CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Justine TRIET
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Victoria Fr. 2016 96' ; R., Sc. J. Triet, avec Thomas Lévy-Lasne ; Ph. Simon Beaufils ; Mont. Laurent Sénéchal ; son Julien Sicart, Olivier Touche, Simon Apostolou ; Pr . ECCE Film et France 2 Cinéma, CNC, Canal+, Ciné+, France Télévisions, Cinémage 10 ; Int. Virginie Efira (Victoria Spick), Vincent Lacoste (Sam), Melvil Poupaud (Vincent), Laurent Poitrenaux (David, l'ex de Victoria), Alice Daquet (Eve, la plaignante).

     Exemple parfait de femme moderne, l’avocate Victoria Spick élève seule ses deux fillettes dans un trois-pièces parisien, quitte à accueillir dans sa chambre des hommes recrutés aux petites annonces, pendant qu'on vaque dans les pièces voisines. Son existence cafouilleuse se trouve par ailleurs confrontée à trois enjeux éprouvants relatifs aux hommes. Sam, ancien dealer qu’elle a tiré d’affaire et engage comme « jeune homme au pair » pour s’occuper des petites, et qui peu à peu prend un rôle de soutien dans cette existence tourbillonnaire mais, s'y sentant quantité négligeable, quitte la jolie juriste après être devenu son amant. Vincent, accusé d'avoir poignardé sa compagne, un ami qu'à l'encontre de sa déontologie elle accepte de défendre. David, le père de ses deux filles dont elle est séparée, par elle poursuivi en justice pour avoir publié un livre violant sa vie privée et professionnelle. Après maintes péripéties dilatoires, elle gagne les deux procès et, en dépit d’une rupture qui paraissait définitive, tombe dans les bras de Sam.


      Le scénario se réclame de la comédie. Victoria décourage un homme en continuant la conversation en plein coït. La plaignante, qui n'en portait pas au moment des faits, accuse son présumé agresseur d’avoir arraché sa culotte. Aux audiences du procès de Vincent sont convoqués deux atypiques témoins : un singe et un chien. En une surenchère absurde, Victoria est traitée à la fois par un psychanalyste, une voyante et un acuponcteur, le recours à l’acuponcteur intervenant à la suite de la vision de celui-ci par la voyante. Avec Sam, ils s’expriment dans un abominable et désopilant franglais censément incompréhensible aux enfants. Le dialogue est dans l'ensemble assez délicieusement piquant : « Je préfère ton autorité à ton obséquiosité » fait à Victoria remarquer son amie Sophie, qu’elle remerciait avec un peu trop d'insistance d’avoir gardé les filles.
   Le meilleur scénario, avec les meilleurs acteurs cependant, suppose une alchimie pelliculaire, donnant substance par le son, l’image, les rapports de son et d’image, ceux entre images, à ce qui est couché en mots.
   Rien de tel ici. Le montage se borne essentiellement, selon une recette très en vogue, à produire une impression de vivacité par des raccords anticipant le son du plan suivant. Le cadrage se soumet strictement à la logique de l’action. Ce qu'accentue une caméra mobile, tout à la dévotion de celle-ci, se réglant sur elle. Le profilmique phagocite le filmique. Et le recours, certes épisodique, à une musique auxiliaire fort expressive dans le registre ironique, accuse l'impuissance du cadre et du montage à atteindre le même résultat. Dans le même ordre d'idées, la responsabilité d'un dialogue si bien débité, ignorant de l'idiosyncrasie, de la vulnérabilité des corps et des failles ordinaires à la raison, échappe aux personnages ainsi réduits à des machines au service d'un script tout puissant. Bref, privés de matériau substantiel, l’humour et le comique s'en trouvent désincarnés, jusqu’à se diluer dans le flot des paroles. 19/10/23
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