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Kleber MENDONÇA FILHO
Liste auteurs
Aquarius Brés. VO 2016 138' ; R., Sc., K. Mendonça Filho ; Ph., Pedro Sotero et Fabricio Tadeu ; Mont. Eduardo Serrano ; Pr. Cinemascòpio, SBS Productions, Videofilmes, Globo Filmes ; Int. Soniá Braga (Clara), Humberto Carrão (Diego Bonfim), Zoraide Coleto (Ladjane), Trander Santos (Roberval), Fernando Teixeira (Geraldo Bonfim), Maeve Jinkings (Ana Paula, la fille), Germano Melo (le fils Martin), BLeo Wainer (le fils Alexandre), Uda Lira (Antonio, frère), Paula de Ronor (Fátima, sa femme), Pedro Gueiroz (Tomás, le neveu), Carla Riba (l'avocate), Rubens Santos (Rivanildo), Valdeci Junior (Josimar).
Récit de la résistance opiniâtre à Recif d'une musicologue, grande beauté sexagénaire affrontant les forces de la spéculation immobilières qui, pour un ambitieux projet, voudraient disposer de l'immeuble des années quarante dont elle occupe seule un appartement à titre de propriétaire parmi les autres déjà vides. Il s'agit de montrer d'abord, dans une première partie retraçant le passé, que Clara a toutes les raisons de tenir à son lieu de vie depuis quatre décennies. En front de mer, cet héritage familial remontant à l'origine de la construction est situé dans le quartier huppé de Boa Viagem. Elley a élevé ses trois enfants, a lutté victorieusement contre un cancer du sein avec l'aide de son mari, y a perdu ce dernier à l'âge de quarante-neuf ans.
Succède à cette légitimation par le passé le harcèlement actuel du spéculateur Bonfim et de son petit-fils Diego, doublé de manœuvres machiavéliques consistant surtout à infester de termites l'étage du dessus.
Mais Clara gagne la guerre en produisant des documents compromettants pour l'adversaire, et se venge en contaminant aux termites ses bureaux, façon selon elle de repasser le cancer dont elle a réchappé. Ceci significativement décliné en trois parties : 1) Les cheveux de Clara (repoussant après la chimio). 2) L'amour de Clara (un professionnel du sexe). 3) Le cancer de Clara (celui qu'elle transmet à la société Bonfilm).
Dénonciation en règle des puissances de l'argent écrasant tout ce qui s'interpose, le thème n'est pas nouveau. La question est de savoir s'il est ici renouvelé avec les moyens de l'art du cinéma. Il est vrai que ça rappelle étrangement, certes en plus subtil, le héros hollywoodien qui, humilié ou spolié par plus fort que lui, se venge au moyen de ses seules forces, bien que Clara dispose en plus de moyens financiers qui lui permettent de refuser une offre alléchante et de tenir le rapport de force. C'est un point de vue individualiste qui entend rétablir la justice, en réalité imposer la loi du talion. Au point que la première partie en guise de flash-back voudrait nous convaincre du bien-fondé des revendications personnelles de la protagoniste : de la légitimité de sa colère et donc de son action.
Mais ne soyons pas injuste. On est subjugué par cette figure solaire, par ce sein unique d'Amazone hardiment exposé, sans exclusion des droits du corps à l'épanouissement érotique. La femme est admirable car libre, évoluée. Ne traite-t-elle pas humainement sa bonne, Ladjane - qui a perdu un fils - et dont, entre autre, elle se rappelle la date anniversaire ? Ne demande-t-elle pas à son propre fils homosexuel de faire la connaissance de l'homme qu'il aime, tout ceci fût-il à coup sûr calculé ad hoc ?
La direction d'acteur fait d'ailleurs merveille, ce qui implique surtout la capacité d'inscrire l'expression du corps dans la durée du montage : de ne pas saturer chaque image mais de la soumettre à un principe qui la transcende. J'ai placé Diego juste après Clara dans la liste des interprètes car il est exemplaire. D'autant plus terrifiant que souriant et affable : cela ne peut se lire que dans le tout du film. Voilà donc une belle réussite au niveau de l'acteur.
Mais si le film n'est fait que du jeu enregistré des acteurs, c'est de la photographie sans plus. Photo n'est pas film.La caméra qu'on se plaît si souvent à dire "fluide" (pourquoi proscrire systématiquement toute syncope ?) fait un beau travail en ouvrant l'appartement sur l'extérieur comme le fait Hitchcock dans Fenêtre sur cour, à passer sans transition par la fenêtre, de la cour au visage endormi, entre rêve et réalité. Mais cela ne devient intéressant que quand le cadre en dit plus long que les dialogues. Par exemple un plan serré niveau sol opposant les pieds nus de Clara à ceux chaussés de Diego sur le seuil avant qu'elle ne referme la porte sur lui. Ou bien cet autre, serré sur la signalisation lumineuse du taxi qui dépose chez elle Clara, succédant à la proposition, contradictoire, de l'homme rencontré au bal de la ramener (méthode Bresson). Dans les deux cas, pour valoriser le personnage. Elle se bat à mains nues, suggèrent ces orteils à l'air, bien qu'elle ne soit pas quadrumane. Elle assume le fait que l'homme du bal a renoncé à la relation amoureuse à cause de son infirmité. Dans le deuxième cas c'est, renforcé par le montage-son, le ronronnement du moteur de la voiture personnelle chevauchant la collure pour devenir celui du moteur du taxi. Notons cependant que tout se rapporte à l'héroïne, incarnée par Sonia Braga, seule nommée au générique de début, ce qui risque fort de ramener la lecture à de l'identification au personnage et limiter d'autant la chance d'une écriture, où tous les éléments concourent à égalité.
Il y a bien, sans doute, des tentatives de dépassement de la loi du signifié. Ce long voile de tulle flottant suspendu le long de la façade de l'immeuble de luxe voisin. Pendant que Clara danse dans la pénombre de l'appartement nocturne, le spectateur peut voir en un éclair à travers la fenêtre la diaphane étoffe choir. Le lendemain matin, une plongée de caméra révèle des hommes du service urbain qui dégagent le voile enveloppant des voitures en stationnement. À la manière d'Antonioni, c'est une énigme totalement inassignée mais que l'on rattache automatiquement à la menace qui pèse sur la maison.
En définitive, en l'interdisant aux moins de dix-huit ans pour des raisons politiques inavouées, les autorités brésiliennes n'avaient pas compris qu'il n'était peut-être pas si dangereux que ça, ce film, pour le pouvoir en place. 05/03/19 Retour titre