant de souligner actions et sentiments. Tragique décadence amplement confirmée par A dangerous method (2011).
8/07/09 Retour titres Sommaire

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Alan CROSLAND
Liste auteurs

Le Chanteur de jazz (The Jazz Singer) USA VO N&B 1927 102' ; R. A. Crosland ; Sc. Al Cohn, d'après Raphelson ; Ph. Hall Mohr ; Ch. Sigmund Romberg ; Pr. Warner Bros ; Int. Al Jolson (Jakie Rabinowitz), May McAvoy (Mary), Warner Oland (le cantor).

   Rejeton d'une dynastie de cantors de synagogue, Jakie Rabinowitz préfère aux cantiques le jazz. A l'âge d'environ quatorze ans, devant l'attitude inflexible de son père le Cantor, il quitte la maison et se produit sous le nom de Jakie Robin dans des spectacles qui le rendent bientôt célèbre. Il rencontre la vedette Mary Dale, dont il s'éprend secrètement. Elle le fait venir à New York comme partenaire grimé en "Nègre" dans un grand spectacle. Jakie en profite pour rendre la première visite à ses parents depuis la rupture. Sa mère l'accueille avec émotion, mais son père n'a pas changé.
   Pendant les répétitions on lui annonce que, le père étant très malade, il lui incombe de le remplacer pour le Grand Pardon, lequel a lieu précisément le jour de la première. Jakie explique que sa religion c'est le spectacle et qu'il ne peut trahir ses amis. Mais sa conscience le tourmente et il va chanter à la synagogue en présence de Mary et du directeur, qui a annulé le spectacle. Son père l'entend et meurt en clamant son amour
paternel. Une grande carrière de chanteur de jazz s'ouvre à Jakie apaisé sous le regard aimants de sa maman.

   Œuvre connue comme étant le premier parlant. Ce qui n'est pas tout à fait exact : le premier film sonore fut Don Juan du même auteur sorti l'année précédente. Quant au Chanteur de jazz, il n'est sonore que chanté, donc il n'est pas parlant, le dialogue paraissant en intertitres. Le son de plus n'est pas gravé sur la pellicule. Ce qui n'empêche une prise de son assez remarquable (à bonne distance, sans distorsions ni réverbération intempestive) et un synchronisme à peu près parfait.
   Malgré le moralisme un peu niais de l'intrigue, le film, parce que le mélodrame n'y exclut nullement l'humour avec une certaine sobriété, se laisse regarder avec plaisir. En dépit des tics, je veux dire des éléments d'expression corporelle identiques dans le chant sacré et dans le jazz, Al Jolson, qui ressemble curieusement à Charles Aznavour, possède un réel talent, selon la norme du temps. La plupart des acteurs cependant, sauf May McAvoy, accusent dix ans de retard.
   Le plus intéressant est dans le non-dit de la relation avec Mary. C'est la science de la lumière qui, en la magnifiant, suggère l'amour, avec un lyrisme supposant la réciprocité, guère aidé en ceci par des cadrages qui ne se risquent guère vraiment sur le terrain du premier
plan. 28/08/04 Retour titres Sommaire

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George CUKOR
Liste auteurs

La Femme aux deux visages (Two-Faced Woman) USA VO et VF 1941 85' ; R. G. Cukor ; Sc. Sidney H. Behrman, Salka Viertel, George Oppenheimer, d'après Ludwig Fulda ; Ph. Joseph Ruttenberg ; Déc. Cedric Gibbons, Daniel B. Cathcart ; M. Bronislau Kaper ; Pr. Gottfried Reinhardh/MGM ; Int. Greta Garbo (Karin Borg), Melvyn Douglas (Larry Blake), Constance Bennett (Giselde Vaughan), Robert Sterling (Dick Williams), Roland Young (Oscar).

   Larry Blake, un homme important, veut prendre des leçons particulières de ski avec la monitrice Karin Borg. Ils se marient incontinent, et le soir même le conflit éclate entre l'homme d'affaires autoritaire et la femme indépendante. Larry est tiraillé entre l'amour et la profession. Celle-ci l'emportant, il part pour New York, sans son épouse, qui refuse de le suivre. Elle y débarque pourtant un beau jour, se faisant passer pour sa prétendue sœur jumelle Katrin, personnage aussi frivole et volage qu'elle-même est authentique et simple, comme l'air pur des montagnes. Larry est séduit, mais découvre la supercherie. En s'amusant à se reconquérir mutuellement sous le masque, les époux apprennent à s'aimer.

   Gentille comédie qui fit scandale en raison de la situation scabreuse, pourtant l'aspect le plus intéressant.
   Pour le reste, à part le travelling de la dernière séquence, où Karin tente de rattraper à ski son mari qui dégringole pitoyablement avant de plonger dans un lac glacé, le film se caractérise par un manque total d'imagination filmique : jeu empesé des acteurs, décors artificiels même quand ils sont naturels, éclairages fades, bande-son sans épaisseur, montage platement fonctionnel. 22/04/03
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Le Milliardaire (Let's Make Love) USA VO 1960 118' ; R. G. Cukor ; Sc. Norman Krasna ; Ph. Daniel Fapp ; Ch. Jimmy Van Heusen, Sammy Cahen, Cole Porter ; Chor. Jack Cole ; Pr. Jerry Wald ; Int. Marylin Monroe (Amanda Dell), Yves Montand (Jean-Marc Clément), Tony Randall (Howard Coffman), Frankie Vaughan (John Wales), Wilfrid Hyde-White (John Wales), Milton Berle, Bing Crosby, Gene Kelly.

   Mythe du prince charmant version capitaliste : à Broadway, le milliardaire Jean-Marc Clément assiste incognito à une revue satirique dont il est une des cibles. Lorsque, sous le charme, il s'adresse à la vedette Amanda, on le tient pour un sosie de Clément. Il prend des leçons en secret avec Crosby et Kelly, tout en acquérant la majorité des actions du théâtre afin d'agir à sa guise pour se faire aimer d'Amanda, comme un citoyen ordinaire. Prise, elle ne veut pas admettre la vérité. Il n'est pas difficile de la convaincre en l'attirant sous un prétexte dans le somptueux gratte-ciel privé où tout tourne autour de la personne du milliardaire.

   Une grande comédie musicale par la liberté de ton (voir le titre original), l'intelligence d'une intrigue truffée de délicieux quiproquos et d'allusions (sur scène, Clément singe le coq comme Unrat dans L'Ange Bleu), par l'exceptionnelle qualité des chansons (restées célèbres) voire de la chorégraphie, et surtout de par la personnalité de Marilyn Monroe qui rayonne, sans éclipser un Montand égal à lui-même. 1/05/02 Retour titres Sommaire

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Michael CURTIZ
Liste auteurs

Female USA VO N&B 1933 57' ; R. M. Curtiz ; Sc. Gene Markey, Kathryn Scola, William Wellman ; Ph. Sidney Hickox ; Pr. Warner Bros. ; Int. Ruth Chatterton (Alison Drake), George Brent (Jim Thorne), Lois Wilson (Harriet), etc.

   Mrs. Drake, séduisante jeune femme dirigeant d'une main de fer les usines automobiles du même nom, aime les beaux subalternes qu'elle mute après les avoir consommés avec la complicité de la vodka. Lasse de n'être pas aimée pour elle-même, un soir à la fête foraine elle drague Jim Thorne, inventeur d'une boîte de vitesses automatique qui doit sauver l'avenir de l'usine, par elle engagé sans l'avoir rencontré. Ils sympathisent mais Jim affirme ne jamais ramener d'inconnues chez lui. Elle réalise son identité le lendemain en le rencontrant à l'usine.
   Une idylle se noue grâce aux ruses d'Alison, qui refuse pourtant le mariage, si bien qu'il file au loin en voiture. Elle fonce à sa poursuite au lieu de se rendre à un rendez-vous urgent chez ses banquiers de New York pour renflouer les caisses. L'ayant rattrapé à un stand de tir comme à leur première rencontre, elle accepte de l'épouser mais avoue que son rendez-vous d'affaires est manqué. Sans cesser de tirer sur des petits cochons défilant en montage alterné, Jim rappelle qu'il reste la solution de l'avion. En route pour l'aéroport, elle déclare vouloir neuf enfants et lui laisser la charge de l'usine.

   Idéologiquement assez rétrograde mais filmiquement efficace. Avant de se révéler amoureuse, la femme d'affaires garde toujours la tête froide et fait face à tout à la fois. Son homme de confiance est une espèce de Jiminy Cricket sexagénaire tendre et avisé, témoin de toutes les péripéties sentimentales de la patronne, ayant parié un caleçon tricoté de sa main le jour où un homme la dominerait.
   Étonnante liberté de ton et mise en place impeccable à tous points de vue. Moins hollywoodien que Casablanca (1943) mais sans le panache. 27/12/00
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Mandalay USA VO N&B 1934 65' ; R. M. Curtiz ; Sc. Austin Parker, Charles Kenyon, d'après Paul Hervey Fox ; Ph. Tony Gaudio ; Pr. Robert Presnell ; Int. Kay Francis (Tanya Borisoff), Ricardo Cortez (Tony Evans), Warner Oland (Nick), Lyle Talbot (le Dr Gregory Burton), Ruth Donnelly (Mrs Peters).

   À Rangoon, la jolie chanteuse Tanya est amoureuse de Tony, trafiquant d'armes toujours en cavale. Il la livre à Nick, son acheteur qui a ouvert une boîte où elle devra chanter et racoler les riches colons. Après avoir résisté, elle accepte d'exploiter les hommes sur les conseils d'une collègue. Le chef de la police veut l'expulser, oublieux d'avoir couché avec elle. Elle le lui rappelle pour acheter son silence.
   Sur le bateau Tanya rencontre Gregory, jeune médecin malheureux allant exercer dans une région infestée de fièvre noire. Reparu à bord, Tony a l'intention de la reprendre. Pour échapper à la police il feint d'avoir disparu dans le fleuve après s'être empoisonné. Tanya, bien que toujours éprise, l'empoisonne pour vivre avec Gregory.

   Excellente qualité de la photo et de l'éclairage : sur le beau visage de Kay Francis passent toutes les ombres qui construisent l'univers de la fiction. Malgré l'exotisme colonial, une liberté de ton qui valut même à Curtiz des démêlés avec la censure, comme il se doit. 28/12/00 Retour titres Sommaire

The British Agent USA VO N&B 1934 80' ; R. M. Curtiz ; Sc. Laird Doyle d'après les mémoires de Bruce Lockhart ; Ph. Ernest Haller ; M. Leo F. Forbstein ; Int. Kay Francis (Elena), Leslie Howard (Stephen Locke), J. Carrol Naish (Trotski), Tenen Holtz (Lénine).

   Le consul général d'Angleterre à Moscou, Stephen Locke, sauve la vie d'Elena, la secrétaire de Lénine qui allait être abattue par un cosaque. Ils s'aiment bien que leurs intérêts politiques respectifs les opposent. Stephen obéit à ses valeurs en soutenant les Blancs. Elena remplit son devoir de révolutionnaire communiste à la suite d'un attentat contre Lénine, en trahissant son amant, condamné à périr par la mise à feu du dépôt de munitions où il se cache. Mais elle le rejoint pour mourir avec lui. Au dernier moment sonnent les cloches de Moscou et un contrordre de Lénine réchappé annule la Terreur. L'inévitable départ en train au plan final indique qu'ils vont convoler en Angleterre.

   La reconstitution de la révolution russe étant parfaitement factice avec une tendance hollywoodienne (séance de cabaret tzigane…), l'intérêt réside dans le déchirement cornélien du couple formé par deux excellents acteurs.
   Leslie Howard, très "british" avec simplicité, mais surtout Kay Francis à la fois sobre et émouvante dans le déchirement de son rôle.
   La liberté de ton de Curtiz s'est évanouie cependant et le dégoût des reconstitutions historiques me monte à la gorge. 2/01/01
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Capitaine Blood (Captain Blood) USA VO 1935 N&B 119' ; R. M. Curtiz ; Sc. Caszy Robinson, d'après Rafael Sabatini ; Ph. Hal Mohr ; M. Erich W. Korngold ; Pr. Warner/Hal B. Wallis ; Int. Errol Flynn (Peter Blood), Olivia de Havilland (Arabella Bishop), Lionel Atwill (colonel Bishop), Basil Rathbone (capitaine Levasseur), Ross Alexander (Jeremy Pitt).

   1685. Condamné par le régime jacobite à être vendu comme esclave à la Jamaïque pour avoir soigné un rebelle, le docteur Blood, trop insolent pour être l'esclave du colonel Bishop, est acheté par sa nièce Arabella qui lui épargne ainsi les mines de soufre. Elle s'éprend de lui.
   Il s'évade avec ses compagnons, devient un redouté
pirate, sauve Arabella des mains de son associé le boucanier français Levasseur en le tuant en duel, puis délivre la Jamaïque des Français. Devenu gouverneur entre-temps, Bishop a laissé son île sans défense pour poursuivre Blood dont il a juré la perte. Guillaume d'Orange revenu sur le trône destitue l'un au profit de l'autre. Les deux amoureux, bien entendu, se marient.

   Une si merveilleuse science de la réalisation laisse pantois. C'est - malheureusement engorgée de musique symphonique lourdaude (dans les moments délicats : pom pom pom ! Quand Blood abat Levasseur, accord de coda grandiloquent : Ti ! Tah ! Tahaaan !) - une fête de l'éclairage, du cadrage des mouvements d'appareil et du montage. Les miroitements de la mer sur le visage et le vent dans les plumes du chapeau de Blood en disent éloquemment la vie aventureuse. Arabella dans les contrechamps est éclairée mate et étale, plus intime.
   De même, l'agitation des départs se note aussi bien par les personnages allant en tous sens que par les ombres passant sur le visage du capitaine. Montage très elliptique : évasion, prise du bateau, entre-temps les Espagnols posent leurs conditions. La rançon leur est versée, mais quand ils rejoignent leur navire, il est déjà investi par les fugitifs. Puis départ ; sonnerie de clairon, fondu enchaîné, plan serré sur le bateau naviguant. Mouvement de grue ascendant sur les voiles. Nouveau coup de clairon, etc. 17/01/02
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L'Aigle des mers (The Sea Hawk) USA VO 1940 N&B 122' ; R. M. Curtiz ; Sc. Seton I. Miller, Howard Koch ; Ph. Sol Polito ; M. Erich Wolfgang Korngold ; Pr. Warner, Hal Wallis ; Int. Errol Flynn (Geoffrey Thorpe), Brenda Marshall (dona Maria), Claude Rains (don José de Cordoba), Henry Daniell (lord Wolfingham), Flora Robson (la reine Elisabeth).

   Afin de préparer en douce son Invincible Armada à conquérir l'Angleterre, Philippe II d'Espagne dépêche l'ambassadeur don José de Cordoba pour assurer Elisabeth de ses intentions pacifiques. Thorpe, le corsaire de la reine, coule le navire transportant l'ambassadeur et sa jolie nièce dona Maria, pour en délivrer les galériens et accessoirement s'emparer de quelques richesses. Faiblement morigéné par la reine sur les instances de Cordoba, il obtient d'elle en secret l'autorisation de s'emparer à Panama de l'or dédié à la flotte espagnole, à condition qu'il en prenne la responsabilité. Mais le chancelier Wolfingham, allié à Philippe dans l'espoir d'obtenir le trône d'Elisabeth, prévient l'Espagne qui organise un guet-apens dans la jungle panaméenne.
   Amoureuse du corsaire, dona Maria fonce à Douvres dans la nuit mais trop tard : le navire vient d'appareiller. Thorpe capturé est condamné aux galères avec son équipage. Ayant appris que les plans d'attaque de l'Angleterre destinés à Wolfingham étaient sur le bateau, il rompt ses chaînes, s'empare des documents puis court à Londres les remettre à la reine après un duel qui envoie Wolfingham en enfer. Elisabeth le fait pair d'Angleterre et lui donne la main de dona Maria.

   Bien entendu c'est manichéen : face aux Espagnols hypercuirassés en barboteuse, le naturel des corsaires impose l'évidence du bon droit.
   La musique de plus édicte sans vergogne à l'image sa loi. Mais admirables scènes d'abordage par silencieux ballet acrobatique orchestré sur cordages et jubilation des acteurs.
   Source d'anamorphoses physionomiques, la jouissance de l'acteur appartient de plein droit au cinéma, qui se meurt de l'application scolaire du réalisme aujourd'hui dominant. 31/12/01
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Casablanca USA VO 1943 102’ 
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Paul Czinner
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Mademoiselle Else (Fräulein Else) All. Muet N&B 1929 90'
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Frank DARABONT
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La Ligne verte (The Green Mile) USA VF 1999 189'
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Luc et Jean-Pierre DARDENNE
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Rosetta Bel.-Fr. 1999 90'
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Le Fils Bel.-Fr. 2002 103'
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L'Enfant Bel.-Fr. 2005 94'
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Le Silence de Lorna Bel. 2008 105'
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Le Gamin au vélo Bel.-Fr.-It. 2011 87'
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Deux jours, une nuit Bel.-Fr.-It.  2014 95'
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La Fille inconnue Bel. 2016 113'
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Le Jeune Ahmed Bel. 2019 84'
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Jules DASSIN
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Du rififi chez les hommes Fr. N&B 1954 116'
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Terence DAVIES
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The Deep blue sea GB 2011 98' R. et Sc. T. Davies, d'apr. la pièce de Terence Rattigan ; Ph. Florian Hoffmeister ; Mont. David Charap ; M. Samuel Barber ; Pr. Film 4, UK Film Council et Artificial Eye. Int. Rachel Weisz (Hester Collyer), Tom Hiddleston (Freddie Page), Simon Russel (sir William Collyer), Ann Mitchell (Mrs Elton, la logeuse), Karl Johnson (M. Miller, le médecin sans diplôme)

   Années cinquante à Londres. Hester, la digne épouse de Sir William Collyer, juge de son état, s'éprend de Freddie Page, ancien héros de la RAF sans le sous. Ils s'installent dans un modeste meublé où, délaissée un week-end, celui de son anniversaire ainsi oublié, la jeune femme tente de mettre fin à ses jours. Plus profondément sa passion ne semble pas trouver sa mesure dans la personne de son amant. Elle conserve par ailleurs une certaine tendresse, partagée, pour William accouru à l'appel de la logeuse. Il consentirait au divorce après l'avoir, de colère, initialement exclu. L'amant ne pouvant cependant supporter l'idée de ce suicide décide de rompre. Hester renonce in extremis, à une deuxième tentative sous le métro, la station lui rappelant des souvenirs apaisants avec William sous les bombes, lorsqu'elle tenait lieu de refuge. Freddie s'expatrie comme pilote d'essai au Brésil après une dernière nuit d'amour concédée. Hester fait bonne figure aux adieux puis s'effondre de désespoir avant de se ressaisir en guise de digne clôture de la fable.

  Cela du moins ne s'achève pas sur la conclusion morale de l'éternel débat entre amour passion et amour d'estime, revendiqué a contrario comme exemplaire par la logeuse, au motif qu'elle entoure de soins attentifs un époux en fin de vie. L'intérêt de ce film réside en effet dans la peinture d'une passion mise en relief par le sacrifice social qu'elle exige. Cette passion s'exprime le mieux dans le moment de grâce du suicide du métro, soudain détourné par flash-back sur le passé du lieu en tant qu'abri aux bombes de la guerre mondiale. Succède un plan serré de Hester tétanisée par l'appel létal, finalement conjuré, d'un violent souffle dans les cheveux accompagné du fracas de la rame hors-champ.
  Pour le reste ce sont surtout des effets de montage esthétique comme, suivi d'un enchaîné, le travelling latéral des flash-back, ou les plans tournoyants en plongée sur la suicidaire intoxiquée, en chien de fusil sur son lit. Surtout, le film se montre incapable d'exprimer le lyrisme autrement que par le recours à la musique de Samuel Barber, genre linéaire perforant, assénée avec une complaisance marquée pour l'effusion des violons. Dans l'ensemble on ne sort d'ailleurs pas du théâtre d'origine : tant par les décors valables en soi, que par l'absence d'extérieurs, et de monde sonore en dehors d'un dialogue accentué et modulé pour la scène, jusqu'aux vociférations. Allégeance aux planches que renforce l'intercalation de saynètes comiques et de chœurs avinés de pub anglais. 01/04/23
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Fernando León DE ARANOA
Liste auteurs

Familia Esp. VO 1998 95' ; R., Sc. F. L. De Aranoa ; Ph. Alfredo Mayo ; Pr. Elias Querejeta ; Int. Juan Luis Galiardo (Santiago), Amparo Muñoz (Carmen), Agata Lys (Sole), Elena Anaya (Luna).

   Santiago, quinquagénaire solitaire, a engagé des comédiens pour incarner sa famille le jour de son anniversaire. La peur de mal faire, notamment de se tromper sur des données biographiques du commanditaire, se devine au sein de cette troupe dans le besoin et dont Ventura, le directeur, a anticipé sur le cachet en s'achetant une voiture.
   Cela commence d'ailleurs par des fausses notes quant au physique d'un jeune comédien ou à la maladresse des cadeaux. Santiago s'avère d'un caractère difficile et sans retenue avec les femmes. Il pousse le réalisme jusqu'à coucher avec Carmen son épouse fictive, en vrai celle de Ventura. Ce dernier tremblant pour son chèque ferme les yeux. Furieuse elle amoche la belle auto neuve puis se calme, prenant goût à l'aventure. Une jolie jeune femme venue se réfugier à la suite d'une panne de voiture ajoute au programme des complications sentimentales. Elle est très émue par la mort subite de la "mère", constatée par un médecin. Rien de réel dans tout cela, la suite le révélera. Finalement, tout le monde est satisfait, les comédiens s'embarquent avec leur chèque dans leur mini-car, qui refuse de démarrer.

   Comme l'indique une rangée de couteaux de cuisine cadrée à intervalles entre la salle à manger et la cuisine, c'est un jeu périlleux entre fiction et réalité où tour à tour l'on se prend au jeu (la mère gifle Santiago qui s'excuse) et l'on est confronté cruellement à une vérité que celui-ci dévoile : trop bien joué, le couple formé par Ventura et la sœur de Carmen trahit une vieille intimité ; ou bien l'on tente plaisamment de tricher (le personnage joué par Ventura est censé ne pas aimer le champagne mais il en boit en douce puis trouve un prétexte pour le sabler quand même).
   Une caméra à l'œil vif observe, un moment immobile ou tournant autour de sa proie, puis court par filage ou changement rapide de plan de l'un à l'autre à juste distance avec une ironique gourmandise. Ses mouvements se plaisent parfois à épouser le rythme de l'intrigue pour reprendre de plus belle son autonomie investigatrice. La musique sait se retirer pour laisser place à des moments révélateurs de la comédie humaine.
   La qualité de
Familia tient à ces vacillements constants entre émotion et fin humour constatif, sans nul effort signalétique. 6/07/02 Retour titres Sommaire

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Gianfranco DE BOSIO
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Le Terroriste (Il terrosista) Fr.-It. VO N&B 1964 80' ; R. G. De Bosio ; Sc. G. De Bosio, Luigi Squarzina ; Ph. Alfio Contini, Lamberto Caimi ; M. Piero Piccioni ; Pr. Lyre/Procinex ; Int. Gian-Maria Volonte (l'Ingénieur), Philippe Leroy, Giulo Bosett, Raffaela Carra, Anouk Aimée (Anna).

   1944, dans une Venise d'Occupation délabrée, sombre, triste, désertique et rythmée lugubrement par les sirènes de navigation, le Comité de Libération National Vénitien (CLN) veut négocier avec les Allemands pour sauver quarante otages arrêtés à la suite d'un attentat contre la Kommandantur.
   Celui-ci a été diligenté par un homme intrépide et organisé, l'ingénieur Braschi, résistant du GAP, Groupe d'Action des Partisans, que le CNL voudrait modérer. Mais Braschi persiste. Il n'accepte de partir que sur ordre du commandement militaire central mais après avoir vengé un camarade torturé. Finalement les dirigeants du CLN sont arrêtés et Braschi est abattu en tentant de libérer ses camarades.

   De l'authenticité des faits historiques qui inspirent le récit ne reste que la cruauté aveugle du réel qui ne transige pas avec les considérations consuméristes du cinéma.
   À la fois trop didactiques et marquant par un éclairage avantageux une inclination toute cérébrale pour les plus politiquement conscients, les scènes de conflit entre les tendances politiques du CLN ne sont pas crédibles. L'art y crève de s'interdire toute émotion.
   La scène d'amour, la dernière de leur vie, entre Braschi et Anna son épouse, non seulement est prétexte à une méditation sur les ressorts de la révolte en temps de guerre et de paix, mais surtout elle est totalement dépourvue de la moindre flamme.
   Par une volonté de sobriété, l'on nous épargne la musique auxiliaire, qui malheureusement surgit
in extremis pour emberlificoter par cordes pincées et grincements de violons, sur trombones funèbres, un finale qui se suffisait amplement quant au tragique.
   L'académisme du filmage, du reste, est incompatible avec la sobriété, car la caméra procédant dans un esprit de fiction en anticipant sur l'action, ne cesse de contrarier l'imprévisibilité inhérente au réel de référence.
   Les bonnes idées restent à mi-chemin, comme ce sur quoi porte le regard d'Oscar à travers les hublots du canot où les fascistes le tiennent : une grue rappelant un instrument de torture ou autre objet de cauchemar, effet trop isolé dans le système du film et cadré sans nulle rigueur intentionnelle avec toutefois la vague idée que le verre déformant pourrait être approprié à la situation. 23/03/02
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Henri DECOIN et Herbert SELPIN
Liste auteurs

Le Domino vert (Der Grüne Domino) Fr./All. N&B 1935 90' ; version française dirigée par Henri Decoin et dialoguée par Marcel Aymé ; R. H. Decoin et H. Selpin ; Sc. Harald Bratt et Emil Burri, d'après le roman Der Fall Clausen d'Erich Ebermayer ; Ph. Günther Rittau ; M. Gottfried Huppertz et Walter Schütze ; Int. Charles Vanel (Nebel), Daniel Lecourtois (Naulin), Danielle Darrieux (Hélène et Marianne de Richemond), Maurice Escande, Jany Holt (l'épouse de Bruquier (Galerie des Bobines)).

   Riche héritière élevée par son oncle et sa tante, Marianne de Richemond s'éprend de Bruquier, un éminent critique d'art en instance de divorce, dont elle tombe enceinte. Découvrant chez lui le cadavre de sa femme et le domino vert que portait Marianne au bal masqué, il s'accuse du meurtre pour protéger sa maîtresse. Marianne donne naissance à une fille appelée Hélène mais ne survit pas à l'épreuve.

   Le récit commence vingt ans plus tard, alors que, sur le point de se marier, Hélène, qui vit chez l'oncle et la tante et qu'incarne la même Darrieux, apprend par une lettre de sa mère confiée à l'avocat Laurent que son père est un bagnard. C'est Laurent qui conte l'histoire par un flash-back remontant à 1914. À la suite de quoi, Hélène mène une enquête que désapprouvent ses parents et son fiancé. Avec l'aide de Naulin, le jeune collaborateur de Laurent, elle découvre que, croyant à un voleur, un domestique avait tiré sur l'épouse, laquelle au même bal avait dérobé le domino vert de Marianne pour échapper à un amant encombrant. Bruquier est innocenté. En récupérant un père, Hélène a trouvé un mari en la personne de Naulin. Elle peut donc jouir du consentement paternel.
   Film ennuyeux et compassé aux mauvais décors d'un Paris reconstitué à Berlin. Une interminable scène de cabaret avec son inévitable
French cancan est censée introduire l'apprentissage érotique de la pure jeune fille compromise avec un homme marié. Une séquence de bal masqué s'éternise pour faire se croiser tous les personnages de l'intrigue.
   Procédé théâtral qui passe d'autant moins que médiocres polkas et valses rengaines se succèdent en se répétant à l'envi sans se réverbérer ni varier en fonction des déplacements dans l'espace, comme une imperturbable musique auxiliaire écrasant toutes les perspectives. Le son en général se réduit à un bruitage superlatif de studio. Le seul intérêt est dans la rébellion d'Hélène à l'encontre des préjugés de sa classe. Ce qui se limite à un effet thématique, le filmage n'ayant pas le souffle requis. 19/05/03
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Henri DECOIN
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Battement de cœur Fr. N&B 1939 97' ; R. H. Decoin ; Sc. J. Willème, M. Colpet (Kolpe) ; Dial. M. Durand ; Ph. R. Le Fèbvre ; Déc. J. Perrier, L. Barsacq ; M. P. Misrahi ; Pr. G. Rabinovitch ; Int. Danielle Darrieux (Arlette), Claude Dauphin (Pierre de Rougemont), André Luguet (l'ambassadeur), Junie Astor (l'ambassadrice), Saturnin Fabre (M. Aristide), Jean Tissier (Roland), Carette (Yves).

   Arlette est interne dans une école de pickpockets pour s'acheter plus tard un mariage blanc qui la dispensera de la maison de correction d'où elle s'est échappée. L'ayant prise sur le fait à son détriment, un ambassadeur l'oblige à exercer ses talents en dérobant à Pierre de Rougemont, son secrétaire, la preuve de l'adultère avec celui-ci de son épouse. Charmée cependant par le jeune homme, Arlette dissimule la pièce à conviction. Quand il apprend à qui il a affaire, Pierre refoule ses sentiments et propose à la fugitive le mariage blanc avec un ami. Devant le maire elle change d'avis. Pierre ne résiste plus et l'épouse.

   Médiocre comédie à plus d'un égard. Tout repose sur les acteurs et surtout, évidemment, sur Danièle Darrieux, l'épouse du réalisateur. Celui-ci réussit à la rendre touchante en la faisant pleurer quand elle est heureuse, donc dans le dernier plan, celui du mariage, assorti d'un luxe d'éclairages digne de la photo d'art.
   Mais la belle photo n'a jamais fait bon ménage avec le cinéma, qui exige des effets d'ensemble, masqués par leur dissémination dans la durée. Le "bon" acteur présente exactement le même inconvénient en croyant devoir ramener le complexe dispositif filmique à sa petite personne. Surtout, on risque de tomber sur une brebis galeuse, ce qui est le cas de Claude Dauphin, qui ne trouve rien d'autre pour faire naturel que d'émailler ses répliques d'hésitations feintes.
   Quant aux autres ils rejouent imperturbables le rôle qui fit sinon leur gloire du moins leur carrière (Saturnin Fabre, André Luguet, Jean Tissier, Carette (Galerie des Bobines)), comme s'il s'agissait d'un seul et même film indéfiniment donné en pâture à un public de veaux à blanquette.
   Le mythe du roi et de la bergère, qui a toujours fait verser des larmes ne passe pas davantage, sans doute parce qu'il est bien futile en 1939 de chercher à plaire aux midinettes quand un monde en pleine mutation est sur le point de basculer dans une des pires tragédies de l'histoire. On voit à quel point ignorer les questions essentielles à son temps (ce qui ne veut pas dire qu'il faille les illustrer) revient à tourner le dos à l'art du cinéma
(1). 19/06/03 Retour titres Sommaire

Les Inconnus dans la maison Fr. 1941 N&B 90' ; R. H. Decoin ; Ad. Dial. Henri-George Clouzot, d'après Georges Simenon ; Ph. Jules Krüger ; Déc. Guy de Gastyne ; M. Roland Manuel ; Pr. Continental Films ; Int. Raimu (Hector Loursat de Saint-Marc), Juliette Faber (Nicole Loursat de Saint-Marc), Gabrielle Fontan (Fine), Jacques Baumer (Rogissard), Héléna Manson Coëdel (Jo), André Reybaz (Émile Manu), Marcel Mouloudji (Ephraïm Luska), Noël Roquevert (commissaire Binet), Jean Tissier (Ducup), Jacques Grétillat (président des assises), Raymond Cordy (l'huissier d'assises) ; commentaire par Pierre Fresnay.

   À la suite d'un coup de feu, un avocat déchu, réfugié dans l'alcool depuis belle lurette que sa femme l'a quitté, découvre un cadavre sur un lit dans son grenier. Le jeune Émile Manu qui fréquentait la nuit, en tout bien tout honneur, la chambre de sa fille Nicole est arrêté. L'avocat accepte de reprendre la toge pour le défendre.
   Nicole et Manu appartenaient à une petite bande qui se réunissait dans un café et montait des petits coups pour tromper l'ennui dans cette bourgade où les distractions se limitent aux bistros et bordels. Au volant d'une voiture volée, Manu avait renversé Gros Louis, un malfrat qui, installé en secret dans le grenier des Loursat pour soigner ses blessures, le faisait chanter.
   Aux assises, la culpabilité de Manu semble acquise. Mais soudain Loursat perd son air somnolent et renverse la situation en interrogeant les témoins de l'accusation qu'il fait revenir à la barre. Le coupable était un autre membre de la bande, Luska. Amoureux de Nicole, il avait supprimé Gros-Louis et caché le revolver dans les affaires de Manu. Nicole, qui avait souffert toute sa vie de l'éloignement de Loursat dont la paternité est du reste douteuse, retrouve un père, renonçant à sa léthargie pour sauver l'amour de sa fille.

   Engoncé entre une tendance globale esthétiquement et moralement conservatrice et des efforts permanents, conduisant à plus de fadeur encore, pour écarter la séduction collaborationniste (notamment grâce à la voix off fictionnalisante), ce film est sauvé par la qualité d'une grande partie du dialogue et la remarquable prestation de Raimu qui, plus sobre qu'à l'ordinaire, domine de bout en bout.
   La photo, les éclairages soignés (beaux effets d'éclairage antisolaire diffus) et une caméra active esthétisent gratuitement l'action, tandis que les acteurs autres que Raimu sont marqués par le style en vogue : jeunes gens naïfs quand ils ne sont pas stupides, avec un bègue pour le contrepoint burlesque, criminel sympathique afin de ménager le renversement final, vraie jeune fille qui aurait sacrifié sa virginité si son petit ami le lui avait demandé, etc.
   Le plaisir du spectateur repose finalement sur des éléments qui ne doivent rien en propre au cinéma : la plaidoirie et le renversement de situation. 30/06/03
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La Vérité sur Bébé Donge Fr. 1951 N&B 104' ; R. H. Decoin ; Sc. Maurice Aubergé, d'après Simenon ; Ph. Léonce-Henri Burel ; M. Jean-Jacques Grünenwald ; Pr. UGC ; Int. Danielle Darrieux (Elisabeth d'Onneville), Jean Gabin (François Donge), Daniel Lecourtois (Georges Donge), Gabrielle Dorziat (Mme d'Ortemont).

   L'industriel François Donge épouse Elisabeth d'Onneville alias Bébé, qui est très éprise. Mais dépitée à la longue par l'indisponibilité de cet homme d'affaires fruste et coureur de jupons, la femme raffinée et passionnée l'empoisonne. Le film fait le récit de l'agonie à l'hôpital, longue anamnèse de l'histoire du couple, guidée par l'amour et conduisant au pardon. La coupable est laissée en liberté tant que la victime est en vie, puis, sur la fin, on est informé de la mort de François par le biais de son arrestation.

   L'œuvre est digne de cette économie de moyens, notamment par un traitement de l'intrigue sans concession. Non seulement la "vérité" commence dans un brouillard épais : nulle velléité d'exposition pour guider le spectateur, mais une situation qui, pour être ordinaire à un certain cinéma : un personnage dans un lit d'hôpital (topos du temps : on en voyait alors beaucoup), n'en est pas moins insolite en l'absence de toute coordonnée narrative qui permettrait d'anticiper le fin mot de l'histoire.
   Soulignée par un intéressant piano auxiliaire qui semble constamment revenir sur ses pas (du Grünenwald des Dames du Bois de Boulogne), cette absence de finalité imprime une véritable logique du devenir à l'action. Celle-ci se complique en outre d'une confusion des points de vue. Ce n'est pas seulement une anamnèse comme le laisserait supposer la figure dominante de rétrospection, certaines données présentées ne pouvant être connues du sujet apparent de la mémorisation. Ce qui devient évident à l'arrestation suite au décès.
   Néanmoins l'admirable voix monocorde autant qu'inaudible et pourtant nette, presque d'outre-tombe de Gabin (Galerie des Bobines), a une telle présence que le film se ressent comme vision subjective, tragique par le contraste entre la force du désir et la faiblesse physique du moribond. D'où le caractère poignant, culminant dans la coupure finale du décès, qui fait bien sentir la notion de passage n'être qu'une pauvre consolation, car la logique commune qui permettrait de penser une continuité entre vie et trépas ne saurait reposer sur rien de tangible, évidemment.
   L'extrême académisme du filmage met cependant un ordre indécent dans le malaise paroxystique. L'opérateur Burel (sauf avec Bresson) a trop de personnalité. L'éclairage superlatif fait de la photo une valeur en soi, comme un joli glaçage sur ces effets uniques de l'ultime effusion d'une âme à vif. 10/06/04
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Bonnes à tuer Fr.-It. N&B 1954 90' ; R. H. Decoin ; Sc. H. Decoin, Jean de Baroncelli, d'après Miss Pat MacGerr ; Ph. Robert Le Febvre ; M. René Syviano ; Pr. Films EGE/Noria ; Int. Danielle Darrieux (Constance), Michel Auclair (Larry), Corinne Calvet (Vera Volpone), Myriam Petacci (Maggy).

   Récit en flash-back à partir d'une chute mortelle du haut d'un immeuble cossu des Champs-Elysées. Tout porte à croire de prime abord que la victime est une femme dont voulait se débarrasser le résident de l'attique. Fiancé à une richissime héritière, le journaliste Larry, cynique individu nageant dans l'opulence grâce à des activités financières douteuses, fait l'acquisition d'un luxueux appartement avec terrasse situé au sommet dudit immeuble.
   La pendaison de crémaillère est un prétexte pour éliminer une femme parmi quatre, au moyen d'une faiblesse du garde-fou de la terrasse. Sont invitées les deux premières épouses, la femme actuelle avec laquelle l'hôte des lieux est en instance de divorce et la fiancée, promise en légitimation de la grossesse occasionnelle. La soirée se déroule dans une sourde angoisse accrue par la menace d'orage. Larry s'arrange pour faire partir une à une ses invitées de façon à ce que seule reste Constance, la première épouse. Celle-ci, l'esprit frappé à la découverte de la rambarde descellée, comprend soudain avec horreur qu'elle est désignée. Le dos à l'avenue, elle reçoit confirmation de Larry, qui explique qu'elle joue à son égard le rôle insupportable de conscience. Elle rétorque que c'est parce qu'il l'aime toujours. Désarçonné il manque son coup et plonge dans le vide.

   Decoin est un excellent technicien ne manquant, dans le détail, ni d'imagination ni même d'humour mais qui, dans l'ensemble, est absolument étranger à toute émotion filmique. À première vue le récit est bienvenu quant à la surprise puisqu'on s'attendait à un cadavre de femme, que le mobile le plus fort - les dix millions exigés par l'épouse pour divorcer - est un leurre, et que c'est le plus faible - une question morale - qui l'emporte.
   Cependant, le système des mobiles dans leur ensemble est dépourvu de toute rigueur, deux femmes étant exclues d'emblée du rôle de cadavre : la deuxième épouse, qui a conservé un reçu annulant une dette importante de Larry, et la fiancée pour autant que Larry n'en est pas encore l'héritier. Le choix par ailleurs de l'unité de lieu, s'il convient au théâtre, est difficilement acceptable au cinéma dès lors qu'il n'y a pas d'enjeu ludique du décor (comme dans
La Corde de Hitchcock).
   Ici nous avons un environnement intérieur impersonnel, sans histoire concrète, sans arrière-fond, uniquement fonctionnel, dans un espace de pure convention, ce qu'accentue la prétention plastique des éclairages. Le principe de l'intrigue se limite finalement à l'action  : la danse ou la conversation, au lieu de nourrir l'enjeu dramatique, se contentent de retarder le moment du dénouement.
   Impardonnable surtout : le néant érotique de cette situation d'un homme dont la nature retorse n'est pas à une rétractation près, au milieu de quatre femmes avec lesquelles il a couché. Lesquelles n'ont du reste aucun charme. Comme le décor, elles se contentent d'être les pièces d'un jeu par lui-même bien peu passionnant. 8/02/05
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Razzia sur la chnouf Fr. N&B 1954 105' ; R. H. Decoin ; Sc. Ad. H. Decoin, M. Griffe, Auguste Le Breton, d'après ce dernier ; Dial. A. Le Breton ; Ph. Pierre Montazel ; M. Marc Langean ; Pr. Gaumont ; Int. Jean Gabin (Henri "le Nantais"), Marcel Dalio (Liski), Lino Ventura (le Catalan : Galerie des Bobines), Albert Remy (Bibi), Magali Noël (Lisette), Armontel (Birot), Paul Frankeur (le commissaire).

   Venant des États-Unis, où il a fait ses armes dans les stupéfiants, Henri le Nantais est chargé par le gros bonnet Liski de réorganiser son réseau de Paris où il doit gérer un bistrot-couverture. La caissière Lisette devient sa maîtresse. Il lui donne le numéro de téléphone d'un certain M. Paul, à appeler en cas de grabuge. Le jour où Henri se trouve contraint d'accompagner deux de ses tueurs qui, s'étant compromis, vont se planquer en banlieue dans la villa de Liski, la brave Lisette comprend qu'il lui faut agir. Elle téléphone. La villa est cernée par la police. Henri trahit ses deux compagnons, qui sont abattus. Le Nantais était un inspecteur de la mondaine dont le commissaire est M. Paul. Toute la bande est coffrée.

   Film daté. À Lisette qui ouvre de grands yeux énamourés, Henri attablé donne la becquée de sa propre assiette, puis l'appelant Bébé, lui intime l'ordre d'aller se coucher comme à un chien. Cousue de fil blanc, la révélation du double jeu du Nantais n'apporte aucune surprise (Galerie des Bobines).
   Il semble s'inscrire dans la tradition des "canards" du XIX
e siècle, ces feuilles périodiques consacrées aux nouvelles à sensation, qui permettaient aux gogos de s'identifier à des destins exceptionnels, soit terribles soit extraordinaires, soit tout ensemble. 22/06/04 Retour titres Sommaire

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André DELVAUX
Liste auteurs

Un soir, un train Belg.-Fr. couleur 1968 91'
Commentaire

Rendez-vous à Bray Belg.-Fr. couleur 1971 90' ; R., Sc., Ad., Dial. A. Delvaux, d'après Julien Gracq ; Ph. Ghislain Cloquet ; Déc. Claude Pignot ; M. Brahms, César Frank, Freddy Devreese ; Pr. Mag Bodard ; Int. Anna Karina (Elle, l'hôtesse), Bulle Ogier (Odile, maîtresse de Jacques (Galerie des Bobines)), Mathieu Carrière (Julien), Roger Van Hool (Jacques), Martine Sarcey (Mme Haussmann), Pierre Vernier (M. Haussmann, patron de la revue musicale où Julien remplace Jacques).

   En 1917, invité par un télégramme de son ami Jacques, aviateur au front, le pianiste Julien se rend à Bray dans une chic demeure perdue dans la campagne. Jacques n'arrivant pas, le voyageur est reçu par une jeune femme silencieuse, servante ou parente, qui veille à son confort et lui sert un dîner habilement préparé. Julien laisse vagabonder sa mémoire touchant des sorties en automobile et à pied dans la compagne avec son ami et la maîtresse de celui-ci. À s'en tenir à cette évocation, la jeune femme reste inclassable. En peignoir de velours bleu elle le conduit à sa chambre... Après la nuit d'amour Julien part comme un voleur jusqu'à la gare où il apprend que les aviateurs sont consignés. Il s'apprête alors à revenir.

   Récapitulons : un beau jeune homme comblé de dons a une aventure amoureuse avec une mystérieuse inconnue dans un lieu chaleureux empli de belles et bonnes choses mais à proximité du front dont on se sent faussement protégé.
   Loin de toute véritable émotion, la qualité du décor et des objets précieux, soulignés par la mélancolie musicale des sonates de piano ont une pâleur littéraire de bon ton. L'érotisme provient davantage du romanesque situationnel que de ce qui est donné suggestivement à voir et entendre. Certes la Mort plane par cette absence, par cette remémoration et cet amour hors du temps, comme si c'était Elle-même qui entrait dans son lit. Mais le film n'a pas la vigueur de l'idée. Monologique, désespérément. 4/04/01
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Cecil Blount DEMILLE
Liste auteurs

Forfaiture (The Cheat) USA Muet N&B 1915 59'
Commentaire 
  

Jeanne d'Arc (Joan the Woman) USA NB/teinté 1916 137' ; R. C. B. Demille ; Sc. Jeanie Macpherson ; Ph. A. Wyckoff ; Pr. Lasky ; Int. Feraldine Farrar (Jeanne d'Arc), Wallace Reid (Eric Trent), Raymond Hatton (Charles VII), Theodore Roberts (Cauchon), Hobart Bosworth (La Hire).

   Jeanne d'Arc, histoire connue ! Sauf que l'héroïne a une chaste idylle avec Eric Trent, chef de guerre anglais auquel elle sauve la vie par deux fois. Un individu ambigu pourtant, qui a conduit le pillage de Domrémy et fait donner du martinet à un émissaire de Jeanne. Quand le vent tourne en tout cas, il se soumet à l'autorité de son roi. La prisonnière l'accuse de l'avoir trahie, mais pardonne pourtant en acceptant le crucifix qu'il lui apporte sur le bûcher. En 1914, un officier anglais trouve l'épée de la Pucelle. Dans une apparition celle-ci lui déclare que le moment est venu d'expier son pêché à son encontre. Il rachète la trahison d'Eric Trent en se sacrifiant dans une mission au front. Jeanne d'Arc en gloire assiste à son agonie.

   Tout en plans fixes dynamisés par les recadrages, quelques effets spéciaux pour les apparitions, montage parallèle d'une orgie chez le roi pendant la dernière nuit de la condamnée pour bien enfoncer le clou. Rien à voir avec The Cheat ! Il y a des mêlées brouillonnes et frénétiques. Les acteurs outrent la mimique et le geste comme s'ils s'adressaient à des débiles mentaux ou voulaient attirer l'attention du spectateur à l'insu de tiers incommodes dans une situation délicate. Trent affecte des mines pitoyables de jeune premier pour gagner la bienveillance d'un public qui n'existera qu'à la projection. Roberts-Cauchon en revanche grimace horriblement comme un ogre de bazar. Sous les traits d'un nabot frangé, un Charles VII infantile donne dans des excès de langueur et de mollesse. Plus sobre, Jeanne échappe quelque peu au burlesque involontaire, mais elle est fétichisée : ses qualités morales sont d'avance assurées au lieu de procéder de manifestations d'un caractère qui fut en effet exceptionnel. Ses apparitions relèvent davantage d'un fantastique inspiré de l'imagerie populaire que de la spiritualité.
   Des atouts néanmoins, que ce soit dans la variation des grosseurs de plan pour donner vie aux scènes, dans le travail de composition de l'image, même s'il est trop ostensible (voir les objets
symboliques (1) à l'arrière-plan du roi attablé) ou dans l'art de cadrer un plan général ; exemple, l'hyperbole d'une colonne armée redoublée par le décor.
   Un DeMille préhistorique ! 13/12/03
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Jacques DEMY
Liste auteurs

Lola Fr. scope-N&B 1961 85' ; R., Sc., Dial. J. Demy ; Ph. Raoul Coutard ; Ch. Agnès Varda ; Déc. Bernard Evein ; M. Michel Legrand ; Pr. Georges de Beauregard ; Int. Anouk Aimée (Lola), Marc Michel (Roland Cassard), Jacques Harden (Michel), Alan Scott (Frankie), Elina Labourdette (Mme Desnoyer), Margo Lion (Jeanne), Anne Duperoux (Cécile), Corinne Marchand (Daisy).

   À Nantes, Lola, chanteuse de cabaret, espère toujours depuis sept ans le retour de Michel, le père de son fils. Elle décline la demande en mariage de son ami d'enfance Roland, rencontré par hasard et amoureux d'elle. Lola a une aventure avec Frankie, matelot américain qui ressemble à Michel. Elle fait croire à Roland qu'elle part en Amérique avec lui, puis avoue avoir menti. Roland se remet à espérer. Mais Michel réapparaît au volant d'une Cadillac. Devenu riche, il vient chercher Lola et leur fils. Roland reste seul.

   D'abord un hommage aux Dames du Bois de Boulogne avec Elina Labourdette et sa fille qui veut faire de la danse. Elina prononce même parfois textuellement les paroles d'Agnès. La citation est presque un principe : on y retrouve aussi le Michel Poiccard d'À bout de souffle, "un ami abattu".
   Œuvre d'une grande liberté de ton, tout en cédant à certains clichés : ceux de la jeune femme (Anouk Aimée) au charme enfantin et mythique des années cinquante. Le maquillage très marqué, d'époque, ne se laisse en tout cas pas oublier, et limite la liberté voulue du personnage. Mais l'espèce de dancing où elle travaille s'inspire du bordel à marins.
   La grande force du film semble tenir à la fois au naturel des extérieurs et des dialogues et au faux genre du happy end, de ce que les retrouvailles de Lola et de Michel se payent par toute une série d'abandons pathétiques : du marin américain, d'Elina et de sa fille, du héros Roland... 17/10/99
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Trois places pour le 26 Fr. Scope-couleur 1988 108' ; R., Sc. Dial. J. Demy ; Ph. Jean Penzer ; Déc. Bernard Evein ; Cost. Rosalie Varda ; M. Michel Legrand ; Chor. Michael Peters ; Pr. Claude Berri ; Int. Yves Montand (lui-même), Mathilda May (Marion), Françoise Fabian (Mylène), Patrick Fierry (Toni), Christophe Bourseiller (Serge).

   Yves Montand participe à Marseille, la ville de ses débuts, à une comédie musicale retraçant sa carrière. Marion, jeune admiratrice, est opportunément engagée à la suite d'une défection de la partenaire principale. Sa mère se trouve être un ancien grand amour malheureux du chanteur, qui est sans le savoir le père de Marion. Quand celle-ci apprend la vérité elle a déjà couché avec son père, mais elle prend la décision d'emmener sa mère en tournée pour réunir ses géniteurs.

   Malgré la joyeuse fraîcheur de Mathilda May, l'éclatante polychromie du décor, la qualité des ballets et de la musique, les cadrages du spectacle qui ne sont pas des centrages d'action mais des découpes de champ, le film n'est pas à la hauteur de l'audace inouïe de l'intrigue, qui passe inaperçue. Manifestement bloqué par la présence écrasante de la réalité dans la fiction, à la limite de l'hagiographie, Demy ne parvient pas à étendre sa liberté parodique au-delà de l'accessoire.
   En résulte l'impression de décousu et de lourdeur, qu'aggrave la blafarde prestation d'un Montand vieilli. 22/05/02
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Claire DENIS
Liste auteurs

J'ai pas sommeil Fr. 1994 105' ; R. C. Denis ; Sc. C. Denis, Jean-Pol Fargeau ; Ph. Agnès Godard ; Mont. Nelly Quettier ; M. Jean-Louis Murat, John Pattison ; Pr. Bruno Pesery ; Int. Katherina Golubeva (Daiga), Richard Courcet (Camille), Line Renaud (Ninon), Alex Descas (Théo), Béatrice Dalle (Mona), Irina Grjebina.

   Reconstitution d'un fait divers : l'histoire de Thierry Paulin, dealer et prostitué homosexuel, qui de 1984 à 1987, assassina 21 femmes âgées dans le 18e arrondissement de Paris.

   À la gloire du documentaire neutre. Ni audace, ni poésie. Une certaine complaisance pour les jolis corps, masculins et féminins. Ce qui n'empêche la qualité du travail sur le jeu minimaliste des acteurs.
   Film de groupe d'où se détache nettement, en fin de compte, le personnage de l'assassin. 12/04/00
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Beau travail Fr. 1999 90' ; R. C. Denis ; Sc. Jean-Pol Fargeau et C. Denis, d'après Billy Budd de Herman Melville ; Ph. Agnès Godard ; Chorégraphie Bernardo Montet ; M. Eran Tzur ; Pr. Pierre Chevalier/La Sept ARTE/Jérôme Minet/Pathé télévision/SM Films ; Int. Denis Lavant (adjudant-chef Galoup), Michel Subor (commandant Bruno Forestier), Grégoire Colin (légionnaire Gilles Sentain), Marta Tafesse Kassa (la jeune femme), Richard Courcet, Nicolas Devauchelle... (autres légionnaires).

   À Marseille, l'ex-adjudant-chef Galoup évoque en voix off un épisode, dans le golfe de Djibouti, de la vie d'un peloton de légionnaires. Le commandant Bruno Forestier remarque la jeune recrue Sentain, qui fait preuve d'héroïsme dans le sauvetage d'un pilote d'hélicoptère abîmé en mer. Admirateur éperdu de son chef, Galoup traque la moindre bévue du jeune homme, qui finit par le frapper. En représailles il est lâché dans le désert de sel avec une boussole détraquée. Le commandant fait révoquer l'adjudant-chef en conseil disciplinaire. Sentain est recueilli à moitié mort par une caravane.

   Beau Travail, n'a rien à voir avec les mythes que sous-tend le thème d'un drame de la jalousie dans la Légion étrangère, car il n'est conduit par nul souci de démonstration. Tous les éléments du récit y ont même valeur : beauté rude du paysage à la fois maritime et désertique, exercices d'entraînement, tâches domestiques, repas pris en commun, visite à une femme, soirées en boîte, brèves confidences échangées, supplice du désert de sel...
   Aucun jugement sur le rôle de l'armée. Les légionnaires et autochtones s'observent l'espace d'un bref croisement sans que se puisse lire dans les regards l'expression du moindre sentiment téléguidé pour une clientèle
ad hoc. Nul parti pris surplombant non plus quant à la morale du drame qui se noue entre trois personnages.
   Un regard tendre cependant se pose sur ces hommes déracinés en tant que communauté particulière. Énumérés par une recrue française pour enrichir le vocabulaire d'un russe, les pièces de linge kaki au séchage en deviennent émouvantes. S'intercalant à intervalles, des séquences chorégraphiques inspirées du stretching ou de la gymnastique thaï expriment l'amour de l'homme.
   C'est à travers un tel univers, interdisant au spectateur toute identification, qu'est appréhendée l'intrigue individuelle. L'homosexualité allusive se nourrit, du coup, de la beauté plastique des corps chorégraphiés, à l'érotisme encore inassignés. Cette retenue structurelle, quelque peu battue en brèche cependant par les hommages rendus à Godard (Subor, déjà Bruno Forestier dans
Le Petit soldat), à Carax (réminiscences de Mauvais sang et des Amants du Pont-Neuf) voire à Denis Lavant (dont la forte présence détone), rend le spectateur pleinement partenaire de ce beau travail sur un "beau travail" au sens ironique de l'expression. 31/07/04 Retour titres Sommaire

Trouble Every Day Fr. 2000 100' ; R. C. Denis ; Sc. C. Denis et Jean-Pol Fargeau ; Ph. Agnès Godard ; M. Les Tindersticks ; Pr. Georges Benayoun, Jean-Michel Rey, Philippe Liégeois ; Int. Vincent Gallo (Shane), Tricia Vessey (June), Béatrice Dalle (Coré), Alex Descas (Léos), Florence Loiret-Caille (Christelle).

   Cloîtrée par son ami Léos, Coré s'évade pour racoler des hommes dont elle jouit par une forme de vampirisme cannibalique mortel. Le médecin Léos entreprend des recherches pour résoudre le problème médicalement. Atteint du même trouble, l'Américain Shane vient à Paris, officiellement en voyage de noces, en fait pour rencontrer Léos, qu'il connaît, afin de l'informer du remède. Pour ne pas faire mourir sa jeune épouse, il doit renoncer à l'acte sexuel complet.
   Il finit par obtenir l'adresse de Léos, absent de chez lui, mais il tombe sur Coré en pleine action sur la personne d'un jeune voisin entré par effraction. Ils se connaissent et s'enlacent mais il la tue pour n'être pas tué et met le feu à la maison. De retour à l'hôtel en l'absence de sa femme, il cède à l'attirance réciproque d'une femme de chambre, qui est sacrifiée. À son retour, l'épouse n'est pas sans remarquer un filet de sang mélangé d'eau sur le rideau de plastique après la douche de son mari. C'est le début d'un cauchemar dont elle ne saurait mesurer l'étendue.

   L'intérêt majeur de ce film à la facture impeccable, est de doper l'érotisme ordinaire au moyen de la pulsion cannibalique. On sait que celle-ci repose sur la double puissance de l'oralité associant l'instinct de nutrition à la pulsion sexuelle. D'où le caractère impérieux d'un comportement sexuel totalement dépourvu de freins culturels. Du coup les gestes érotiques les plus tendres se chargent d'un formidable potentiel d'animalité et réciproquement, les étreintes sanguinolentes se socialisent à notre corps défendant.
   Le montage elliptique semble la mise en place d'un tout à partir de pièces qui ont perdu leur identité comme par un dépeçage radical. Soulignant la stylisation des images, le rythme et les timbres méditatifs de l'accompagnement musical expriment le romantisme de ce dualisme maudit. La Seine s'empourpre au coucher de soleil comme pour annoncer le déferlement de la fatale morbidité. Les gants rouges de June à la fin présagent son atroce destin. Ce qui reste contradictoire avec une palette des couleurs un brin trop recherchée pour elle-même.
   Là réside peut-être le défaut de la cuirasse : vouloir trop bien faire détourne parfois de l'essentiel dont on oublie qu'il ne souffre aucune concession à des considérations extrinsèques : en l'occurrence, la photo bien léchée. Cédant tant soit peu par là au philistinisme, ce film étonnant paraît renier son audace première. 23/09/03
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Avec amour et acharnement Fr. 2022 116' ; R. C. Denis ; Sc. C. Denis et Christine Angot d'apr. son roman Un tournant de la vie ; Ph . Éric Gautier ; son Jean-Paul Mugel ; Mont. Emmanuelle Pencalet ; M. Stuart Taples ; Pr. Curiosa Films ; Int. Juliette Binoche (Sarah), Vincent Lindon (Jean), Grégoire Colin (François), Bulle Ogier (la mère de Jean), Issa Perica (Marcus, le fils de Jean).

   Sarah est fort troublée par la réapparition de son ancien amant François, alors qu'elle file le parfait amour avec Jean, qu'il lui avait présenté à l'époque. Jean finit par se fâcher puis s'amende en lui proposant de choisir. Elle préfère mettre fin à cette situation déchirante en renonçant aux deux hommes.

   
Ne rien omettre à l'instar du continu spatio-temporel de la vie, tel est le rêve secret qui semble hanter le film. D'où scènes in extenso, depuis la leçon de morale paternelle jusqu'au lit tumultueux des amants (incontournable clou du spectacle) en passant par la scène de ménage. Espace arpenté par le cadre collé aux allées et venues des protagonistes, caméra épaules pour faire authentique (mais d'autant moins vrai qu'est davantage signalisée l'action de cet œil intrusif). Condition donc d'une fiction refoulée, l'intensité étant censée reposer sur le jeu d'acteurs renommés (excellente performance professionnelle de Binoche et Lindon) et non sur le travail de la pellicule. Ce qui revient à prendre au sérieux un simulacre. Lequel n'est pas assez captivant par lui-même. D'où l'abondant recours au cosmétique musical.
    En bref, le naturalisme bazinien continue ses ravages. 16/03/24 Retour titres Sommaire

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Brian DE PALMA
liste auteurs

Carrie au bal du Diable (Carrie) USA 1978 88' ; R. B. De Palma ; Sc. Lawrence Cohen, d'après Stephen King ; Ph. Mario Tosi ; M. Pino Donnagio ; Pr. Paul Monash ; Int. Sissy Spassek (Carrie White), Piper Laurie (Margaret White), Amy Irving (Sue Snell), William Katt (Tommy Ross), John Travolta (Billy Nolan), Nancy Allen (Chris Argenson).

   Adolescente douée de pouvoirs suprasensoriels, Carrie est tenue dans l'ignorance de son corps de femme par la bigote illuminée qui lui tient lieu de mère. La survenue de ses premières règles au lycée la terrorise, ce qui déclenche les sarcasmes des copines, dont elle est le souffre-douleur. Cependant Sue engage son petit ami Tommy à inviter le canard boiteux au bal du lycée. Mais Chris fomente un abominable traquenard consistant à trafiquer l'élection du plus beau couple de danseurs pour faire monter Carrie et son cavalier sur la scène où sera déversé un plein seau de sang de porc suspendu aux cintres. Carrie se venge sur le champ en provoquant une hécatombe au moyen de ses pouvoirs. Rentrée à la maison, elle est amenée à tuer sa mère qui brandissait un grand couteau pour la sacrifier, puis elle se suicide en pulvérisant la maison. Dans un rêve de Sue, le bras sanglant de Carrie surgit de la tombe pour l'entraîner.

   Film assez habile pour s'inspirer à la fois de George Lucas et d'Hitchcock dans une ambiance de messe noire tout en jouant du physique spectral de Sissy Spassek. De Palma n'hésite pas à ponctuer l'intrigue de sons stridents de cordes empruntés directement à Psychose, dont le fameux couteau de boucher se trouve entre les mains de la maman. Les jeunes communiquent entre eux en pleine course parallèle de voiture à voiture comme dans American Graffiti. La cruauté totalement dépourvue de concession, faisant une victime du professeur de Carrie qui la protège et sacrifiant l'héroïne après l'avoir accablée de souffrances morales, est la meilleure idée du film, mais elle est de Stephen King.
   Malgré la lourdeur de style (ou grâce à elle),
Carrie a donné lieu à un courant commercial prospère. 10/11/03 Retour titres Sommaire

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Raymond DEPARDON
Liste auteurs

La Captive du désert Fr. 1990 95' ; R., Sc. R. Depardon ; Ph. R. Depardon, Laurent Machuel ; Pr. Roger Diamantis, Jean-Bernard Fetoux, Jean-Luc Larguier ; Int. Sandrine Bonnaire (la captive), Dobi Kore et Isai Kore (les gardiens), Dobi Wachinke, Dobi Wa, Fadi Taha, Badei Barka, Dake Kore.

   Beau film engagé, nourri de savoir-faire documentariste. C'est pourquoi il n'eut pas fallu prendre Sandrine Bonnaire, dont le professionnalisme détone au milieu de cette tribu nigérienne en plein désert : le naturalisme fait mauvais ménage avec le naturel.

   L'histoire est simple : une française est capturée par des rebelles comme monnaie d'échange avec le gouvernement français, on ne sait contre quoi : une aide économique ? La libération de prisonniers politiques ? N'importe ! la Française sympathise avec les femmes de la tribu et apprend des chansons aux fillettes. Elle tente de s'évader sans succès, puis le gouvernement français ayant cédé, elle est rapatriée en France par air après avoir entendu le chef lui demander de témoigner de la misère de son peuple et la louer pour son courage.

   Plans généraux ou longs plans séquences parfaitement appropriés au défilement des caravanes ou à la réalité du désert. Attention prêtée aux objets : les outres de chèvre, les ustensiles en fer blancs, les bouilloires, les tapis ; ou à la technique des abris tressés tenus par des perches. Le son assez bien étudié : pas dans le sable, appels dans la distance, musiques traditionnelles ; à l'exception du cri des dromadaires un peu trop plaqué semble-t-il par le mixage. Des instants différents (nuit très dense, soir, midi), et des sensations du désert par l'omniprésence du sable.
   Pourtant on ne sent pas du tout la chaleur, bien qu'une des femmes demande à la Française si elle ne souffre pas de la chaleur. Ni lumière écrasante, ni transpiration sous les bras… Bref, on songe à Alain Cavalier et un peu à Le Clézio, mais il y manque quelque rigueur filmique pour atteindre au bouleversement. 23/11/00
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DE OLIVEIRA (voir à la lettre O)

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Giuseppe DE SANTIS
Liste auteurs

Riz amer (Riso amaro) It. VO N&B 1949 108'
Commentaire

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Vittorio DE SICA
Liste auteurs

Sciuscia It. VO N&B 1946 85'
Commentaire

Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette) It. VO N&B 1948 85'
Commentaire

Stazione Termini It.-USA VO N&B 1953 85' ; R. V. De Sica ; Sc. Ad. Cezare Zavattini, Luigi Chiarini, Giorgio Prosperi et Truman Capote ; Ph. Aldo Graziati ; M. Alessandro Cicognini ; Pr. Ponti/De Laurentiis/D. O'Selznick Films/Vittorio De Sica ; Int. Jennifer Jones (Mary Forbes), Montgomery Clift (Giovanni), Gino Cervi, Paola Stoppa, Dick Beymer.

   Renonçant à sonner chez Giovanni, Maria décide brusquement de rompre le séjour romain chez sa sœur et de rejoindre aux USA sa fille et son mari. Depuis la gare elle téléphone à son neveu pour qu'il lui apporte ses bagages. Giovanni informé se précipite à Roma Termini. Elle l'aime mais ne peut se résoudre à trahir les siens.

   Tout le récit se nourrit des bourgeonnements narratifs provoqués par les tergiversations, en interaction avec les événements extérieurs, jusqu'au départ inéluctable auquel ils semblent conspirer sourdement. Au moment où Marie, qui a déjà laissé partir un train, accepte de suivre chez lui Giovanni, elle invite son neveu, encore présent et rencontré par hasard, à prendre un chocolat. Surpris enlacés dans un wagon vide, Giovanni et Marie sont arrêtés. Mais, pour qu'elle ne manque pas son départ, le commissaire ferme les yeux.
   Le désir s'exprime dans sa pureté en empruntant le pudique visage de la magnifique Jennifer Jones et le regard halluciné et transparent de Clift (Galerie des Bobines). Le destin du couple croise d'autres trajectoires autonomes, indépendantes en apparence de la ligne de l'intrigue, et qui semblent à chaque instant devoir peser sur la décision. En réalité elles ne font que conforter d'avance le dénouement. Marie est attirée par tout ce qui lui rappelle maternité et fidélité conjugale.
   Ce conflit semble refléter les contradictions de la production. Le Néoréalisme doit finalement plier devant Hollywood. En dictant sa loi à l'image, l'envahissante musique auxiliaire signe la reddition. 3/05/02
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Virginie DESPENTES et Coralie TRINH THI
Liste auteurs

Baise-moi Fr. 2000 77' ; R., Sc., Dial. C. Trinh Thi et V. Despentes d'après son roman ; Ph. Benoît Chamaillard et Julien Pamart ; Son. Eric Boiteau et Jacques Sans ; Mont. Ailo Auguste et Francine Lemaître ; M. Varou Jan ; Pr. Philippe Godeau/Canal+/Pan européenne ; Int. Karen Bach (Nadine), Raffaëla Anderson (Manu).

   Manu, ancienne actrice-porno meurtrière de son frère force Nadine, prostituée occasionnelle et meurtrière de sa colocataire, à la conduire en Bretagne dans la voiture "empruntée" à sa mère. Se découvrant des affinités, elles poussent plus loin le périple, levant des hommes pour en jouir et semant avec nonchalance la mort autour d'elles. Manu finit par y laisser sa peau et Nadine est arrêtée au moment où elle allait se suicider.

   Vrai manifeste, tournant en dérision la domination de l'homme sur la femme en renversant les rôles. Renversement strictement logique et d'autant plus efficace qu'il ne repose pas sur la connivence avec le public. C'est le monde à l'envers. Les filles manient le gros calibre et jouissent des hommes qu'elles jettent ensuite morts ou vifs.
   L'humour même eut été partisan. Il eut fourni des armes véritables aux adversaires. Ici ne sont laissés que des simulacres. On s'est ému du détail d'une pénétration vaginale. Celle-ci dénonce pourtant l'hypocrisie généralisée d'un cinéma, qui pour des raisons uniquement vénales montre tout sauf la pénétration, s'octroyant l'auréole. La violence du sexe s'arrête-t-elle vraiment au seuil du coït ?
   On a aussi dit que le film était maladroit. En y regardant bien, ce genre de "maladresse" se trouverait en cent autres, absous car soumis, nonobstant les enfants terribles de la Croisette tel Almodovar. Dans
Baise-moi, le cinéma est transfiguré par la force du propos. La cause est juste mais elle se heurte au consensus social. Il ne lui est laissé d'autre langage que celui de la crudité, d'autre ton que hard. La pire des maladresses, c'est de n'avoir rien à dire. 28/10/03 Retour titres Sommaire

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Arnaud DESPLECHIN
Liste auteurs

Rois et Reine Fr. 2004 150’ 
Commentaire

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Jacques DEVAL
Liste auteurs

Club de femmes Fr. 1936 106'
Commentaire

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Michel DEVILLE
Liste auteurs

Péril en la demeure Fr. 1985 100' ; R., Sc. Dial. Michel Deville, d'après René Belletto ; Ph. Martial Thury ; Mont. Raymonde Guyot ; M. Brahms, Granados, Schubert ; Pr. Emmanuel Schlumberger ; Int. Christophe Malavoy (David Aurphet), Nicole Garcia (Julia Tombsthay), Michel Piccoli (Graham Tombsthay), Anémone (Edwige Ledieu), Richard Bohringer (Daniel Forest), Anaïs Jeanneret (Viviane).

   David, professeur de français donnant des cours de guitare à la jeune Viviane Tombsthay, est entraîné par la famille Tombsthay dans une relation compliquée. Sensuelle avec Julia la mère, sous le regard oxymorique, à la fois voyeuriste et offensé de Graham le père. Le danger plane d'autant mieux que dans le mystère d'un décor à la fois début de siècle et vacant, voire désaffecté, rôdent des avatars troubles de ces rôles eux-mêmes ambigus : opérant des enregistrements photo et vidéo voyeuristes de l'aventure, Edwige, la voisine des Tombsthay enveloppe le jeune homme d'une sollicitation érotique particulière et le tueur Daniel, impliqué de façon incompréhensible, devient indispensable à David qui se sent menacé. Mais, alors qu'il doit exécuter un contrat contre David lui-même, Daniel s'arrange pour se faire abattre par ce dernier afin qu'il touche la prime. Après avoir fait disparaître toute trace du crime, David, les poches pleines, part au loin avec Viviane.

   Film sans émotion mais bourré de talent littéraire (le scénario) et de savoir-faire filmique, comme le montage elliptique où le plan X se termine en un gros plan repris dans le plan Y qui se révèle être, à l'élargissement, un autre lieu ultérieur ; ou bien la musique censément auxiliaire que fait cesser la manœuvre d'un bouton de radio. Ce sont pures démonstrations de virtuosité sans nulle nécessité. Le ton parisianiste du film laisse entendre qu'on est entre gens de bonne compagnie. En bref, afféterie pour fins connaisseurs, dont le recul des ans souligne la vanité. 17/11/02 Retour titres Sommaire

Le Paltoquet Fr. 1986 92' ; Sc. Dial. M. Deville, d'après Franz-Rudolf Falk ; Ph. andré Diot ; Déc. Tierry Leproust ; M. Dvorák, Janácek ; Pr. Rosaline Damamme ; Int. Michel Piccoli (la paltoquet), Jeanne Moreau (la tenancière : Galerie des Bobines), Fanny Ardant (Mlle Lotte : Galerie des Bobines), Jean Yanne (le commissaire), Claude Piéplu (le professeur), Daniel Auteuil (le journaliste), Richard Bohringer (le docteur), Philippe Léotard (l'honnorable commerçant).

   Dans un vaste hangar du port converti en café, des habitués jouent au bridge. Dehors il pleut tous les jours à la même heure. La tenancière reste à sa caisse, et le serveur, dit "le Paltoquet", en blouse grise et portant des mitaines, sert des boissons colorées. Mlle Lotte ne cesse d'allumer ces messieurs quand elle n'est pas au repos dans son hamac. Survient le commissaire, qui enquête sur un meurtre commis dans un hôtel borgne du voisinage. On a retrouvé le briquet du professeur près du cadavre, mais celui-ci a un alibi. Le docteur est arrêté, puis le professeur, dont l'alibi était truqué.

   Scénarisation très théâtrale, reposant sur l'étrangeté du lieu et le caractère loufoque du comportement physique et verbal des personnages, tous incarnés par des célébrités. Le bizarre est censé tenir lieu de valeur esthétique.
  Malgré (ou à cause de) sa "pléiade" d'acteurs, film prétentieux (musique "culturelle" de Dvorák et Janácek), plat, rampant, vulgaire, parisianiste (se prévalant du consensus local en tant que vérité universelle), lugubre. 25/11/00
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Jean DEWEVER
Liste auteurs

Les Honneurs de la guerre Fr. N&B 1960 85' ; R. J. Dewever ; Sc. J.-C. Tacchella et J. Dewever ; Ph. Ghislain Cloquet et Georges Lévy ; Pr. Ako Film ; Int. Pierre Collet (Morizot), Evelyne Lacroix (Françoise), Danielle Godet (Melle Lherminier), Erwin Strahl (sergent Gerke), Albert Hehn (capitaine Rollingen).

   Août 44, une colonne de la Wehrmacht en déroute s'installe à Nanteuil moyennant quatre projectiles et un pendu. Les habitants, qui fêtaient déjà la Libération, se barricadent dans l'église de ce doux village pavoisé. Les gens de Muzière viennent à la rescousse sans se presser, et banquettent au passage en plein champ. Hommes de troupe et sous-officiers allemands ont perdu leur jeune lieutenant dans l'opération. Ils voudraient bien déposer les armes, mais un capitaine survenu décrète qu'on ne se rend qu'aux Américains. Alors qu'ils sont sur le départ, les Français déclenchent le tir.

   Ce qui nous est donné à voir/entendre est un ensemble de faits totalement étrangers les uns aux autres, s'ils n'étaient réunis par l'extravagante nécessité de la guerre. Ce film confirme ceci, que le cinéma n'est jamais plus près de la vérité que dans l'absurde. Ce qui ne veut pas dire cacophonie : la sobriété, la transparence et la rigueur des Honneurs de la guerre rassemble d'un seul et impeccable mouvement l'image dissociée d'un épisode sans gloire, n'en déplaise aux bien-pensants. (voir aussi : D. W., Septième art : du sens pour l'esprit, L'Harmattan, 2006 p. 63). 30/11/01 Retour titres Sommaire

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Tom DICILLO
Liste auteurs

Box of Moonlight USA VO couleur 1996 107' ; R., Sc. T. DiCillo ; Ph. Paul Ryan ; M. Jim Farmer ; Pr. Thomas A. Bliss, Marcus Viscidi ; Int. John Turturro, Sam Rockwell, Catherine Keener, Lisa Blount, Dermot Molroney.

   On annule le chantier que, loin de chez lui, dirige l'ingénieur électricien Al Fountain, personnage timoré et conformiste. En compensation des incommodités du métier, en réalité imputables à son caractère, il décide, à l'insu de son épouse, de retrouver un lac de la région qui est un merveilleux souvenir d'enfance. Pollué, le lac est désaffecté. Sur la route du retour le pèlerin-fugueur dépanne la guimbarde d'un jeune loustic affublé en Davy Crockett, qui se fait appeler " Kid ". Celui-ci l'entraîne dans l'aventure échevelée de sa marginalité. Il bivouaque au milieu de la nature, piratant téléphone et courant électrique, vivant de trafics, faisant la nique aux contraintes de la citoyenneté.
   Al Fountain prend goût à l'escapade malgré lui, car la clé de sa voiture a disparu. Il doit prolonger son séjour, alléguant au téléphone à son épouse une prolongation de chantier. En allant chasser ensemble, l'ingénieur a la surprise de tomber sur ledit chantier, qu'il croyait situé beaucoup plus loin. S'ensuit au fusil un jeu de massacre ruineux pour la compagnie. Enfin les deux compères rencontrent deux jeunes femmes qui passent avec eux la nuit. Le lendemain matin le héros de l'histoire est réveillé par la société de location alertée, qui lui apporte un double des clés. Il prend affectueusement congé de son compagnon. Celui-ci lui fait cadeau d'un mystérieux coffret censé, exposé à la lune pendant tout le séjour de Fountain, en avoir recueilli les rayons. En rentrant il offre l'objet à son épouse qui trouve à l'intérieur les clés de la voiture.

   Bons acteurs bien atypiques et bon divertissement d'une facture sans surprise et même d'une désespérante banalité eu égard aux velléités subversives, reposant en somme sur un principe assez facile : robinsonnade continentale, exploitant le monde rejeté sans en payer le prix moral. 9/05/03 Retour titres Sommaire

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William DIETERLE
Liste auteurs

Juarez USA VO N&B 1939 132' ; R. W. Dieterle ; Sc. John Huston, Wolfgang Reinhardt, d'après Franz Werfel ; Ph. Tony Gaudio ; M. Erich W. Korngold ; Pr. Hal B. Wallis/Warner Bros; Int. Paul Muni (Juarez (Galerie des Bobines)), Bette Davis (Carla de Habsbourg (Galerie des Bobines)), Brian Aherne (Maximilien de Habsbourg), Claude Rains (Napoléon III), Donald Crisp (Bazaine), Gale Sondergaard (Eugénie de Montijo), Gilbert Roland (Lopez), John Garfield (Porfirio Diaz).

   Juarez, président de la république destitué par la droite, résiste à l'empereur Maximilien imposé par Napoléon III à la tête du Mexique grâce à des élections truquées. Un peu tard mis au courant, Maximilien, homme juste et humain, veut d'abord abdiquer. Carla, son épouse, l'en dissuade. Il appelle alors, sans succès, Juarez au poste de premier ministre. Carla étant stérile, il adopte même l'héritier du trône mexicain. Mais sous le coup d'offensives efficaces de la guérilla, l'empereur se résigne à signer le décret organisant la répression sanglante. Au moment où il tient la victoire, Napoléon III rappelle les troupes françaises. Carla fait le voyage de Paris pour protester, en vain : elle en perd la raison. Vaincu par Juarez, Maximilien est fusillé.

   Grâce à l'énorme budget, au casting en béton, à la pellicule sophistiquée, c'est une reconstitution historique particulièrement soignée.
   Voire léchée, par la qualité de noirs intenses et scintillants que mettent en valeur de véritables éclairages de son et lumière. On peut même remarquer que les révolutionnaires, pourtant non démunis, sont éclairés par en-dessous, comme des conspirateurs par une bougie au fond d'un trou. Gratuit ou inadapté, ça revient au même, c'est-à-dire au clinquant.
   Le maquillage, le costume et la coiffure font un véritable étalage muséographique. Admirons surtout la barbe bifide si soyeuse et l'architecture très Viollet-le-Duc de la coiffure de l'archiduc : cheveux soigneusement séparés par une raie médiane et ramassés au-dessus et un peu en arrière des oreilles en deux charmants petits macarons.
   L'intrigue est fort claire, comme les images. On a pourtant pris soin de lui ménager des surindications sonores au moyen d'une musique auxiliaire digne de Mickey Mouse. Toute attaque armée se doit d'être saluée par un tintamarre de cuivres, de même qu'aux tendres tête à tête du couple impérial les violons ne sauraient s'abstenir.
   Restent les trois acteurs principaux, qui se détachent quelque peu de cet académisme prétentieux, y compris des autres acteurs, en mettant à part Claude Rains desservi, lui, en dépit des prouesses du coiffeur, par un physique aux antipodes de celui de Louis-Napoléon.
   Bette Davis, bien sûr, qui se donne à fond dans tous ses rôles (Galerie des Bobines), et même Brian Aherne, touchant séraphin dynastique sacrifié, mais surtout Paul Muni, minimaliste à souhait, capable de se restreindre quand tout le reste en rajoute, sont remarquables. Hélas, ce ne sont pas les acteurs qui font le film ! 1998, révisé le 8/08/08.
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Edward DMYTRYK
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Adieu ma belle (Farewell My Lovely) USA VO N&B 1944 90' ; R. E. Dmytryk ; Sc. John Paxton, d'après Raymond Chandler ; Ph. Harry Wild ; M. Roy Webb ; Pr. A. Scott, Sid Rogell/RKO ; Int. Dick Powell (Philip Marlowe), Claire Trevor (Mrs Grayle), Anne Shirley (Ann Grayle), Otto Kuger (Jules Amthor).

   Un bandeau sur les yeux, le détective Philippe Marlowe est cuisiné comme suspect par ses potes de la criminelle. Deux cas indépendants qui lui avaient été confiés s'avèrent relever de la même affaire. Le géant Moose, ayant purgé une peine d'emprisonnement de huit ans, est à la recherche de son amie Velma. Un nommé Marriott veut récupérer des bijoux volés. Velma s'avérera être l'épouse d'un riche collectionneur de jade et la propriétaire des bijoux. Ann, la fille de Grayle vient également solliciter Marlow sous un faux nom.
   Pour récupérer les bijoux, Marlow doit dans un lieu désert et nocturne accompagner Marriot. Mais celui-ci est assassiné avant qu'il ne soit lui-même assommé. Bien entendu, Mrs Grayle tombe dans ses
bras parallèlement à sa belle-fille. Mais il découvre non seulement qu'elle est l'assassin de Marriot et son propre agresseur, mais aussi qu'elle ne s'est jamais départie de ses bijoux. Elle veut l'abattre mais son mari la tue avec une arme qui brûle les yeux du trop perspicace détective. Moose survient et soulage sa peine en supprimant Grayle. Au commissariat, le héros est reconnu innocent. Sortant au bras d'un flic en civil, il évoque Ann avec regret. De mèche avec le policier, celle-ci prend sa place à côté de l'aveugle dans le taxi. Marlowe dont l'odorat est en alerte demande au flic la permission de l'embrasser...

   Récit d'une limpidité cristalline comme on voit. Les brouillages de l'intrigue chez Chandler sont nécessaires à un système imaginaire où tout peut advenir à tout moment. Les pertes de connaissance de Marlowe par exemple y sont de véritables anéantissements de l'intrigue qui doit renaître de ses cendres. Il évolue dans un univers aléatoire dont les mouvements sont imprévisibles.
   Dans le film, Marlowe est au contraire un véritable héros qui, malgré une carrure de gringalet, n'hésite pas à tenir tête au terrible
Moose. Le fantasme(1) de base est si bien affadi que des détails comme la cécité provisoire de Marlowe ne sont guère exploités selon leur valeur symbolique(2). Comme toujours l'absence d'imagination se cherche des compensations dans des effets comme les volutes de brouillard, les effets spéciaux grand-guignolesques à la faveur des pertes de connaissance, les éclairages criards et les ombres qui n'en finissent pas de s'allonger. Avec ces décors toc en intérieur et extérieur on ne peut pas même compter sur une rigueur réaliste qui donnerait quelque consistance à l'univers de l'intrigue.
   Moralité : ne jamais prendre la confusion pour le mystère. 11/11/04
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Jacques DOILLON
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Les Doigts dans la tête Fr. N&B 1974 104' ; R. J. Doillon ; Sc., Dial. J. Doillon et Philippe Defrance ; Ph. Yves Lafaille ; Mont. Noëlle Boisson ; Pr. J.J.  Shakmundes ; Int. Christophe Soto (Chris), Olivier Bousquet (Léon), Ann Zacharias (Liv), Roselyne Vuillaume (Rosette).  

   Chris, mitron, et sa petite-amie, Rosette, âgés tous deux de dix-neuf ans, travaillent chez un boulanger parisien, qui loge le jeune homme dans une mansarde. Celui-ci rencontre une Suédoise en transit, d'à peine dix-huit ans nommée Liv. Il l'héberge jusque dans son lit, de sorte qu'il manque son service à deux heures du matin. S'ensuivent des mots avec le patron, qui le congédie sans préavis. Un peu plus tard, Rosette démissionne. Avec Léon, son copain mécano, Chris se rend au syndicat afin de faire valoir ses droits. Il occupera la mansarde tant qu'il n'aura pas reçu la lettre de licenciement assortie des indemnités légales. Chris propose d'y séjourner à quatre. Mais il ne se gêne pas pour coucher avec Liv en présence de Rosette ce qui provoque une crise de nerf de celle-ci et un état de tristesse récurrent. Finalement Liv retourne en Suède avec un copain, expliquant à Chris qu'elle n'est pas amoureuse de lui, et qu'ils forment avec Rosette un vrai couple. Mais celle-ci est rappelée par ses parents à Bourges. Les deux potes s'y rendent dans la vieille Traction de Léon. Éconduits, ils s'en retournent en chantant à tue-tête "Je pars pour un dernier voyage...". 

   Chronique d'un printemps, d'avril à mai, extraite du journal intime de Chris en voix off, mais en décalage par rapport aux images, par chevauchements anticipateurs. Le journal s'écrit dans les intervalles de l'action, que des fondus relancent dans une durée indéterminée et pourtant contenue par la série des dates. Ce qui dans l'ensemble donne, accentuée par le noir et blanc, une certaine distance ludique, nécessaire à la singularité des comportements, qui semblent pris sur le vif, sans éclairages, en son direct, dans les décors sans grâce des quartiers populaires du Paris urbain et suburbain. 
  La légèreté de ton n'est qu'apparence, liée à un premier niveau immédiat qui est celui du comportement de la jeunesse d'alors, observée presque avec passion jusque dans ses loufoqueries. Ainsi, sur les vingt-trois heures, simplement
pour voir son smoking, les quatre rendent visite au nouveau mitron qui par ailleurs suit des cours d'art dramatique et leur a déclamé Georges Dandin
   Plus profondément, tout cela
implique une approche psychosociologique, qui apparaît comme un témoignage de l'après-soixante-huit, sans pathos surajouté, savoir, sans fioritures du genre musique auxiliaire. Jeune classe ouvrière en butte aux aléas du monde du travail sur lequel veille attentivement le syndicalisme. La récente libération des mœurs a fait reculer les frontières morales au risque de contradictions douloureuses. C'est sans état d'âme que Chris explique à Rosette qu'il ne pouvait  laisser Liv dans la rue sans le sous, qu'il fallait bien qu'elle eût un abri où dormir ; sans état d'âme qu'il couche avec elle sous ses yeux. Alors que les Français restent empreints de désuètes réserves, la Suède était alors en avance de ce point de vue, ce qui se traduit par ceci, que la liberté sexuelle de Liv, n'exclut pas la maturité. C'est elle la plus lucide des quatre, qui plie bagage, consciente que la situation était sans issue. 
   Film inimitable en ce qu'il appartient profondément à un moment particulier de notre histoire. Ce que Deleuze en retient en revanche (Cinéma 2, pp. 263-265), que la position indécise entre deux femmes traduit une indiscernabilité du corps appartenant au "cinéma des corps" opposé au cinéma d'action, paraît en regard excessivement abstrait, voire réducteur, et plutôt fait sur mesure pour soutenir la thèse de la coupure entre image-mouvement (cinéma d'action) et image-temps (rupture du schème sensori-moteur). Il y a d'ailleurs contradiction à vouloir, tout en étant opposé à tout recours à la représentation, s'en remettre à des situations narratives fictionnelles (hésitation entre deux femmes), référées donc à une possible réalité qu'elles tentent d'exprimer. 10/02/14 
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Le Petit criminel Fr. 1990 100'
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Stanley DONEN
Liste auteurs

Drôle de frimousse (Funny Face) USA VO couleur 1956 95' ; R. S. Donen ; Ph. Ray June ; M. George Gershwin ; Déc. Hal Pereira, George W. Davis, Sam Comer, Ray Moyer ; Pr. Roger Edens ; Int. Fred Astaire (Dick Avery), Audrey Hepburn (Jo Stockton), Kay Thompson (Maggie Prescotte), Michel Auclair (Emile Flostre).

   Une jeune intellectuelle disgracieuse est engagée comme mannequin pour intéresser ses pareils à la mode. Malgré ses réticences, elle se laisse convaincre par le photographe dont elle tombe amoureuse.

   Comédie musicale mise en musique par George Gershwin, où éclatent les couleurs et resplendit la merveilleuse Hepburn (Galerie des Bobines) face à l'aérien Astaire au jeu somme toute très sobre. Le film n'ayant qu'un rôle de support, qu'ajouter une fois reconnue la qualité des numéros et de la couleur ? 25/12/99 Retour titres Sommaire

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Ziad DOUEIRI
Liste auteurs

West Beyrouth Fr.-Liban VO 1998 105' ; R. Z. Doueiri ; Ph. Ricardo Jacques Gale ; M. Stewart Copeland ; Int. Rami Doueiri (Tarek), Mohamah Chamas (Omar), Rola Al Amin (May), Carmen Lebbos (Hala), Joseph Bou Nassar (Riad).

   Avril 1975, la guerre éclate à Beyrouth. La ville est coupée en deux : Est chrétien, Ouest musulman. Jeunes bourgeois insouciants et rassasiés, les cousins Tarek et Omar sont privés de lycée. Ils font les quatre cents coups avec May la Chrétienne, visitent un bordel fameux, se foutent pas mal des factions, ne croient du reste pas à grand chose. Pourtant la guerre se prolongeant, l'argent vient à manquer : les parents de Tarek ne peuvent plus travailler, les deux cousins en viennent à regretter le détestable lycée français. Mais Riad, le père, se refuse à quitter son pays. Seul un amour fort les fait encore tenir. Puis Hala, la mère, perd la vie. La guerre d'abord anodine et suscitant maintes situations burlesques, montre enfin, in extremis, son vrai visage.

   On ne croit pas vraiment d'abord aux prodromes annoncés par des inserts d'archives où des scènes comme la descente aux abris filmées caméra à l'épaule. Car la guerre se mêle insensiblement au tissu de la vie quotidienne. La scène où May joue au piano La Lettre à Elise est suivie d'une séquence de guerre accompagnée "en fosse" par la même musique.
   Mais la fin est tout à fait pathétique. Riad joue du luth à la demande de Hala (belle musique originale de Stewart Copeland, dans le goût traditionnel). Des images de guerre défilent accompagnée de la même musique. Retour à la scène de famille mais avec un fauteuil vide : celui de Hala, Tarek sanglotant à l'avant-plan. Riad cesse de jouer mais la musique auxiliaire se prolonge. Suit une séquence en super 8 (la caméra de Omar) montrant Hala et Tarek sur une plage, accompagnée musicalement de même.
   On peut certes regretter les ruptures de ton, qui éparpillent le fond du propos. Les possibilités tragiques du burlesque s'y avèrent méconnues. Mais profondément honnête, ce film atteint à l'authenticité grâce à la richesse du dialogue entre imaginaire et réalité. 27/04/02
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Gordon DOUGLAS
Liste auteurs

Des Monstres attaquent la ville (Them) USA VO N&B 1954 93' ; R. G. Douglas ; Sc. Ted Sherdeman, d'après G. Worthing Yates et R. Hughes ; Ph. Sid Hickox ; M. Bronislau Kaper ; Pr. David Weisbart ; Int. James Whitmore (le sergent Ben Peterson), Edmund Twenn (Dr Harold Medford), Joan Weldon (Dr Patricia Melford).

   Neuf ans après les premiers essais nucléaires, des fourmis géantes élisent domicile dans le désert du Nouveau Mexique, massacrant des innocents pour une poignée de sucre. Le FBI est dépêché, puis un grand professeur "myrmicologue" assisté de sa fille docteur (qui ne pouvait qu'être qu'aussi jeune et belle que vieux et laid le père). Washington est sur le pied de guerre. Avec l'aide de l'armée et grâce aux connaissances des deux spécialistes, on finit par éradiquer le fléau.

   L'aspect didactique est doublement intéressant : à la fois connaissance des mœurs des fourmis et glorification des compétences nationales à l'encontre de l'ennemi potentiel. C'est en effet un film-fantasme de plus de la victoire des nantis du Nouveau Monde sur les Envahisseurs, dont le plus beau fleuron sera Les Oiseaux de Hitchcock (1963).
   Les fourmis : grossier symbole du communisme (organisation sociale niant l'individu) qui n'en veut qu'aux riches et à leurs friandises. Comme dans une guerre aérienne, un avion de tourisme est attaqué par des fourmis volantes. (voir détails
in D. W., Septième art : du sens pour l'esprit, L'Harmattan, 2006, pp. 74-75).
   Des monstres attaquent la ville ou Propagande nationaliste à Hollywood. 26/06/01 Retour titres Sommaire

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Alexandre DOVJENKO
Liste auteurs

Zvenigora (Звенuгора) URSS 1928 91'
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Arsenal (Aрсенаᴫ) URSS 1929  68'
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La Terre (емᴫᴙ) URSS 1930 75'  
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Jean DRÉVILLE
Liste auteurs

Copie conforme Fr. N&B 1946 110' ; R. J. Dreville ; Sc. Jacques Companeez ; Ad. Paul Andréota, Jean Dréville ; Dial. Henri Jeanson ; Ph. André Thomas ; M. René Cloërec ; Pr. Roitfeld ; Int. Suzy Delair (Coraline), Louis Jouvet (Dupond et Ismora), Jean-Jacques Delbo (Oscar), Henri Charett (M. Charles), Annette Poivre (Charlotte).

   Le bureaucrate modèle Dupond est le sosie de l'escroc de haut vol Ismora. L'employé s'éprend de Coraline, la maîtresse de celui-ci. Il parvient à abuser la bande de la crapule, qui est abattue.

   Conjugue les performances de Louis Jouvet (Galerie des Bobines) et de Henri Jeanson. L'escroc Manuel Ismora use de divers déguisements et stratagèmes audacieux. L'employé de bureau Gabriel Dupont incarné par le même Jouvet est suspecté. Ismora l'utilise comme alibi-sosie, qui finira par lui ravir sa petite amie et lui survivre.
   Bon polar à la fantaisie bien ficelée. 26/12/99
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Carl Theodor DREYER
Liste auteurs

Le Président (Præsidenten) Dan. Muet N&B 1919 84' ; R. C.T. Dreyer ; Sc. C.T. Dreyer d'ap. Karl Emil Franzos ; Ph. Hans Vaagö ; Pr. Nordisk Film Kompagni ; Int. Halvard Hoff (Karl Victor von Sendlingen), Elith Pio (son père), Carl Meyer (son grand-père), Olga Raphael-Linden (sa fille victorine), Betty Kirkeby (la mère de Victorine), Richard Christensen (l'avocat Berger), Peter Nielsen (l'avocat général).

   Le président de tribunal Karl Victor Sendlingen doit juger une infanticide qui se trouve être sa propre fille naturelle, Victorine, née d'une gouvernante délaissée au nom du serment fait à son père mourant, aristocrate ruiné, de ne pas se mésallier comme lui-même autrefois avec la fille du portier. Se refusant à avilir son nom en usant de sa position dans son intérêt propre, il décline la présidence du procès. Celui-ci révèle que la comtesse sa maîtresse, en pleine nuit chassa, enceinte de son fils, Victorine retrouvée au matin sans connaissance, le nouveau-né sans vie à ses côtés. Le tribunal la condamne à mort. Son père vient la visiter dans sa cellule et tente un recours en grâce qui échoue.
   Alors même qu'il est honoré de ses pairs et fêté par le peuple pour sa carrière exemplaire, il organise l'évasion de sa fille avec la complicité d'un vieux couple de domestiques, puis démissionne. Victorine est en sûreté à l'étranger où elle se marie. Le président va se dénoncer à son successeur qui, au nom du bien supérieur de l'image de la justice, refuse de donner suite. Après avoir rédigé son testament, Karl Victor se donne alors la mort dans les ruines du château familial.
 
   
Si complexe est le nœud qu'il ne peut être que tranché. La trahison de la loi par un homme d'honneur, qui plus est de loi, au nom de l'amour paternel trouve sa résolution dans le suicide. Celui-ci relève presque d'une convention dans la fraction la plus exigeante du cinéma encore naissant, celle qui n'évite pas la difficulté, voir notamment le suicide dans, La Marche dans la nuit (Murnau, 1921), Le Château de Vogeloed (Murnau, 1921), La Nuit de la saint-Sylvestre (Lupu Pick, 1923), L'Opinion publique (Charlie Chaplin, 1923), Fräulein Else (Paul Czinner, 1929), ou tentative, dans La Rue (Carl Grune, 1923). Ce qui témoigne d'un genre éthique qui n'a plus cours aujourd'hui. Le danger est de tomber dans un moralisme qui serait instrumentalisation de l'art. Or Dreyer n'a pas encore trouvé les moyens de cette audace filmique de La Passion de Jeanne d'Arc, ou d'Ordet. Certes, netteté de facture et économie du récit sont déjà-là, et pas seulement dans le choix des éclairages naturels. Davantage, les plans de détail dessinent une riche profondeur tragique. Des mains crispées dans le dos, un inquiétant porte-clés mural, le sablier de la mort. Ou encore, hommage à la bidimensionnalité du cadre, la reconfiguration par annihilation de la profondeur faisant venir l'arrière-plan au premier, ce qui permet, par ex., de valoriser un personnage en le couronnant de petites cuillères ornant en arc de cercle le mur du fond.
   Cependant les traits nettement découpés et les sourcils rectilignes du président affirment la figure édifiante du justicier de soi-même, heureusement sans expressionnisme mélodramatique, avec beaucoup de retenue. Il ne faut pas non plus négliger le contrepoint burlesque, celui des goinfres du digne banquet, ou des chiens, unique public
avec les deux domestiques au mariage de Victorine. Mais c'est insuffisant sans doute comme contrepartie d'un sérieux foncier, une contrepartie qui rendrait cette valeur morale tributaire d'un infini éthique, comme la folie dans Ordet, mieux, comme la subversion topologique de La Passion ou de Vampyr. 08/02/18 Retour titres Sommaire

Le Maître du logis (Du Skal Aere Din Hustru) Dan. Muet N&B 1925 70'
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Les Fiancés de Glomdal (Glomdalsbruden) Dan. Muet N&B 1926 75'
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La Passion de Jeanne d'Arc Fr. Muet N&B 1928 110'
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Vampyr Fr.-All. version All. VO N&B 1932 75'
synopsis
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Jour de colère (Dies Irae) Dan. VO N&B 1943 105'
Commentaire

Ordet Dan. VO N&B 1955 104'
Commentaire

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Danièle DUBROUX
Liste auteurs

Le Journal du séducteur Fr. 1996 100' ; R., Sc. D. Dubroux ; Ph. Laurent Machuel ; M. Jean-Marie Senia ; Pr. Paulo Branco ; Int. Chiara Mastroianni (Claire), Melvil Poupaud (Grégoire), Mathieu Amalric (Galerie des Bobines), Hubert Saint-Macary, Danièle Dubroux, Jean-Pierre Léaud, Micheline Presle (la mère de Grégoire).

   Claire, étudiante en psycho à Paris 8, rapporte à Grégoire Le Journal du séducteur de Kierkegaard oublié dans un amphi. Il le lui prête. Parallèlement un jeune homme qui s'est installé chez Claire tient un journal de séducteur et cherche à séduire Claire sans succès, puis sa mère (très subtile structure d'emboîtement). Grégoire vit dans un antique appartement bourgeois parisien, avec sa mère, reléguée dans une arrière-salle. La jeune fille est très attirée, mais il semble avoir d'autres préoccupations. Elle l'aide à faire disapraître un cadavre découvert dans le congélateur - un accident à la suite d'une lutte. Son psychanalyste, amoureux d'elle, la poursuit. Il est assommé dans le même appartement et perd la mémoire, ce qui lui donne le droit de figurer dans le prologue en tant que psychanalyste amnésique conduisant l'anamnèse du récit, facétieuse aporie censée nous emporter de l'autre côté du miroir.

   L'intérêt repose ici à la fois sur la mythologie de la mort et sur le bizarre qui en découle. Bizarres sont les personnages : le voisin de Grégoire, l'ami professeur de français, Grégoire lui-même et sa mère. Grégoire est assimilé un peu trop ostensiblement à un curé (croix blanche sur pull noir par effet de laçage) peut-être par référence à Kierkegaard. Un éclairage bleuté fige son visage en un masque funèbre. Les allusions aux vampires (Claire fait un rêve vampirique, mais elle porte au cou la marque fatale dans le réel), et la séquence du passage en barque sous la lune complètent le sombre tableau avec coup de tonnerre et larges gouttes agitant la tranquille surface.
   Très joli mais linéaire et représenté. La musique auxiliaire de chambre apporte la note romantique seyant aux vrais vampires. Clara Mastroianni avec son seul naturel joue le personnage le plus bizarre. Le bizarre ne sera jamais ce qui se présente comme tel. Au total, de la haute culture parisianiste avec des réminiscences du
Locataire de Polanski, un zeste de Rohmer, miettes de Deville, etc. 12/12/00 Retour titres Sommaire

L'Examen de minuit Fr. 1997 95' ; R. D. Dubroux ; Sc., Dial. D. Dubroux et Pascal Richou ; M. Jean-Marie Senia ; Ph. B. Mouly ; Mont. Morgane Spacagna ; Son Philippe Morel, Gérard Rousseau, Jean Gargonne ; Pr. Paulo Branco ; Int. François Cluzet (Antoine), Serge Riaboukine (Roland), Julie Depardieu (Séréna), Danièle Dubroux (Marianne).

   Séréna débarque dans un bourg de la Drôme pour épouser un comte à château délabré. En sortant de la gare elle rencontre Roland, éleveur plutôt prospère aussitôt épris, mais le comte survient. Le projet matrimonial tombé à l'eau, Roland et Séréna, qui a trouvé du travail sur place, se retrouvent. Ils se lient, alors qu'elle poursuit la prospection des châtelains. Roland braque des banques pour être à la hauteur, lui fait des cadeaux princiers. Elle finit par se résigner au mariage bien que séropositive.
   Avant la consommation, protégée, pendant la nuit de noce, elle s'enfuit avec Antoine, un écrivain parisien dépressif en villégiature dans une ferme restaurée. Il y cache Séréna qui lui donne à vingt-trois ans et sans protection sa virginité. Passionné il la séquestre dans son cabinet privé à l'étage tout en menant sa vie conjugale au rez-de-chaussée. Séréna, qui étouffe, s'évade à l'aide du jardinier pour une petite virée anodine. À son retour le prince charmant se révèle un spécimen masculin des plus odieux. Marianne ayant tout découvert plie bagage mais retrouve par hasard la piste de Roland. Elle décide de restituer l'épouse à son légitime. Roland force Marianne à le conduire chez elle. Le fusil braqué d'Antoine les accueille. Ils s'expliquent et l'on apprend que Séréna avait prétexté la MST pour éloigner Roland de son lit.
   Mais la gendarmerie cerne la maison pour le braqueur de banque. Soudain pris d'amitié pour son rival, Antoine lui propose de l'aider en jouant les otages. Ils ont beau franchir le barrage, Roland est pris et jeté en prison. L'avocat de Marianne pense pouvoir obtenir les circonstances atténuantes avec une grossesse. Séréna intrigue pour avoir une entrevue privée avec son époux dans l'enceinte de la prison où, sans nulle capote, le mariage est enfin consommé.

   La Drôme rurale nous épargne l'imagerie parisienne du Journal du séducteur, quoique le réalisme rural à beaux paysages ne soit guère qu'un mode de détournement, éludant les affres cinématographiques de l'authenticité, qui on le sait, ne se capte que dans les interstices. L'improvisation des acteurs, notamment de Danièle Dubroux, est si admirable de naturel qu'elle constitue une performance en soi. De même que l'insolite des personnages et des situations verse dans le burlesque indépendamment de ce qui se loge au cœur de l'intrigue.
   Cette dissociation des effets valorisés séparément pour leur propre compte dilue l'enjeu profond d'une quête aussi mortellement risquée de l'amour.
   Le film reste néanmoins une réussite, en raison peut-être de ce point de vue féminin qui nous délasse de l'ordinaire méconnaissance triomphante de la féminitude. Avec sa gaucherie, le personnage de Séréna conserve quelque chose d'insondable, frôlant un essentiel
tragique dont le film est pourtant par ailleurs privé. 2/12/01 Retour titres Sommaire

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Julie DUCOURNAU
Liste auteurs

Titane Fr. 2021 105' ; R., Sc. J. Ducournau ; Ph. Ruben Impens ; Son. Séverin Favian, Fabrice Osinski, Stéphane Thiébaut ; Mont. Jean-Christophe Bouzy ; Déc. Laurie Colson ; M. Jim Williams ; Pr. Kazak Production ; Int. Agathe Rousselle (Alexia), Vincent Lindon (le père d'Adrien), Garance Marillier (Justine), Myriem Akheddiou (la mère d'Adrien), Bertrand Benello (le père d'Alexia), Céline Carrière (sa mère), Adèle Guigne (Alexia à sept ans). Palme d'or 2021.

   Réparée grâce à une plaque de titane fixée sous le crâne à la suite d'un grave accident survenu à l'âge de sept ans, la trentenaire postraumatisée Alexia s'accouple avec une voiture et trucide ses amants humains des deux sexes. Elle tombe enceinte du véhicule. Pour échapper à la police, elle se fait passer pour Adrien, le fils disparu à l'âge de six ans, du commandant pompier Vincent. Lequel, même ayant découvert que c'est une femme enceinte, l'accepte comme son fils, dont il fera un pompier. Pour la première fois de sa vie Alexia épargne par amour ce quinquagénaire autoritaire au corps sculpté à grands renfort de corticoïdes, qui le lui rend bien, paternellement. Elle meurt en accouchant avec son aide d'une chimère humaine de chair et de titane, qu'il garde.

   On a voulu comparer Titane au chef-d'œuvre de Cronenberg, Crash ; avec raison, sauf la dérision. Et la modestie. L'immodestie ne procède-t-elle pas du désir secret de satisfaire à l'opinion ? Et voilà un projet original qui s'enfonce dans le clinquant fantastico-érotico-gore d'un futurisme morbide. Du pain béni pour la grand-messe cannoise, dont la vocation véritable est de convertir l'art à la religion du marché boursier. Ce film avait d'ailleurs bénéficié avant sortie d'une campagne publicitaire tapageuse.
   Très ambitieuse, l'idée de base a manqué la voie de la germination sémiotique au profit de l'alignement sémantique. Il s'agit de la déconstruction de la bipolarité des sexes, en appelant aux renversements catégoriels. Elle passe, à l'instar de Crash (qui semble fasciner l'auteure) par la transformation douloureuse des corps traités telles des choses mécaniques. Conduite cependant comme une épreuve de la foi inversée, jusqu'au sacrifice profanatoire. Le chef des pompiers se dit le Dieu de la brigade, son fils, Alexia-Adrien, est donc Jésus. Celle-ci commence, en guise de purification génétique, par éliminer ses géniteurs en incendiant la maison. Puis, avant d'incarner le sacrifice christique, elle s'inflige la renonciation à la féminité sous la forme de mortifications. Se raser la tête, se casser le nez, s'introduire une aiguille dans le vagin pour avorter, comprimer ce corps gestant à l'aide d'une bande adhésive. Vincent, dont la chair bodybuildée est couverte de stigmates, manque succomber à une crise de tachycardie, tandis que le corps d'Alexia craque sous les poussées du titane. Le martyre est le prix à payer pour la tabula rasa des catégories dans un sabbat blasphématoire. Cela dépasse la tranquille homosexualité avérée via la très belle scène, dans les garages de la caserne, du bal sans femme des hommes du feu. La sidération se lit dans leurs yeux au spectacle du pompier Alexia qui, forte de son premier métier de showgirl dans les salons de tunning, se livre dans une enveloppe censément masculine à une danse érotique féminine effrénée. 20/05/24
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Bill DUKE
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Rage in Harlem USA VO couleur 1991 105' ; R. B. Duke ; Sc. Bobby Crawford, John Toles-Bey, d'après Chester Himes, La Reine des pommes ; Ph. Toyomichi Kurita ; M. Elmer Bernstein ; Pr. Kerry Boyle, Stephen Woolley ; Int. rien que des Noirs : Forest Whitaker (Jackson), Robin Givens (Imabelle), Danny Glover (Easy Money), Gregory Hines (Goldy), Willard Pugh (Claude X), Zakes Mokal (Big Kathy), etc.

   Divertissement original bien dans le ton de Chester Himes, à la fois cruel, irréel et drolatique.

   Un employé des pompes funèbres assez nunuche est dragué par une "bombe" qui s'installe chez lui munie d'une malle pleine d'or dérobée au gang dont le chef est son amant. Elle est rattrapée, avec la malle. Le croque-mort amoureux s'adresse à son demi-frère, le truand Goldy, pour l'aider à retrouver la fille et la malle qu'il consent à lui abandonner. Ils réussissent au prix de la mort du meilleur ami de Goldy, tenancière de bordel de son état. Bien qu'éprise à son corps défendant quant à elle, la pin-up prend le train pour le Mississipi. Il saute in extremis dans le dernier wagon.

   Les tons de pastel nocturne, l'emphase visuelle et sonore (les fusillades ressemblent à des feux d'artifice), l'intrigue à rebondissements, le pittoresque des offices religieux, la reconstitution du trafic urbain de 1956, le happy end et les Gueules, composent un Harlem de bas-fonds de BD. Mais en même temps le contraste réaliste des meurtres donne au cliché de l'intérêt. 22/02/01 Retour titres Sommaire

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Bruno DUMONT
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La Vie de Jésus Fr. 1997 90' ; R. B. Dumont ; Ph. Philippe Van Leeuw ; M. Richard Cuvillier ; Int. David Douche (Freddy), Geneviève Cottreel (sa mère), Marjorie Cottreel (Marie), Kader Chaatouf (Kader), Sébastien Delbaere (Gégé), Sébastien Bailleul (Quinquin), Samuel Boidin (Michou).

   À Bailleul dans le Nord, Freddy, épileptique sans travail qui ne rit jamais, aime Marie et fait des virées à cyclomoteur avec ses copains. Le frère de l'un d'eux en phase terminale du SIDA meurt bientôt. Un "Arabe" dont ils se sont gaussé tourne autour de Marie, en vain jusqu'au jour où une fille étant violée par la petite bande, prévenue contre Freddy, elle accepte un geste de tendresse de Kader après l'avoir pourtant agressé sexuellement. La bande tombant sur l'audacieux en rase campagne le tabasse à mort. Freddy, principal responsable, reste avec ses remords.

   Avec ce tour de force de ne porter aucun jugement, cette histoire nous est contée à l'aide des accessoires du désespoir : les faces disgracieuses héritières des Gueules noires, le chômage, la monotone bourgade vite traversée, la campagne rude, les cyclomoteurs pétaradant comme de gros insectes nauséabonds, l'impeccable dissonance décalée de la fanfare municipale où les copains jouent leur partie, le café de la mère de Freddy semblable à une petite usine désaffectée, les comportements violents sous le vernis circonspect d'un reste de ruralité, la méthodique sexualité à la sauvette qui ne compense rien.
   C'est Jésus à Bailleul avec ses disciples. Il se sacrifie comme il peut. Amère dérision du vide spirituel conduisant à la médiocrité et au désespoir. 6/04/02
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Hadewijch Fr. 2009 104' ; R., sc., dial. B. Dumont ; Ph. Yves Cape ; Mont. Guy Lecorne ; Mix. Emmanuel Croset ;  Son Philippe Lecœur ; M. J.S. Bach, André Caplet ; Pr. 3B productions, Arte France Cinéma, CRRAW Nord-Pas-de-Calais, Le Fresnoy Studio national des Arts Contemporains ; Int. Julie Sokolowski (Céline-Hadewijch), Karl Sarafadis (Nassir), Yassine Salime (Yassine), David Dewaele (David), Brigitte Mayeux-Clerget (la mère supérieure), Michelle Ardenne (la prieure), Sabrina Lechene (la novice), Marie Castelain (la mère de Céline), Luc-François Bouyssonie (son père) .

   Sous le nom d'Hadewijch, la poétesse mystique flamande du XIIIe siècle, Céline, étudiante en théologie, est pensionnaire dans un couvent du Nord en attendant d'y prononcer ses vœux. Mais un comportement ascétique à l'excès, une souffrance intérieure proportionnée à la quête de Dieu auquel elle voue un amour éperdu, inquiètent la mère supérieure, qui prend la décision de la renvoyer chez elle afin que, ramenée à la réalité du monde extérieur, elle puisse rasséréner sa passion mystique. La jeune fille réintègre l'hôtel particulier de ses parents sur l'Île Saint-Louis à Paris. Elle se lie alors d'amitié avec Yassine, jeune Beur de banlieue rencontré au café, à qui elle confie sa vocation religieuse. Celui-ci la présente à son frère aîné Nassir, en tant que fervent Musulman animant un groupe de réflexion sur  l'Islam. Mais l'homme de Dieu parvient à la convaincre, notamment en l'emmenant au Liban pour lui mettre sous les yeux la réalité des horreurs subies par les minorités, que la vraie foi suppose l'engagement. À Paris elle trempe dans un attentat à la bombe, puis retourne au couvent plus que jamais reprise par sa quête mortifère, au point de tenter le suicide dans la rivière voisine. Elle est sauvée par un jeune repris de justice, David, qui travaillait au couvent où elle le croisait régulièrement. Céline s'abandonne alors entre les bras de l'homme tout interdit, comme ayant enfin trouvé son chemin.  

   Le film se présente d'emblée comme enchevêtrement de tensions appelant résolution. Céline se retire d'un monde dont les puissances émergent dans les disparités sociales et culturelles marquées par l'authenticité insigne des personnages, que reconstruit une rigoureuse direction d'acteurs, souvent non-professionnels : grands-bourgeois, religieuses, rebeux, taulards, terroristes. David est dans sa chair marqué par les stigmates de la pauvreté et de l'exclusion, Crucifié des temps modernes synthétisant la quête. Tandis que le son direct comme manifestation massive indéterminée, pure de musique parasitaire pendant les quatre-vingt-quatre premières minutes, présentifie l'inconnu extérieur. Céline assistant même à l'exécution d'une cantate de Bach dans une église, on peut se croire encore dans un monde sonore autosuffisant.
   Encore mal installée dans un corps pataud, 
en mal de métamorphose, l'héroïne est vouée à une conjonction décisive avec les possibles offerts. La quête désespérée de Dieu en est l'allégorie sans exclure l'échange, voire la confusion, entre profane et sacré. Dernière scène indécidable : Céline-Hadewijch rencontre-t-elle le Christ à travers David, ou bien le papillon émerge-t-il de sa chrysalide ? Le corps érotique n'était-il pas déjà un enjeu du trouble mystique, comme le laisse supposer Céline se couchant nue avec son chien ?  
   On assiste à de grands moments tels que, dans le somptueux hôtel particulier lambrissé dix-huitième siècle, Yassine, Beur zonard, à la table de grands bourgeois. Réciproquement, Céline est emportée par le même sur un scooter volé brûlant tous les feux-rouges. Ce genre d'antithèse sociale démesurée est approprié aux apories de la quête intérieure. Antithèse thématique, à laquelle le cinéma prête ici son pouvoir d'expression. 
   Car il y a un certain univers d'un côté et son expression par images-son de l'autre. Aussi talentueux que soit le filmage, ce qui arrive toujours quand on s'en tient à la représentation ne manque pas de se produire : la surenchère. De facture hétérogène, la séquence libanaise s'impose comme rupture du régime méditatif entraînant une déperdition, d'autant qu'elle joue sur le cliché de l'enfance innocente fauchée : les seules victimes visibles du bombardement sont des enfants pantelants portés en hâte. Une manifestation qui effraye Céline s'avère être l'enterrement d'un petit. Puis durant les vingt dernières minutes, manifestation sonore intempestive, surgit du néant une composition musicale auxiliaire annonçant lourdement un finale qui se voulait événement, forme du réel
qui ne saurait par essence s'annoncer d'aucune façon.
   Point de jeu dans les rouages donc. Lequel est nécessaire pour
démasquer le simulacre qui se prend au sérieux. La vérité n'est jamais dans les images mais dans le pouvoir critique de l'écriture qui les suscite. 7/04/14 Retour titres Sommaire

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Henri DUPARC
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Bal poussière Côte d'Ivoire 1988 91' ; R., Sc., Dial. H. Duparc ; M. Bacana Naiga ; Mont. Christine Aya ; Pr. H. Duparc/Focale 13 ; Int. Bakary Bamba (Demi-Dieu), Hanny Tchelley (Binta), Naki Sy Savané (Nya), Thérèse Taba (Fanta), Anne Kakou (Mariam), Odile Diarra (Alima).

   Demi-Dieu est un riche polygame planteur d'ananas qui voudrait ensemencer plus de nanas. Dès qu'il voit Binta, une jeune fille de la nouvelle génération, instruite et de mœurs libres, il se jure d'avoir une sixième épouse. La jeune effrontée tient à donner son accord, pour la forme, car le mariage est déjà conclu par les familles. Ce faisant, elle avoue à son fiancé, qui fait la sourde oreille, n'être point vierge. Pour avoir la paix avec les co-épouses, elle rougit de mercure au chrome le drap des noces. Demi-Dieu admet dans son lit ses femmes à tour de rôle en semaine et récompense la plus ardente le dimanche. Mais l'arrivée de la nouvelle crée des scissions entre les traditionalistes obéissantes, "les pagneuses", et les jeunes réfractaires : "les robeuses".
   Binta entend, elle, faire droit à son désir. Elle instaure un code à trois termes pour l'exprimer : belote, je passe et rebelote. Les robeuses épuisent leur seigneur et maître en lui préparant des potions aphrodisiaques, et s'autorisent des permutations nocturnes troublant l'ordre institué. Pire, les pagneuses sont influencées et la première épouse déclare à Demi-Dieu que si elle avait eu un métier elle l'aurait quitté. Pour comble, au bal dit "Poussière" parce qu'il se tient sur la place - non bitumée - du village, le polygame surprend sa dernière épouse fricotant avec un musicien. Peu après, Binta s'étant enfuie avec son amant, Demi-Dieu flappi et déçu déclare qu'il s'en tiendra désormais à cinq épouses. Mais une autre jeune fille se présente bientôt et il jure d'avoir une sixième épouse…

   Dans une ambiance bouffonne se multiplient les gags les plus loufoques : le coq au vin est préparé en gavant de vin un coq vivant que l'on secoue énergiquement. Ce qui fait un coq saoul, surnommé "coq gaulois". Un sexagénaire à l'ardeur émoussée mange des Bananes, parce qu'elles contiennent des vitamines B, qui font Bander. Ce qui cadre parfaitement avec les insolences salutaires comme la réponse de Binta à Demi-Dieu qui déclarait "Je te préfère vierge plutôt qu'instruite" : "Moi je me préfère instruite et pas vierge du tout, et avec mon diplôme, je pourrai gagner autant que toi ".
   Ainsi l'obscurantisme est-il dénoncé sur le mode de la réjouissance, voire de la jouissance et non du discours, toujours propre à tomber dans le dogmatisme et faire le lit d'un nouvel obscurantisme. 4/04/04
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Une couleur café Côte d'Ivoire 1997 105' ; R., Sc. Dial. H. Duparc ; Son J.-Louis Richet ; M. Jacob Devarieux ; Mont. Laurent Attia ; Pr. Focale 13 ; Int. Gabriel Zahon, M'Bembo, Jean-Marie Adiafi, Rachida Brakni.

   Garçon de salle d'hôpital se faisant passer pour médecin, "doc" revient à Montreuil de ses vacances africaines avec Kada, une seconde épouse que des faux-papiers présentent comme sa fille, la polygamie excluant la carte de séjour. Pour son "syndicat", c'est-à-dire sa maîtresse blanche Maria, il s'agit d'une nièce. Awa, la première épouse accepte Kada. Découvrant toutes deux ce que cache ce syndicat, elles se rebellent, Kada surtout en recevant dans ses bras le boucher arabe Peter. Comme elle tombe enceinte, doc doit répondre du chef d'inceste. Mais l'enfant est de Peter, qui vient en témoigner au procès avec Kada munie de son acte de naissance véritable. Doc a beau expliquer avec la meilleure foi du monde que c'était pour combler un vide juridique, il est expulsé de France pour usage de faux-papiers.

   La fable et l'humour savoureux émanant du choc des cultures dans le goût du Persan à Paris revisité par Rouch, sont au service de la dissipation du mirage occidental et de la mise en cause de valeurs dépassées.
   Sous l'apparente légèreté, qui n'est là que pour être rattrapée par des effets de réel, pointent les enjeux fondamentaux de l'Afrique du futur. 3/04/03
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François DUPEYRON
Liste auteurs

Drôle d'endroit pour une rencontre Fr. 1988 100' ; R. F. Dupeyron ; Sc. Dial. F. Dupeyron, Dominique Faysse ; Ph. Charlie Van Damme ; Pr. René Cleitman ; Int. Catherine Deneuve (France), Gérard Depardieu (Charles), Jean-Pierre Sentier (Pierrot), André Wilms (Georges), Nathalie Cardone (Sylvie).

   France est abandonnée par son mari sur un parking d'autoroute hivernal occupé par Charles, médecin loufoque qui a démonté son moteur et, la tutoyant, dit qu'elle sent la cocotte et doit déguerpir. Par manigance, il persuade un automobiliste de l'emmener de force. Certaine que son mari va revenir, elle tient bon. Peu à peu, Charles s'amadoue et lui propose de se réchauffer dans la voiture. Au petit matin, il a changé d'avis, déclare qu'elle lui plaît. Mais la police l'oblige à faire enlever sa voiture. Avec la voiture, le dépanneur les emmène jusqu'à la prochaine aire d'où France, ayant appris que son mari s'était attardé là, ne veut plus bouger. Charles s'accroche. Elle a un geste de tendresse mais se ravise en s'excusant, le prétendant adressé à son mari. Le soir elle couche avec un camionneur. Charles de son côté promet à une serveuse de la cafete de l'emmener au soleil. France continue à attendre puis le lendemain soir s'endort dans la voiture qu'entre-temps un des camionneurs a réparée par désœuvrement. Renonçant à sa serveuse, Charles l'emmène endormie vers le soleil.

   En tant que confrontation à huis-clos de deux personnages atypiques dans un décor laid, sans ressort dramatique où le plan-séquence s'étire, c'est un film courageux. Le mérite est grand de ne pas user des appâts du sexe mercantile et il fait montre d'une certaine liberté morale.
   Il compte néanmoins un peu trop sur le duo de stars (Deneuve : Galerie des Bobines, Depardieu : idem) pour compenser la sobriété de conception. Auréolés de prestige extrinsèque, sur lequel de surcroît la mise en scène s'appuie pour économiser l'effort de véridicité humaine, les personnages ne sont jamais crédibles.
   Le pari audacieux de tout faire reposer sur la fragile solidarité du destin de deux êtres aussi impossibles tombe donc à plat. 22/07/03
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Ewald-Andreas DUPONT
Liste auteurs

L'Évasion de Baruch (Das alter Gesetz) All. N&B  teinté Muet 1923 134'
Commentaire

Piccadilly GB N&B  teinté Muet 1929 108'
Commentaire

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Quentin DUPIEUX
Liste auteurs

Rubber Fr. (en angl.) 2010 82'
Commentaire

Wrong Fr. (en angl.) 2012 94'
Commentaire

Le Daim Fr. 2019 79'
Commentaire

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Marguerite DURAS
Liste auteurs

India Song Fr. 1975 115'
Commentaire

Les Enfants Fr. 1984 90' ; R. M. Duras ; Sc., Dial. M. Duras, Jean-Marc Turine, Jean Mascolo ; Ph. Bruno Nuytten ; M. Carlos d'Alessio ; Pr. Berthemont ; Int. Pierre Arditi (le journaliste), Axel Bougousslavki (Ernesto) Martine Chevalier (Nicole, sa sœur), André Dussolier (le directeur d'école), Daniel Gélin (Enrico, le père), Tatiana Moukhine (Tatasha, la mère).

   Ernesto paraît trente ans mais il en a sept. Il ne veut plus aller à l'école "pour apprendre ce qu'il ne sait pas". Il devient pourtant prof de math. rien qu'en ayant écouté les autres à la sortie du lycée puis de l'université.

   Beau texte satirique bien que louchant vers l'absurde beckettien, dont l'influence se devine dans la dégaine de clown d'Ernesto. Jeu distancié des acteurs, qui semble mettre Gélin mal à l'aise. Moukhine est incontestablement à son affaire. Le filmage ne fait que suivre, d'où l'effet de théâtre filmé, même s'il y a recherche dans le cadrage fixe du décor usant de jeux de miroir. 29/05/15 Retour titres Sommaire

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Julien DUVIVIER
Liste auteurs

La Bandera Fr. N&B 1935 100' ; R. J. Duvivier ; Sc., Dial. Julien Duvivier, Charles Spaak, d'après Pierre Mac-Orlan ; Ph. Jules Krüger, Marc Fossard ; M. Jean Wiener, Roland Manuel ; Pr. SNC ; Int. Jean Gabin (Pierre Gilieth), Annabella (Aïscha la Schlaoui), Robert Le Vigan (Fernando Lucas), Pierre Renoir (capitaine Weller), Margo Lion (Planche à Pain).

   Meurtrier d'un homme, Pierre Gilieth doit s'engager dans la Légion espagnole. Par le rituel profane de l'échange sanguin le légionnaire épouse la mauresque danseuse de cabaret Aïscha. Il la charge de connaître à n'importe quel prix les intentions de Fernando, un probable témoin du meurtre, qui s'est engagé dans le même régiment. Feignant de renoncer pour lui à Gilieth, elle apprend que c'est un mouchard, qui court après la prime offerte par les parents de la victime. Elle lui crache à la gueule devant son mari. Cependant les deux hommes se réconcilient sous le feu meurtrier d'une opération héroïque dont Gilieth ne reviendra pas. Fernando remet à Aïscha l'anneau d'or qu'elle avait offert à son bien-aimé.

   Le récit se veut un drame des passions dans un contexte réaliste de guerre coloniale. En réalité, en dépit de l'effort documentaire sur la vie des postes avancés, c'est un tissu de clichés tournant autour de l'exotisme colonial.
   Gabin (Galerie des Bobines) est, une fois de plus, le légionnaire exemplaire, sa femme lui voue une adoration d'esclave conformément au stéréotype de la femme indigène, et la réconciliation virile et amnésique des hommes sous les ordres d'un vaillant capitaine exalte un héroïsme  au service
supposé du bien sans que soit vraiment posée la question. À noter que tous les acteurs cabotinent à l'exception de Gabin dont le naturel, toutefois facilité par le sur-mesure du rôle, est de si bon aloi qu'on pourrait l'attribuer à la modernité de son jeu. 13/05/02 Retour titres Sommaire

Panique Fr. N&B 1946 100' ; R. J. Duvivier ; Ad. Charles Spaak, J. Duvivier, d'après Georges Simenon ; Dial. Charles Spaak ; Ph. Nicolas Hayer ; Son de Bretagne ; M. Jacques Ibert et Jean Wiener ; Pr. Filmsonor ; Int. Michel Simon (Mr Hire), Viviane Romance (Alice), Paul Bernard (Alfred), Lita Recio (Viviane), Lucas Gridoux (M. Fortin), Charles Dorat (l'inspecteur Michelet).

   De retour de prison, Alice retrouve à Villejuif son amant de cœur Alfred qui lui avoue être l'assassin d'une femme dont le cadavre vient d'être découvert par des forains. Elle cache le sac à main de la défunte chez M. Hire, voisin marginal et mystérieux en butte à l'hostilité de l'entourage et qui, amoureux d'elle, l'a mise en garde contre son homme. L'objet compromettant découvert, Hire fuyant la vindicte de la tourbe fait une chute mortelle du toit où il est acculé. On découvre sur son cadavre la preuve photographique formelle de la culpabilité d'Alfred. Moralité : le mal est dans le conformisme populaire, et pour l'avoir compris trop tard la belle Alice n'est plus que proie du remord.

   Admirable réalisation au point de vue technique rehaussée d'un peu trop bonnes intentions esthétiques. L'occulte, le bizarre, les distorsions sonores chargent faussement Hire pour mieux ensuite caractériser un consensus populaire qui n'est pas sans rappeler celui de la récente Collaboration.
   L'urbanisme de décor, excentré et composite, à la fois rural, industriel et mi-faubourien à sous-prolétariat petit-bourgeois évoque bien la frustration sociale, source des violences les plus vachardes.
   Les vitres éclairées de l'intérieur à la nuit tombante sont autant de regards malveillants. Les éclairages contrastés entrelacent des ombres compliquées dans un décor intérieur déjà labyrinthique à trois dimensions. Éclairages en gros plan sur Alice trop bien léchés en revanche pour un réalisme social qui se passerait de stars. Excès encore dans les reflets tournoyants de la foire projetés au plafond de la chambre de Hire.
   L'intrigue est, du reste, contrepointée par l'ambiance de la foire installée en parallèle. Sa musique de bastringue est judicieusement modulée selon le besoin comme on le ferait "en fosse", soit filtrée et lancinante, soit cacophonique, soit dissonante. Le corps de Hire emporté sur une civière s'accompagne de timbres musicaux d'un grotesque funèbre. Le miaulement des ondes Martenot de soutien est parfaitement congruent. S'y ajoutent divers bruitages comme celui, rythmé, des masses sur les piquets forains, le sifflement et le fracas du train au moment propice, ou bien, quand Hire se dédouble en astrologue hypnotiseur sous le nom du docteur Varga, par un grincement de scie électrique dans le décor parisi
en. La torsion brutale de la prise qui fait Alfred lâcher le couteau est ainsi dramatisé par le son.
   Des effets de miroirs provoquent des anomalies  : Alice assise face-caméra dans sa chambre se reflète de face dans le miroir au mur derrière elle, en même temps qu'Alfred qui nous tourne le dos. Des plongées déformantes rapprochées sur la foule houleuse imposent une géométrie de la terreur. Le cadrage penché ou à hauteur de plancher participe de cette vision ciné-tératologique. Et le chat noir dans l'escalier hypercontrasté de Hire ne nous est pas épargné.
   Bref, et bien que pour une fois le pittoresque de Michel Simon (Galerie des Bobines) soit entièrement gommé, ce trop-plein esthétique est soûlant. 1/05/02
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Voici le temps des assassins Fr. 1956 N&B 113' ; R. J. Duvivier ; Sc. J. Duvivier, Charles Dorat, Maurice Bessy ; Dial. Charles Dorat, J. Duvivier, Pierre Abréal ; Ph. Amand Thirard ; M. Jean Wiener ; Pr. CICC-Société nouvelle Pathé Cinéma-Films Agiman ; Int. Jean Gabin (André Chatelin), Danièle Delorme (Catherine), Lucienne Bogaert (Gabrielle), Gérard Blain (Gérard Delacroix), Germaine Kerjean (la mère d'André), Gabrielle Fontan (Mme Jules, la gouvernante d'André).

   Le maître-queux André Chatelin (Gabin : Galerie des Bobines), la cinquantaine, reçoit dans son restaurant réputé des Halles la visite d'une jeune fille débarquée de province, qui lui annonce la mort de son ex-femme, Gabrielle, dont elle est la fille. Séduit par l'ingénuité de Catherine et sa ressemblance avec sa mère, il l'héberge et bientôt lui donne du travail. Cependant celle-ci s'avère jouer double jeu. Elle s'emploie à brouiller le quinquagénaire avec son protégé Gérard, étudiant en médecine exemplaire qui refuse toute aide financière, préférant la nuit travailler aux Halles. Mais aussi elle se rend régulièrement dans un hôtel borgne où loge sa mère toujours de ce monde mais ruine humaine toxicomane.
   Ancienne maquerelle, Gabrielle aspire à devenir la belle-mère "posthume" de son ancien époux. Le mariage advient mais la vérité finit par éclater. Catherine est confiée en représailles à la mère Chatelin qui tient une guinguette au bord de l'eau et sait manier le fouet. Sous l'influence de sa mère, Catherine imagine d'anesthésier André pour le noyer au volant de sa voiture. Elle téléphone en cachette à Gérard qui, étant épris, ne demande qu'à lui venir en aide. L'ayant rejointe à bord d'une voiture d'emprunt en compagnie de son chien il comprend enfin sa noirceur d'âme. Catherine du coup lui applique le régime réservé au mari. Chatelin arrive au moment où l'on tire de la rivière l'épave enfermant le
cadavre. Il recueille le chien, qui a pu sauter à temps. Pris de soupçons, il entraîne Catherine pour une confrontation jusqu'à l'hôtel de sa mère où, toujours à leurs côtés, le chien venge son maître en la tuant.

   Né sous le Second Empire, le naturalisme à la base de l'intrigue fut un mouvement littéraire qui tenait lieu de sociologie avant l'arrivée sur la scène scientifique d'Henri Durkheim. Il s'assortit ici de cet admirable réalisme de la vie quotidienne d'un restaurant au cœur des Halles de Paris ou bien d'une guinguette de banlieue, et permet de concentrer l'intérêt dramatique sur la duplicité de Catherine, dont le physique touchant de jeune fille sensible et bien élevée contraste radicalement avec sa meurtrière vénalité.
   La mise à mort de l'innocent a lieu dans l'obscurité sur un sinistre chemin de halage auprès d'un calvaire de pierre, parfait décor gorgé d'un potentiel
dramatique à la mesure de l'air saturé de froids effluves humides. Avec une telle qualité de la photo, de l'éclairage, du cadrage, des mouvements d'appareil et du jeu des acteurs, on peut s'attendre au chef-d'œuvre.
   Au contraire, tout l'effort esthétique semble gratuit relativement à une intention fondamentale qui appartient à des préoccupations dépassées. C'est un roman du siècle de Zola transposé à une époque ayant encore quantité de blessures à panser et de ressources à mobiliser pour un futur qui ne peut désormais se concevoir qu'à la lumière des tragédies du siècle.
   On peut se demander si les modèles littéraires du passé n'ont pas été le vivier de tous ces grands réalisateurs français ou apparentés d'après-guerre qui, ne voulant point renoncer à leur torpeur (Autant-Lara, Carné, Cayatte, Clément, Christian-Jaque, Delannoy, Le Chanois, voire Max Ophuls, mais là je vais me faire lyncher), provoquèrent l'explosion réactionnelle de la Nouvelle Vague. 16/05/04
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Allan DWAN
Liste auteurs

La Naissance d'un empire (Tide of Empire) USA Muet 1929 80' ; R. A. Dwan ; Sc. W. Young ; Ph. M. Gerstad ; Int. Renée Adorée (Josephita Guerrero), George Duryea (Dermod D'Arcy), George Fawcett (don José Guerrero), William Collier Jr (Romauldo Guerrero), Fred Kohler (Cannon).

   1848 en Californie. La Ruée vers l'or bouleverse le contexte géographique, économique et social de la région encore sous domination espagnole. Riches propriétaires terriens, les Guerrero, à la suite d'un pari, perdent leurs biens au profit de deux aventuriers américains. Ému par la beauté de Josephita, la fille, Dermod d'Arcy à qui revient le ranch le lui rétrocède sans contrepartie. Mais il est trop tard, son père meurt de chagrin, et son frère a rejoint par dépit une bande de hors-la-loi. Ces derniers sont capturés dans une razzia et condamnés à la pendaison. Blessé, le jeune Guerrero est recueilli par Dermod qui le remet à sa sœur. Mais les citoyens viennent le prendre pour exécuter la sentence. Dermod l'aide à s'évader, puis rejoint Josephita qui manifeste partager ses sentiments.

   Un souffle de liberté bouscule les conventions. Le ton jovial, voire burlesque, n'exclut pas l'émotion tragique. Très moderne et pleine de vigueur, la caméra passe avec justesse des plans généraux aux gros plans en variant les angles de façon expressive et jamais gratuite.
   La vision de la Ruée est sans concession : les Américains ne seraient pas à leur avantage si le héros, dernier avatar du cow-boy blanc, ne sauvait la face. Mais c'est au nom de l'amour, qu'incarne si bien Renée Adorée la bien nommée. Un film aussi bien ficelé qui ne se prend pas au sérieux, c'est aussi rare que délectable. 19/08/02
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Efim DZIGAN
Liste auteurs

Les Marins de Cronstadt (My iz Kronchtadt/Nous de Cronstadt) URSS VO N&B 1936 90'
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