CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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David CRONENBERG
Liste auteurs

Dead Zone Can. VO 1983 103' ; R. D. Cronenberg ; Sc. Jeffrey Boam, d'après Stephen King ; Ph. Mark Irwin ; M. Michael Kamen ; Pr. Dino de Laurentis ; Int. Christopher Walken (Johnny Smith), Martin Sheen (Greg Stillson), Brooke Adams (Sarah), Herbert Lom (Dr Weizak). 

   À la suite d'un accident de voiture, Johnny (Christopher Walken, Galerie des Bobines), professeur de littérature, se réveillant après cinq ans de coma, se découvre un don de voyance, mais sa fiancée Sarah en a épousé un autre. "Zone morte" signifie que ce dont le voyant a la prémonition se situe dans une zone morte du temps, qui peut être modifiée si on en prévient la cause dans le présent. 
À la demande du shérif du canton il identifie, grâce à ses dons, un féminicide en série, qui n'est autre que Dodds, l'adjoint du shérif. 
   Afin d'empêcher la carrière politique de Greg Stillson, futur destructeur
, d'après les visions, de la moitié de la planète une fois élu président de la république, il tente de l'abattre à la carabine lors d'un meeting auquel assiste Sarah et son époux. L'homme politique prend l'enfant de Sarah pour se protéger. Atteint mortellement par les balles du garde du corps, avant de mourir Johnny a la vision prémonitoire du suicide de Stillson dont la carrière est brisée par son geste publique. Il meurt apaisé dans les bras de Sarah en lui disant qu'il l'aime.    

   Belle réussite au niveau du costume, du décor et surtout du détournement tropique.
   Certaines naïvetés comme la sonorisation éruptive des visions pour impressionner, le filtre vert, le temps orageux mêlé au commentaire symphonique, l'agitation brouillonne de la séquence de guerre ou l'épisode du président pressant le bouton rouge, voire la thématique kingienne,
contrastent avec les métamorphoses d'écriture. Des contre-plongées gigantisent le héros comme un Atlante (Christopher Walken) qu'écrase un plafond blanc mouluré. Sur son lit d'hôpital la tête bandée de créature de Frankenstein paraît greffée, par l'effet des plissements transversaux du cou.
Johnny observe le mouvement d'automate de ses mains. Affligé de l'impossible claudication du monstre il s'appuie à grands pas sur une espèce de bâton de prophète... Mot que prononce par deux fois le petit élève de cours particulier, auquel il sauve la vie grâce à la prémonition. Le protagoniste ressemble en outre à un sorcier indien - entouré de plantes vertes - dans sa robe de chambre rayée comme un poncho et coiffé d'un bandeau relié par deux tiges latérales à un plastron métallique (fantaisie technico-médicale typiquement cronenbergienne). Et tout autant à un mage mythique par le haut col relevé du caban. Johnny ne cesse ne se transformer physiquement. Au début rabattue sur le front, sa coiffure est de plus en plus haute. Aux montagnes russes, les cheveux se dressent, dans l'ambiguïté de l'effet du souffle de la vitesse et de la terreur éprouvée par la prémonition. Au total, composite figure mythologique au sourire de sphynx.
   La chambre comporte deux renfoncements symétriques en plein cintre dans le style religieux. La clinique en plan de grand ensemble évoque le tombeau monumental. 
Sarah en larmes dans sa voiture fermée est prise de l'extérieur comme dans un tombeau vitré.
   La couleur blanche domine avec la neige, les barrières, les maisons même, blancheur funèbre : effet de squelette des superstructures des montagnes russes et des assemblages de lattes ou de barreaux, de rambardes de bois blanc. Les
montants symétriques en briques du portail de la clinique sont surmontés de deux globes pareils à des têtes de mort. À distance, on croit lire sur la plaque à droite le mot WIZARD (sorcier) jusqu'à ce que le travelling avant dévoile WEISAK CLINIC. Les feux de bois dans les cheminées de la clinique confirment l'ambiance anachronique.
  En extérieur nuit, arrière-plans inquiétants d'arbres géants squelettiques et fausse pleine lune (globe de lampadaire ?). Maison de Johnny vaguement gothique, la porte d'entrée flanquée de deux croix vertes, réminiscence de tombeau. Nombreux entablements à mutules dans le goût funéraire...
 Maison de Dodds, le criminel, de style très ancien. Complice, la mère vampirique ouvrant une gueule de monstre prêt à mordre, avant d'être abattue par le shérif. La clé de voûte du kiosque, de style gothique également, lieu d'un assassinat, arachnéenne. Éclairées de l'autre bout par les phares de la voiture de police, les lignes rayonnantes de l'appareil intérieur en maçonnerie du tunnel en profondeur de champ, forment par effet quadratique la toile d'un monstre arachnéen à deux yeux.
   Superbe accident du camion où Johnny va s'emboutir. La citerne couchée glisse par le travers dans le sens de la route fortement vallonnée. Tous feux allumés bien que dételée, elle émerge lentement du sommet de la côte comme surgie de l'horizon, environnée de fumées s'échappant à gauche et parcourue de gauche à droite d'ombres mouvantes comme des caténaires successifs sur un train en marche. La science-fiction se combine au fantastique
   Bien que surcommentée musicalement, belle sonorisation : de la neige écrasée sous la canne ou des effets de sirène dans le tunnel des montagnes russes. 
   
Ce qui n'empêche l'humour, notamment celui de la séance de rééducation où Johnny est entraîné par un sportif sautillant avec impatience. La variation de registre évite de censurer ceci, que c'est la fiction qui donne crédibilité au film et non la prétention naturaliste.

   La mort conclut en apaisement du calvaire d'un mort vivant.
   Conclusion : film massivement conventionnel mais fort instructif par le travail symbolique
(2). 23/10/99 
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