CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE

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Federico FELLINI
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Amarcord It.-Fr. VO Panavision-Technicolor 1973 118' ; R. F. Fellini ; Sc. F. Fellini, Tonino Guerra ; Ph. Giuseppe Rotunno ; Mont. Ruggero Mastroianni ; M. Nino Rota ; Pr. Franco Cristaldi/F.C. Producioni/P.E.C.F. ; Int. Magali Noël (la Gradisca), Armando Brancia (le père de Titta), Bruno Zanin (Titta), Pupella Maggio (la mère de Titta), Ciccio Ingrassia (l'oncle fou), Peppino Ianigro (le grand-père), Luigi Rossi (l'avocat), Gennaro Ombra (Biscein). 

   Récit d'une année de la vie d'un adolescent - Titta - dans une petite cité du littoral adriatique des années 30 (Rimini ?), dont c'est en même temps le témoignage et la chronique entrecoupée de rêves, de fantasmes et de reconstitutions imaginaires fantaisistes jusqu'au clinquant : citons le récit d'un vendeur de graines salées d'une laideur comique, qui se vante d'avoir débauché tout le harem d'un émir de passage au Grand-Hôtel. Le narrateur représenté, qui s'adresse à la caméra, est un avocat érudit suscitant les taquineries anonymes d'un invisible citoyen.

   La famille de Titta regroupe trois générations directes et collatérales vivant sous le même toit dans une ambiance surchauffée. Ancien manœuvre anarchiste, le père pique des colères, distribue des taloches mais essuie les humiliations fascistes. Sa tendre épouse Miranda le tempère en résistant comme elle peut mais, fragile de santé, elle meurt dans l'année. Une fois par mois on va, en calèche, visiter l'oncle à l'asile de fous. Cette fois-ci la virée se termine mal : l'oncle perché dans un arbre bombarde la famille de cailloux, exigeant à hauts cris une femme. La nuit tombée, on fait enfin venir de l'asile la sœur naine, seule personne ayant autorité sur lui. Au point de vue implicite de Titta, défile la grotesque série des professeurs devant la classe goguenarde. La population haute en couleur s'émaille en outre de quelques figures féminines : la nymphomane vagabonde, la prof de maths bien roulée, la "Gradisca", beauté du cru connue pour avoir invité un prince de passage au Grand-Hôtel à "y goûter" (gradisca, en dialecte romagnol), avec la bénédiction de la municipalité qui en escomptait des subsides de l'État ; et pour terminer, la buraliste à la poitrine monumentale que Titta n'a pas su en revanche "goûter" comme on l'y encourageait.

   La sexualité est donc une préoccupation permanente, se traduisant par des plaisanteries où les couilles ne sont jamais oubliées. Des événements officiels rythment la vie sociale : le feu de joie annonçant le printemps à l'apparition des "manines", ces spores duveteuses voltigeant comme flocons de neige, la visite d'un dignitaire fasciste donnant lieu à de grotesques démonstrations publiques, la célèbre course automobile des "Mille miglia" à travers la ville, le passage à huit kilomètres au large du "Rex", paquebot géant et orgueil du régime, que vont au moyen d'embarcations de toute espèce saluer les patriotes. S'y ajoutent, en témoignage de cette vie sociale intense, aujourd'hui abolie, des petites communautés urbaines d'alors, l'enterrement de Miranda et enfin, clôturant le récit comme un adieu à un rêve adolescent, le mariage de la Gradisca avec un carabinier d'une autre région.
   L'art de Fellini peut se définir comme une combinaison d'humour - celui du dialogue s'ajoutant au burlesque ou à la caricature des situations et personnages -, de fantaisie dans le traitement des anecdotes pittoresques, (rêve, fantasme, émerveillement ou crainte), de nostalgie par les procédés d'éloignement (dont la fantaisie) soulignée par la musique de Nino Rota et enfin d'un pathétique contrepointé de burlesque (l'enterrement).
   Cependant ce cocktail, d'autant plus tonique que les éléments s'en distribuent au gré du récit sous la forme de bourgeonnements associatifs sans nécessité fonctionnelle, correspond à un riche imaginaire, mais filmé et monté de façon tout à fait classique. Il y a certes poésie, mais de contenu et non de structure. Poésie filmée et non pas cinéma poétique. Il ne suffit pas de formes étranges dans le brouillard. Car il sied mal à l'art du cinéma
(1) de filmer abstraitement sur des critères cognitifs. Il y manque cette absurde fragmentation filmique, ces distorsions ou décalages faisant droit à une logique langagière spécifique. Le cinéma se trouve nécessairement instrumentalisé donc appauvri, d'être soumis à l'ordre de la représentation(2), fût-ce celle de l'extraordinaire. 13/08/02 
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