CINÉMATOGRAPHE 

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Rainer Werner FASSBINDER
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Whity 1970 RFA VO couleur 95’ ; R., Sc.  R.W. Fassbinder ; Ph. Michael Ballhaus ; Lum. Honny Stangl ; Mont. Franz Walsh et Thea Eymèsz ; Déc. Kurt Raab ; M. Peer Raben ; Pr. Ulli Lommel/Peer Raben/Atlantis-Film/Antitheater X Film ; Int.  Günter Kaufmann (Samuel King "Whity"), Ron Randell (Ben Nicholson), Hanna Schygulla (Hanna), Katrin Schaake (Katherine Nicholson), Harry Baer (David), Ulli Lommel (Frank), Elaine Baker (Marpessa, la cuisinière, mère de Whity), Kurt Raab (le pianiste), R.W. Fassbinder (le violent consommateur du saloon).

   Serviteur dans une famille de grands propriétaires du Sud au dix-neuvième siècle américain, Samuel King surnommé Whity ("Blanchet") est né de l’union de la cuisinière noire, Marpessa, et de Ben Nicholson, le maître du lieu, dont l’épouse Katherine lui a donné deux garçons maladifs, Frank et David, ce dernier idiot, que sa mère regrette n’avoir pas euthanasié, l’autre inactif et pervers. Supportant parfaitement les caprices sexuels ou meurtriers de ses maîtres et même régalant l'idiot d'une étreinte, Whity semble aveugle au mal, se laisse tabasser par les hommes du saloon quand la chanteuse-entraîneuse Hanna lui témoigne des sentiments, puis prend, sous le fouet du père, la place de Frank, accusé d’avoir observé ses parents une nuit de fiasco. Les Nicholson se haïssent entre eux. Whity est incité par Frank à tuer son père, par Katherine qui s’est jetée à son cou, à supprimer Frank et à diriger le domaine avec elle après la mort de Ben, dont le médecin mexicain, son amant, lui assure les jours comptés. Plus tard, Nicholson abat l’amant de sa femme.
  Hanna lui propose de la suivre à Chicago, mais Whity persiste à se dire trop attaché à sa famille. Hanna lui révèle alors avoir été payée pour son silence par Nicholson, qui avait soudoyé le médecin pour faire croire sa mort prochaine et ainsi punir Katherine de son avidité. Puis, sous prétexte qu'il avait violé sa femme, l’avait abattu pour le faire taire, ce dont Hanna était témoin. Elle donne l’argent à Whity et l’exhorte à se libérer en supprimant cette famille malfaisante, car c'est aussi un être humain. Whity commande alors une bouteille de Whisky, joue l’argent de Hanna aux cartes avec les agresseurs du saloon, puis va massacrer la famille. Avec Hanna, ils traversent le désert mais sont à cours d’eau. Ils dansent amoureusement sur le sable, sans doute pour la dernière fois.

   Superbe dans sa livrée écarlate, Whity s’accorde aux lambris noirs du décor intérieur du domaine, tandis que, livide, la famille semble satisfaire à des rituels funèbres. On verra néanmoins que la figure positive ne constitue guère la solution a un quelconque problème éthique qui serait posé au départ.
   Les éléments du décor en général interfèrent avec les situations. Eléments sonores comme les chants d'oiseaux exotiques et les stridulations d'insectes en rapport avec la violence. Accompagnés au piano, les chants dissonants et vénéneux de Hanna commentent le caractère insoluble des contradictions, de même que l'orgue ou le clavecin off. Les cadences de galop mêmes de la musique de western ont quelque chose de décalé. Un rythme lent, marqué notamment par le bruit des pas, associé à des plan fixes ou qui le deviennent, installent une tranquille expectative de mauvais augure. Des chérubins sculptés évoquent un ironique Cupidon présent à la fois aux frasques de Katherine et dans la chambre de la prostituée Hanna. La décoration de sa chambre et du saloon offre des entortillements de linge suggérant les draps froissés et le déshabillage.
La profusion des fleurs coupées, où l'on peut reconnaître des lys, souvent aux avant-plans, souligne l'enjeu funèbre de l'intrigue. Bien que le visage blafard de l'idiot mâchonnant dans la pénombre quelque ignoble déchet indique que la frontière entre la vie et la mort n'est pas si certaine : de paix funèbre, point.
   L'opposition, dans cet univers particulier, entre deux mondes dont l'un serait plus juste que l'autre ne garantit nullement la victoire d'une quelconque justice. C'est dans le grincement insupportable consécutif que se niche le questionnement qui nous saisit. On ne se risquera pas à y déceler des critères artistiques tant ce film déroge à tout ce qui peut se concevoir. 9/12/08 
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