CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE



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René CLÉMENT
Liste auteurs

Plein soleil Fr. 1959 120' ; R. R. Clément ; Sc. Paul Gegauff ; M. Nino Rota ; Ph. Henri Decae ; Int. Alain Delon (Tom Ripley), Marie Laforêt (Marge), Maurice Ronet (Philippe Greenleaf), Elvire Popesco (Mme Popova), Romy Schneider (petite apparition au début prononçant simplement "viens ! viens !"). 

   Tom, jeune homme sans fortune, est chargé de ramener le riche Philippe Greenleaf aux États-Unis chez son père, moyennant un cachet de cinq milles dollars. Il l'assassine lors d'une croisière en méditerranée sur son luxueux voilier, jette le corps à la mer, et imitant sa signature, vide son compte en banque. Son alibi repose sur la fable d'un Philippe disparu pour changer de vie. À l'intention de Marge, la maîtresse du défunt et de la police, il fabrique des indices : imitation vocale, utilisation de la machine à écrire du défunt, falsification du passeport, passage ostensible dans un hôtel puis location d'un appartement en usurpant son identité. Au vrai, il convoite Marge. En rédigeant au nom de Philippe un testament en sa faveur (alibi) puis prétendant que celui-ci l'a oubliée pour la convaincre d'être à lui, il fait coup double en s'emparant de la maîtresse et de l'argent. Cette violence est largement motivée par les humiliations qu'essuie le bouffon de Philippe. De même qu'en mer le jeune couple ne cesse de flirter sous ses yeux.

   Nul manichéisme pourtant : Philippe sait que Tom convoite son argent, et le personnage de Tom est assez antipathique par lui-même. Mais paradoxalement Philippe semble séduit par Tom. Alors que Marge souhaitait le débarquer pour rester seule avec son amant, c'est elle finalement qui doit céder la place.
   À remarquer que, lorsque du pont où il est relégué, il espionne Marge à l'intérieur, reprochant à Philippe sa dureté, le roulis provoque un frottement qui ressemble à un souffle oppressé. Dans le même genre d'effet symbolique
(1), Tom observant hors champ le fric que ramasse Philippe, semble s'humecter une bouche altérée au rythme indiqué par ses propres yeux du passage des billets.
   L'intérêt dramatique tient à ce que Tom semble penser à tout, et trouve même plus d'une fois
in extremis la parade, alors qu'au moment où il croit avoir réussi, le cadavre accroché à l'hélice du bateau est découvert.
   Faux raccord ici, le paquet macabre au bout du filin étant censé être ramené à la suite du bateau qui, hors champ, est déjà sur cales. Film composé comme une fugue que la coda démentirait. Delon, qui avait gardé encore, à vingt-quatre ans, son naturel de petite frappe des faubourgs (Galerie des Bobines), se tient à sa place, de même que Ronet malgré le cynisme ordinaire, voire Popesco qui est pourtant un personnage. Laforêt est parfaite dans son rôle ambigu de naïve qui ment à Philippe ou cède volontiers aux raisons de Tom.
   L'effet tragique ne tient pas tant au couteau mortel, d'autant plus sobrement traité qu'il passe comme l'éclair, qu'au coup de tabac soudain que le meurtrier doit affronter en novice de la mer tout en ficelant le macchabée à engloutir. Les craquements du bateau et la rumeur des éléments sont la figure sonore du malheur qui s'empare dès lors du héros. Le papillon aimanté par l'or solaire de la riviera, aura les ailes définitivement brûlées après l'insolation vraie qui entama ses épaules.
   On peut admirer en définitive, à côté de la précision de la narration, la plastique de l'image due à la photo de Henri Decae sur Eastmancolor (bleus cobalt de la mer), la discrétion et le caractère approprié de la musique de Nino Rota. C'est donc un policier de luxe, peaufiné en vue de l'effet immédiat et rien de plus. "Il n'est pas exagéré de dire que je donnerais sans hésiter la plupart des films d'Alfred Hitchcock en échange du film de René Clément" écrivait Michel Azzopardi dans le
Guide des films.
   Il est assez malhonnête de ne pas dire lesquels, de feindre ignorer qu'une production est toujours inégale, et que Clément a aussi commis des erreurs graves. En tout état de cause, cet auteur est très loin de la puissance créative et de la liberté d'Hitchcock. Lequel pastiche l'autre lorsqu'on demande au téléphone le faux Philippe dans le hall de l'hôtel, où justement sont présents les amis de Philippe, scène comparable à celle de
La Mort aux trousses sorti en salle la même année ? 4/06/00 
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