CINÉMATOGRAPHE 

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Leo MCCAREY
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Wrong Again USA Muet N&B 1928 20' ; R. L. McCarey ; Ph. George Stevens, Jack Roach ; Pr. Hal Roach ; Int. Stan Laurel, Oliver Hardy.

   Les palefreniers les plus bêtes du monde hippique ayant ouï dire que Blue Boy avait été volé, constatent que le pur-sang est toujours dans son box. Ils le mènent chez son maître milliardaire pour toucher la récompense. Entre-temps, on a retrouvé "Blue Boy", un tableau ancien. En tenue légère dans sa salle de bain, le milliardaire lance sa clé par sa fenêtre à Oliver pour introduire Blue Boy dans le salon, de façon à en faire la surprise à Maman. Les deux amis s'exécutent car il est bien connu que les milliardaires font toujours les choses à l'inverse de tout le monde : celui-ci ne prend-il pas son bain un lundi ?
   Oliver n'a pas manqué, cependant, de briser une statue du salon en trois morceaux. Il la remonte fesses devant, trompé par la pudeur qui l'a conduit à voiler de sa veste le médian tronçon durant l'opération. Le derrière placé devant trouble Stan mais confirme la loufoquerie des milliardaires. Il ne s'étonne donc pas que
, voyant pointer la limousine maternelle, le propriétaire de Blue Boy ordonne du haut de l'escalier intérieur monumental de mettre l'objet sur le piano ("on the top of the piano"). Ils s'exécutent, s'asseyant en outre sur l'instrument, ce qui provoque la rupture d'un pied. Le cheval tient bon mais Oliver se trouve devoir jouer les atlantes à la suite des inévitables fausses manœuvres. Finalement tout est remis en place, le cheval toujours juché. Le maître de maison leur fait tirer le rideau pour la surprise.
   Mais la mère a préparé la sienne propre : le vrai Blue Boy. Bousculant les policiers qui tenaient le tableau, de sorte que la tête de l'un d'eux enfonce la toile à l'emplacement exact de celle du sujet, l'amateur d'art, et non d'art hippique, poursuit armé d'un fusil ces deux pitres malfaisants et leur complice chevalin. Seule victime : le derrière d'un innocent policier qui passait par là.

   Enfin un excellent Laurel et Hardy, non pas seulement en raison du quiproquo, parfait moteur narratif du court métrage, ou du jeu inimitable, infantile à souhait, de la célèbre paire de polissons, mais surtout de par sa filmicité
(1), à savoir, l'utilisation de moyens cinématographiques, intraduisibles par conséquent sur d'autres supports. S'y confirme que le cadrage est au service du jeu filmique et non simplement de la lisibilité du récit. En se confondant avec les grandes lignes du champ comme volume, il feint de s'intégrer, pour mieux opérer de facétieux mouvements entretenant la surprise. Un travelling latéral en extérieur découvre en décrochement, à gauche de la façade monumentale de la luxueuse villa devant laquelle attendent le cheval et ses acolytes, un autre corps de bâtiment contenant au premier la salle de bain.
   Lorsque le cheval à l'intérieur poursuit Laurel ou Hardy sur un trajet circulaire, à la façon d'un manège, sous les arches soutenant le haut plafond, la caméra saisit la disparition hors champ par l'arche de droite et la réapparition par la gauche en léger travelling latéral alternatif transformant le burlesque de scène en un burlesque filmique. D'une façon générale, le cadrage et les mouvements d'appareil tablent sur le hors champ comme élément constitutif de l'univers filmique (et non scénique). Les recadrages exigés par le mouvement du récit, évitent la centration rationnelle et sont toujours vivants, quitte à couper un morceau de cheval dans les plans d'ensemble de la scène du piano. Par ailleurs, les prises en plongée ou latérales entraînent des anamorphoses burlesques : Laurel et Hardy vus du premier étage, ou à la fin le fameux tableau.
   Belle démonstration de ce que le meilleur scénario ne passe que s'il est repensé à l'aune de la pellicule. 27/01/04 Retour titres