CINÉMATOGRAPHE 

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Marcel CARNÉ
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Les Visiteurs du soir Fr. 1942, 121' ; R. M. Carné ; Sc. Jacques Prévert et Pierre Laroche ; Ph. Robert Hubert ; Déc. Georges Wakhevitch ; M. Maurice Thiriet et Joseph Kosma ; Pr. Discina/André Paulvé ; Int. Arletty (Dominique), Alain Cuny (Gilles), Marie Déa (Anne), Marcel Herrand (Renaud), Jules Berry (le diable), Fernand Ledoux (le baron Hughes), Roger Blin (le montreur de monstres), Gabriel Gabrio (le bourreau), Roland Piéral (un nain).

   Sous l'apparence de ménestrels, Gilles et Dominique sont envoyés par le diable pour répandre des désordres sur terre. Ils sont admis comme tels au château du baron Hughes, où l'on célèbre les fiançailles d'Anne, sa fille, avec le chevalier Renaud. Par des sortilèges, Gilles séduit la fiancée tandis que vêtue en femme, prétendue sœur de Gilles dont elle est en fait la maîtresse, Dominique séduit successivement le promis et le baron. Cependant, Gilles tombant vraiment amoureux d'Anne, sur un coup de tonnerre survient le diable sous la forme d'un voyageur en quête d'hospitalité.
   Tout change alors : Gilles surpris dans la chambre d'Anne est enchaîné et fouetté. Le baron tue son futur gendre en duel. Il est entraîné en enfer par Dominique, à laquelle il ne peut résister. Mentant pour la bonne cause, Anne promet au diable d'être à lui s'il libère Gilles, ce qu'il fait en effaçant ses souvenirs. Pourtant, les mots et gestes de leur première rencontre lui venant spontanément au même endroit, l'amnésique reconnaît Anne à la fontaine. Alors qu'ils sont enlacés debout, le diable les change en pierre, mais il est vaincu : leur cœur unique continue de battre.

   On a dit que c'était une allégorie de la Résistance.
Pourrait l'être, à ce compte-là, tout récit, et ils sont légion, où l'amour met en échec d'invincibles forces antagonistes. Rien en effet ne vient suggérer la réalité d'un projet politique alors que les pouvoirs de l'image filmique en matière de sens latent sont considérables. Si cette intention est véritable alors la réalisation manque de courage, ou de talent.
   La fadeur et la platitude du film me semblent témoigner d'une impuissance, tragique de s'évertuer à l'effort dans l'insignifiance.
   Déréalisés par une tendance à la surexposition, les décors relèvent du dépouillement et du carton-pâte de l'illusion théâtrale. Décidément, mis à part Les Portes de la nuit, la collaboration de Carné avec Trauner (ici conseiller anonyme) aura été un échec, que les décors soient trop léchés (Drôle de drame, Le Quai des brumes, Hôtel du Nord ou Le Jour se lève)
ou comme ici, indigents. Empoissée de rescousses musicales entrecoupées de hennissements réalistes, la bande-son ne fait guère mieux.
   Le ton des dialogues semble confondre poésie avec mièvrerie, et le cabotin de service se prend vraiment pour le diable, affectant des poses et gesticulant, au point que si c'était intentionnel cela ferait une composition intéressante.
   Le meilleur est dans le cynisme d'Arletty (Galerie des Bobines), qui va si bien avec l'épisode où elle exige de Renaud pour leurs ébats le lit nuptial, dont un nain ouvre les draps, ce qui ne saurait pourtant suffire à sauver le film.
   Et les nains, suppôts du diable si monstrueux que le visage en est dissimulé au spectateur, ne font plus guère peur aujourd'hui
. 28/04/11
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