CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Jean RENOIR
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La Fille de l'eau Muet N&B 1924 58' ; R., Pr. J. Renoir ; Sc. Pierre Lestringue ; Ph. Jean Bachelet, Alphonse Gibory ; Int. Catherine Hessling (Virginie), Pierre Philippe (oncle Jef), Harold Lewingstone (George Raynal), Maurice Touzé (la Fouine), Pierre Renoir (un paysan), André Derain (le patron du Bon Coin).

   Virginie vit avec son père et son oncle sur une péniche. Un jour elle tire la langue à un jeune bourgeois qui la photographiait. Son père s'étant noyé, son oncle Jeff, la martyrise avec des intentions lubriques. Comme il boit l'héritage, la péniche est saisie. Virginie s'enfuit avec le chien. Elle rencontre le bohémien la Fouine, occupant une roulotte avec sa mère. Ils l'hébergent. Les deux jeunes gens sont pourchassés par Justin Crépoix, riche paysan prétentieux chez qui ils braconnaient, mais Georges Raynal, le photographe du début, les protège. La Fouine s'enfuit avec sa mère après avoir brûlé les meules de Justin, qui alerte les villageois. La roulotte est incendiée par une troupe en délire. Virginie s'échappe mais fait une chute dans une carrière qui la laisse en piteux état. Dans la forêt où elle s'est réfugiée, elle fait un cauchemar. Heureusement de la nourriture a été laissée à son intention par Georges sur un billot. Ayant retrouvé finalement la malheureuse inconsciente, ce dernier la ramène dans ses bras. Les Raynal l'accueillent et la soignent. Georges est amoureux. Cependant Jef refait surface. Il exige de l'argent de sa nièce. Virginie vole ses bienfaiteurs pour le satisfaire. Le fils d'abord déçu découvre la vérité et corrige l'oncle qui tombe à l'eau et s'éloigne à la nage. Le couple se forme avec la bénédiction des parents.

   Premier film assez maladroit tout en contenant les promesses du futurs. Maladroit parce que le scénario comporte des données gratuites comme les détails sur les Raynal (M. Raynal est passionné de botanique, il est propriétaire d'un moulin et se montre pingre avec les meuniers qui le louent, pour sauver les meules il propose sa voiture aux pompiers qui déclinent, etc.). De même la fonction de l'épisode des bohémiens, qui devrait permettre de caractériser le personnage marginal de Virginie n'est pas nette. La figure de l'héroïne est, du reste, affadie par le flou pudique, bien français, laissé sur sa vie sexuelle (les américains à la même époque étaient moins bégueules, voir
Les Rapaces (1923) de von Stroheim ou Les Damnés de l'océan (1924) de von Sternberg).
   Le montage de plus n'évite pas toujours le sensationnalisme (dans la violence, plans très brefs alternés - procédé alors avant-gardiste inspiré d'Abel Gance - et visages passant du très gros plan au gros plan). Excessive, l'image de la folie passagère de la jeune fille par un jeu de maquillage et de coiffure se charge d'une valeur
extrinsèque au film par excès. La séquence du cauchemar (dont pourtant Renoir était particulièrement fier) où rampe un iguane et s'égare Virginie entre des colonnades après avoir flotté dans ses voiles et galopé en croupe dans le ciel est affligeante de naïveté esthétique. À cause de tout cela, le mélange des genres ne parvient pas à trouver son unité.
   La fille de l'eau est pourtant un projet bien renoirien par l'image de la femme émancipée donnée en rapport avec le contexte de la nature largement aquatique, inondée de lumière solaire et animée par le vent dans les feuillages. Les promesses tiennent peut-être surtout dans la découverte de certains secrets de l'art (1) du cinéma. Par exemple les deux plans du halage de la péniche montés en axe inverse pour traduire l'écoulement du temps, ou encore la rencontre de Virginie et de son oncle parodiant le Petit Chaperon rouge. Retour titres  6/12/04