CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Luigi COMENCINI
Liste auteurs

La Grande Pagaille (Tutti a Casa) It. VO 1960 105' ; R. L. Comencini ; Sc. L. Comencini, Marcello Fondato, Age, Scarpelli, d'après les deux derniers ; Déc. Carlo Egidi, Riccardo Domenici ; Cost. Ugo Pericoli ; Ph. Carlo Carlini ; Mont. Nono Baragli ; M. Francesco Angelo Lavagnino ; Pr. Dino De Laurentis ; Int. Alberto Sordi (le sous-lieutenant Innocenzi), Eduardo de Filippo (le père d'Innocenzi), Serge Reggiani (le soldat Ceccarelli), Martin Balsam (le sergent Fornaciari), Carla Cravina (Silvia Modena), Didi Perrego (Caterina Brisigoni).

   Censurée par le titre français, l'ironie du titre original
Tous à la maison, tient à ce que les soldats italiens débandés ne rencontrent que les pires ennuis lors du retour au foyer, et qu'à la fin, pas une maison ne reste debout. Ce n'est qu'un indice de ce qui fait la force du film : facture néo-réaliste et tonalité picaresque mêlée de tragique et de bouffon.

   Septembre 1943, dans une ambiance de caserne désœuvrée du littoral, des soldats au bain de mer sont mollement réprimandés par un sous-off bon enfant. Dans le dortoir on chahute aux accents de la radio. À l'exercice, la section du fringant sous-lieutenant Innocenzi chante au pas avec le plus grand sérieux "Maman à la maison je reviens". Puis tout se met à basculer. L'armistice est annoncé à la radio. Explosion de joie, mais Allemands et Fascistes entendent le faire payer cher. La section d'Innocenzi prise sous le feu, ne trouve plus de port d'attache. Les soldats abandonnent comiquement leur chef dans un tunnel ferroviaire. Il se retrouve seul en compagnie du permissionnaire Ceccarelli (Reggiani : Galerie des Bobines) avec son ulcère à l'estomac et son paquet de victuailles destinées à la femme du commandant (auxquelles seront substitués des pierres, polissonnerie qui se retourne contre eux le jour où ils allèchent des Fascistes pour monnayer leur liberté). Dans une ferme, avec d'autres militaires en déroute, on leur donne des vêtements civils pour éviter la déportation en Allemagne.
   Le nouveau groupe prend la route du sud où chacun doit retrouver son foyer avec les déboires que l'on sait. L'un d'eux meurt d'avoir voulu protéger une jeune juive finalement arrêtée. L'autre à son retour couvre de baisers sa femme. Il est arrêté en chemise de nuit car l'épouse cachait un prisonnier américain.
   Innocenzi n'ayant trouvé pour consolation chez son père que l'enrôlement fasciste s'enfuit avec Ceccarelli jusqu'à Naples où ce dernier réside. Incorporés dans l'organisation Todt, ils tombent en plein sur la révolte du 8 septembre 1945. Debout dans une décapotable, des officiers allemands au visage maculé de poussière et de suie dévoilent en enlevant leurs lunettes de route un masque tragi-comique. Un groupe affecté
aux travaux forcés de déblaiement s'égaye en portant comiquement en grand nombre derrière un mur une grande poutre de métal tordue que trois hommes pourraient soulever.
   Mais Ceccarelli meurt dans les bras d'Innocenzi, à quelques pas de sa maison sans l'avoir revue. Le lieutenant, qui s'est montré lâche et opportuniste pendant tout le périple, va aider les insurgés. Il est beaucoup moins fringant maintenant. Tout se déroule de façon implacable comme un "rouleau compresseur" (Voir aussi à ce sujet
L'Incompris).

   L'enchaînement romanesque que devrait favoriser le burlesque est constamment rongé par le tragique de guerre. Cadré obliquement en plongée, Ceccarelli abattu semble étiré sur toute la diagonale descendante. Les fugitifs, dont Innocenzi, l'observent (même position du corps mais en plan d'ensemble) du haut du clocher où ils se cachent. La cloche silencieuse les surplombant en amorce anticipe le glas. Le lieutenant descendu au péril de sa vie cale sur ses genoux le blessé qui se plaint de ne plus sentir ses jambes, rejetées hors-champ...
   Le dernier plan accompagné d'une musique d'espoir discrète comme l'est toute la composition, est un plan général en plongée de la ville en ruines où l'on peut voir les insurgés dominer la situation. La distance est aussi une forme d'espoir. On n'est pas collé à la désolation. Tout peut être reconstruit. La poésie a heureusement pris le pas sur l'intention documentaire affichée. 18/08/00 
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