CINÉMATOGRAPHE 

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Efim DZIGAN
Liste auteurs

Les Marins de Cronstadt (My iz Kronchtadt (Nous de Cronstadt)) URSS VO N&B 1936 90' ; R. E. Dzigan ; Sc. Vsevolod Vischnevki ; Ph. Naum Naumov-Straz ; M. Nicolas Kriuhov ; Pr. Mosfilm ; Int. Vassili Zaïtchikov (Martynov), Gregori Boutchouev (Artiom Balachov), Vassili Bourmistrov N. Ivakine (Vassili Bourmistrov) O. Jakov (Le commandant Jan Draoudine), R. Essipova (Ekaterina Taïman).

   En 1919, les matelots de la forteresse de Cronstadt sont chargés de défendre Petrograd contre les Blancs avec l'appui de l'infanterie (ce qui explique le titre original). Le matelot Balachov, une forte tête, a juré de se venger du fantassin
Bourmistrov, qui venait de le rosser pour avoir importuné une femme sur les quais, Ekaterina.
   Malgré les réticences des autres matelots,
, le commissaire du Parti, Martynov, accepte d'accueillir Balachov, qui en est tout surpris, dans le détachement des hommes de confiance qu'il organise pour défendre Petrograd. Ayant succombé sous le déferlement de la Garde blanche ils sont faits prisonniers. Les Blancs voudraient châtier les communistes, mais tous se déclarent communistes par solidarité. Ils sont précipités d'une falaise à la mer lestés d'une pierre au cou. Balachov, de son couteau, parvient à se détacher et à émerger indemne.
   Il retrouve Ekaterina réfugiée dans une maison avec les enfants dont elle a la charge pendant les hostilités. Elle lui prête des vêtements de femme. Ainsi déguisé, il saute sous une pluie de balles dans une barque pour chercher des renforts à la rescousse de l'infanterie isolée dans un poste avancé. Entre-temps, Ekaterina, qui n'est autre que l'épouse du commandant du détachement, est forcée par les Blancs à tendre un piège aux fantassins. Passant outre, elle manque périr. Au moment où les fantassins vont être défaits, les renforts de la marine arrivent. Acculés sur la falaise, les Blancs subissent le même sort que le groupe Martynov.
   Balachov et Bourmistrov se
réconcilient. Balachov de retour à Cronstadt exhorte les rouges à persévérer. Le film s'achève sur une légère contre-plongée rapprochée de Balachov cadré aux épaules. L'expression farouche du visage exprime la détermination et la conscience du bon droit des Rouges.

   Par une étonnante dissociation, se développe une naïve propagande sans trop de concessions esthétiques. Ce qui se traduit par une certaine liberté, très sensible dans le caractère imprévisible du déroulement des actions, auquel contribue admirablement une bande son apte à rendre l'étrangeté insoupçonnée du naturel.
   Chaque instant est alors unique de ce qu'il ne présage aucun futur. La composition joue adroitement sur plusieurs niveaux de plans dans la profondeur, ce qui permet, tout en filmant une grande scène de bataille, de narrer au premier plan une situation plus
intimiste.
   Le cadrage use des ressources du hors champ pour donner plus de puissance à l'image. À l'embarquement pour l'offensive, la masse lancée sur la ligne de fuite en profondeur de champ surgit de deux sources symétriques par les bords
latéraux.
   Le montage, en intégrant des plans généraux de scènes terrestres et
navales sonorisées avec soin, en respectant la distance et la réverbération, rend sensible avec la nature de l'espace du conflit la puissance de son enjeu. Les lointains permettent aussi de confondre à contre-jour les silhouettes. Ainsi les matelots à l'exercice semblent commandés par le bras tendu d'une statue. Humour ou réalisme socialiste ?
   La pensée d'un personnage peut s'exprimer par un événement prenant valeur métaphorique (ce qui est beaucoup plus artistique(1) que les montages parallèles métaphorique d'un Eisenstein) : Martynov sachant qu'il va mourir contemple, préfiguration de l'iminent destin, l'envol des oiseaux sur la falaise.
   Cette poésie surtout repose largement sur la qualité du rythme, les plans prenant leur temps pour laisser en eux s'écouler la durée appropriée à l'action. 30/08/03 
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