CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Sydney LUMET
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À bout de course USA (Running on Empty) 1988 110' ; R. S. Lumet ; Sc. Naomi Foner Gyllehaal ; Ph. Gerry Fisher ; Mont. Andrew Monshein ; Cost. Anna Hill Johnstone ; M. Tony Mottola ; Pr. Warner Bros ; Int. Christine Lahti (Annie Pope), River Phoenix (Danny Pope), Judd Hirsch (Arthur Pope), Jonas Abry (Harry Pope) Martha Plimpton (Lorna Phillips), Ed Crowley (professeur Phillips), L.M. Kit Karson (Gus Winnant), Steven Hill (le grand-père), Augusta Dabney (la grand-mère).

   Pour avoir, au titre en 1971 de la lutte contre la guerre du Viêt-Nam, fait exploser un laboratoire militaire spécialisé dans le napalm, Annie et Arthur Pope sont en cavale avec leurs deux enfants, Harry, 8 ans et Danny, 17. Il faut sans cesse déménager sous une nouvelle identité, aux parents trouver du travail, aux enfants changer d'école. Cela n'empêche Danny d'être un pianiste de valeur s'entraînant, sous la direction de sa mère, ancien espoir du conservatoire, sur un clavier silencieux pour ne pas alerter l'entourage.
   Le professeur de musique Phillips, du énième lycée, détecte en Danny un talent d'exception. Il veut l'inscrire à la prestigieuse école Juilliard. Invité à jouer sur le Steinway personnel de ce dernier, Danny fait la connaissance de sa fille Lorna. Les deux ados tombent amoureux, et Danny candidate en secret pour Juillard, deux faits incompatibles avec la clandestinité. Mise au courant par hasard, la mère soutient son fils. Elle renoue avec son propre père après quatorze ans pour lui demander de prendre son petit-fils au domicile des grands-parents à New York. Il pourrait ainsi entrer à Juilliard moyennant quelques faux pour parer au néant de dossier scolaire. Arthur s'y oppose formellement. Gus, un ancien camarade activiste, sans doute ex d'Annie, les ayant indirectement compromis à la suite d'un braquage de banque dont ils avaient refusé d'être complices, les Pope doivent s'évanouir dans la nature. Convaincu que ses parents ont besoin de lui, Danny, fait des adieux déchirants à Lorna, puis s'apprête à prendre la route en famille. Au dernier moment, le père décide de laisser à son fils sa chance en renonçant à l'emmener.


      Que voilà un joli conte romantique mettant en scène des parias de la société aux intentions pures ("la victime de l'explosion du labo ne devait pas être là." (elle n'avait qu'à pas)), et dont l'enfant prodige, éphèbe du piano mais virtuose de la batte, est prêt à se sacrifier à la cause parentale. Mais c'était pour mieux faire désirer le clou du spectacle sous la forme d'un happy-end in extremis. Car rien dans le film n'invite à aller au-delà de l'empathie par des moyens attractifs.
   Qu'on me pardonne, mais je ne puis laisser courir sur un film aussi creux la légende de chef-d'œuvre qui l'entoure parfois. Tous les ingrédients de la parade hollywoodienne se concentrent sur le jeune homme. Belle gueule, contrastant avec la petite-amie - ne pas faire d'ombre au fétiche cinégénique -, talents artistiques et sportifs, idées généreuses. Le décor toujours ad hoc, sans surprise. Forêts des rendez-vous amoureux peuplées d'oiseaux off parachutés en postproduction sans souci d'une ambiance sonore globale. À l'exception peut-être d'un ronflement d'avion off se mêlant aux sanglots de Lorna au départ de Danny, le son reste platement un élément du décor sonore dont la cause est dans le décor visuel approprié. Et qu'est-ce qu'une tragédie qui se termine en happy-end surprise ? Un mensonge, enveloppé de chœurs célestes, c'est-à-dire over, pour mieux compenser une panne d'imagination. Ce qui aurait pu nous faire sortir de notre quiétude béate, la transmutation du script en dispositif filmique (cadre, montage son/image, lumière) reste lettre morte. La lumière revient de droit à la belle photo représentative. Les raccords en fondu-enchaîné ne présentent aucune nécessité scripturale. On ne voit pas non plus ce qu'apportent ces nombreux panoramiques descriptifs, sans surprise, aussi plats qu'un travelling. Et pour faire comprendre l'urgence, on fait partir le personnage du fond en profondeur de champ, et foncer de face sur la caméra. Procédé coûteux comme l'abus des champs/contrechamps dans les dialogues.
   En définitive les velléités d'engagement quant à l'histoire s'anéantissent dans une réalisation consensuelle. 08/11/23
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