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Symphonie nuptiale (The Wedding March) USA Muet N&B et couleur 1926 109' (deuxième partie, montée par Sternberg, perdue) ; R. E. von Stroheim ; Sc. E. von Stroheim et Hary Carr ; Ph. Hal Mohr, Bill McGann, Harry Thorpe, Roy Klaffki ; Pr. Paramount ; Int. Erich von Stroheim (Nicholas Ehrhart Hans Karl Maria, Prince von Wildeliebe-Rauffenburg, Nicki pour les intimes), Fay Wray (Mitzi), George Fawcett (prince Ottokar von Wilderliebe-Rauffenburg, père de Nicki), Maude George (princesse épouse du précédent et mère de Nicki), Zasu Pitts (Cecelia Schweisser, la riche héritière), Matthew Betz (Schani Eberle, le boucher).
Vienne 1914. Le prince Nicki n'a plus de quoi monnayer sa vie de débauche. Ses parents, grands aristocrates ruinés, ne peuvent suivre. Nicki s'éprend de Mitzi, fille du peuple promise au boucher Schani mais subjuguée par la prestance de cet officier à la tête de la Garde lors de la grande fête religieuse de Corpus Christi. Nicki, dont le cheval emballé a renversé Mitzi, lui fait la cour à l'hôpital. Schani est arrêté pour avoir insulté le prince à la suite de l'accident. Les parents de Mitzi voient d'un mauvais œil les assiduités de ce "coureur de jupon" princier, qui, moyennant un chapelet de saucisses au chien de garde, met à profit la nuit pour la fréquenter en cachette, après séance de bordel dont l'orgie se poursuit avec d'autres en parallèle. Cependant Ottokar impose à son fils Nicki le mariage avec Cecelia, une jeune roturière infirme mais richement dotée. Libéré, Schani montre à Mitzi l'annonce nuptiale et devant son désespoir amoureux déclare qu'il tuera le prince à la sortie de l'église. Le jour venu pour l'empêcher de passer à l'acte elle consent à l'épouser.
Authentique tragédie d'amour et de mort (dans la deuxième partie perdue tous meurent sauf Mitzi, qui prend le voile) où un cynisme noir se pare du charme désuet d'une fin d'empire cautionnée par le décor de Vienne et où la désagrégation des valeurs se traduit par le caractère grotesque de la vieille noblesse. Nicki ne parvient pas à convaincre ses parents qu'il existe des gens qui tombent vraiment amoureux.
La tragédie est dans le fatum empruntant à la légende, montée en parallèle, de l'homme de fer qui emporte les sirènes du Danube. Mitzi est hantée par cette figure comme d'une prémonition, ce dont se moque Nicki. La dynamique tient du fort contraste entre les forces en présence, laissant présager la violence du dénouement. Au lyrisme délirant des scènes d'amour nocturnes sous une pluie de fleurs de pommier accompagnée de chants d'oiseaux, et au beau fixe marqué par les ombrelles de jour, s'opposent les scènes d'orgie et les parapluies de déluge des sombres journées de la fin ; à la vulgarité du boucher entouré de cochons, le prince portant un fin mouchoir à son nez ; à la gracieuse Mitzi, la bancroche Cecelia. Mais tout permute dialectiquement : l'oiseau lyrique quand il succède aux belles promesses du prince paraît rétrospectivement ironique. Plus tard une chouette observant l'étreinte amoureuse le remplace, le fleuve démonté où l'homme de fer apparaît à Mitzi étant à portée de vue. Le prince si délicat se vautre dans la débauche avec bouteille de champagne s'éjaculant dans un coin du cadre. Le saint mariage se marchande entre les deux pères dans le même bordel. L'incident du cheval est traité comme un viol au moyen d'un détail imperceptible : le large sourire du prince montant son cheval cabré sur Mitzi qui s'effondre. À la suite de quoi Mitzi claudique comme Cecelia, qui s'enchantera des fleurs de pommiers cyniquement offertes en bouquet de mariage par le prince. Le destin funeste est toujours déjà dans la félicité, ce que traduit la présence multipliée d'un calvaire à l'arrière-plan, signe commun de mariage à l'église et de supplice.
Assez conventionnels, le cadrage et le montage ne sont pas à la hauteur de cette parfaite condition tragique, ni de la perfection mégalomaniaque du décor et du costume. Pas davantage des jeux d'éclairage sur les contrastes dramaturgiques et l'ambiguïté de leur dialectique. Il y a déperdition de force filmique. Et pourtant, voyez le regard de Mitzi rendu lubrique par le travelling vertical de bas en haut en contrechamp sur le prince à cheval, et ce plan du Danube pris en un bref et vif travelling dramatisant les regards en contrechamp. Surtout, à 71', sur quelque dix-sept plans, jouant sur les variations de grosseur et les mouvements imperceptibles des personnages, segments amorcés en raccord d'un plan fixe sur l'autre, la façon dont Mitzi réticente est progressivement entraînée dans la vieille calèche abandonnée où ils vont s'aimer pour son malheur. 28/10/17 Retour titres