CINÉMATOGRAPHE 

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John STURGES
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Un homme est passé (Bad Day at Black Rock) USA VF et VO Scope-Eastmancolor 1955 78' ; R. J. Sturges ; Sc. Millard Kaufman ; Ph. William C. Mellor ; M. Andre Previn ; Pr. MGM ; Int. Spencer Tracy (John MacReedy), Robert Ryan (Reno Smith), Ernest Borgnine (Coley Tumbie), Anne Francis (Liz Wirth), Lee Marvin (Hector David), Walter Brennan (Doc Velie), Dean Jagger (Tim Horn, le shérif).   


   1945 : du train, qui ne s'y arrête jamais, débarque un manchot dans un trou perdu au fin fond du désert, ce qui ne semble pas plaire à certains, toujours affalés dans des fauteuils, l'air accablé par le climat. MacReedy, l'étranger, est à la recherche d'un fermier japonais dont le fils est mort à la guerre après lui avoir sauvé la vie. Il venait remettre au père la médaille militaire du fils défunt, mais finit par comprendre qu'à la suite de Pearl Harbour, Komoko a été assassiné par la bande d'Affreux choisis parmi les Gueules prédestinées d'Hollywood. On cherche à l'intimider, mais il ne se laisse pas faire, et de son bras unique casse la gueule au plus virulent qui se trouve être joué par Borgnine (Galerie des Bobines). Celui précisément à qui Ryan avait déjà administré une correction dans
Johnny Guitar (1953), car toujours le public admirera celui qui surpasse le bœuf à tête de crapaud hilare.
   Finalement, le brave étranger occit Ryan (passé sous le nom de Reno Smith du rang des Bons dans
Guitar à celui des Méchants, ce qui prouve une grande imagination) qui, comble de l'horreur, a descendu la jolie petite garagiste Liz. MacReedy est donc encore plus héroïque que s'il n'avait éliminé qu'un assassin de Japonais. Entre-temps, le shérif alcoolique et à la botte de Smith (où a-t-on déjà vu ça ?) a recouvré son courage et mit le reste de la bande sous les verrous. Mission accomplie. Le héros mutilé pour la patrie peut reprendre le train qui s'arrête de nouveau, non sans avoir fait don au shérif éperdu de reconnaissance, de la médaille militaire pour la commune, qui a bien besoin de se refaire une virginité.

   Considéré par certains comme un grand Western moderne, ce long métrage tourné à Hollywood en pleine Chasse aux Sorcières, semble dénoncer la lâcheté ambiante du temps à l'aide du même système de valeurs exactement que celui qu'il est censé remettre en cause. Le style du Western est respecté par des plans très larges sur des paysages typiques ou des contre-plongées sur les cow-boys comme juchés sur monture en l'absence de toute monture. Ce qui permet en même temps de cadrer de larges pans de ciel d'un bleu surchauffé inimitable. Rappelant que nous sommes dans une situation contemporaine et allégorique, les couleurs naturelles typiques sont rehaussées par une pimpante palette de tons artificiels où dominent le jaune et le rouge : celles des magasins ou du train. Ce dernier symbolise d'emblée l'épopée dans des plans généraux à la grue tandis qu'il se dirige vers le lieu du drame.
   Pour ceux qui ne comprendraient pas l'intrigue et ses péripéties, la musique d'accompagnement en fournit en continu le mode d'emploi : trompettes héroïques ou pathétiques quand voilées, en alternance avec les violons, de stridents chorus staccato étant dévolus à la violence, etc.
   La version française, exécrable, est à proscrire encore plus : elle fait bien sentir dans leur cabine de postsynchronisation les habitués de séries B travaillant à la chaîne. La voix profonde et métallique de Lee Marvin, terrifiante, car il n'y a rien de plus terrifiant que la séduction apparente, est remplacée par celle, interchangeable, d'un doubleur professionnel, qui semble pressé de passer au contrat suivant. La voix douce de Spencer Tracy rend mieux compte de sa fermeté d'âme que la voix plus assurée que lui attribue le doublage
(1) (rappelons à cette occasion la virilité idéale de l'organe qui dénature ordinairement le charme mâle particulier de Clint Eastwood au doublage), etc. 21/09/02 Retour titres