CINÉMATOGRAPHE 

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Ken LOACH
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Just a Kiss GB VO 2004 104' ; R. K. Loach ; Sc. Paul Laverty ; Ph. Barry Ackroyd ; Mont. Jonathan Morris ; M. George Fenton ; Pr. Rebecca O'Brien ; Int. Atta Yaqub (Casim Khan), Eva Birthistle (Roisin Hanlon), Ahmad Riaz (Tariq Khan, le père de Casim), Shamshad Akhtar (Sadia Khan, sa mère) Shabana Akhtar (Tahara Khan, sa sœur cadette), Ghizala Avan (Rukhsana, sa sœur aînée).

   À Glasgow, Casim Khan, DJ dans une discothèque, musulman issu de l’immigration pakistanaise et promis par sa famille à une cousine, et Roisin Hanlon, catholique irlandaise divorcée, professeur de musique dans un lycée catholique, s’enflamment l’un pour l’autre. D’où catastrophes en chaîne : le scandale éclaboussant la famille Khan, Rukhsana, la sœur aînée de Casim perd son fiancé. Quant à Roisin, elle est mutée sur le champ dans un établissement laïc. Casim ayant dissimulé son mariage arrangé, le couple se disloque, pour se remettre quand il l'annule. Cependant les parents ayant éludé l’annulation, la cousine arrive du Pakistan. Rukhsana tente en vain de convaincre Roisin de renoncer à son frère en lui montrant de loin sa famille qui a construit une maison attenante à la leur pour les nouveaux mariés. Finalement Casim parvient à s’arracher à ce lien qui fait passer l’intérêt de la communauté familiale avant la liberté individuelle. Le couple transculturel a gagné et avec lui, Tahara Khan, la sœur cadette, proche de Roisin, son professeur de lycée, et qui passe outre l’interdiction du père de faire ses études à Édimbourg.

  À prendre cela pour un plaidoyer, dans cette douloureuse collision des cultures, le racisme et la xénophobie sont certes dûment documentés et dénoncés. Mais la mise en balance de l’oppression familiale de tradition pakistanaise avec l’intolérance du catholicisme institutionnel écossais ne parvient pas à nous convaincre d’une réelle impartialité. C’est par trop simplifier une question complexe. Car la religion en Occident n’a plus depuis longtemps le rôle structurant qu’elle conserve en Orient. On ne peut opposer deux principes aussi inégaux.
  Mais ce qui mérite vraiment de s’opposer à la tradition d’obédience islamique, n’est pas davantage la liberté individuelle comme le voudrait le film. Une liberté qui, ne reposant sur aucune doctrine, pas même sur une éthique humaniste, se trouve en butte à des forces qui la dépassent comme la compétition sociale, la dérégulation économique, la loi du profit et la guerre subséquente.*
  Les véritables enjeux sont si bien escamotés au profit de la passion de la liberté individuelle, que la famille meurtrie est évacuée du film afin de nous laisser jouir du spectacle du couple savourant son bonheur. Le choix de la fluidité esthétique et de la transparence discursive au service de la défense des idées reste donc prisonnier des débats dominants. Alors qu’il eût fallu, afin de sortir du manichéisme sous-jacent, une véritable écriture, qui déconstruise les oppositions sophistiques de la discussion.
  Mieux vaut donc le prendre pour la fable romantique qu’il est, où l’amour s’exalte de surmonter l’insoluble différend. 04/02/24
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* Sur cette question, voir Emmanuel Todd, La Défaite de l'Occident, Gallimard, 2024. Retour