CINÉMATOGRAPHE 

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André TÉCHINÉ
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Les Temps qui changent Fr. 2007 95' ; R. A. Téchiné ; Sc. A. Téchiné, Laurent Guyot, Pascal Bonitzer ; Ph. Julien Hirsch ; Mont. Martine Giordano ; M. Juliette Garrigues ; Pr. Bénédicte Bellocq, Paulo Branco ; Int. Catherine Deneuve (Cécile), Gérard Depardieu, (Antoine Lavau), Gilbert Melki (Nathan), Malik Zidi (Sami), Lubna Azabal (Nadia/Aïcha), Tanya Lopert (Rachel Meyer), Nabila Baraka (Nabila), Idir Elomri (Saïd), Nadem Rachati (Bilal).

   Antoine Lavau, ingénieur en bâtiments, s’est arrangé pour superviser un important chantier à Tanger où il sait résider son premier amour d’il y a trente ans, Cécile, speakerine à la radio et mariée à Nathan, médecin marocain. Sami, le fils de ces derniers, vient d’arriver avec sa compagne Nadia et leur garçon Saïd. Il est néanmoins homosexuel et s’empresse de rendre visite à Bilal. Nadia est toxicomane. Sa sœur jumelle Aïcha vit à Tanger mais refuse de la voir « parce que les sœurs jumelles doivent se séparer » et aussi surtout à cause de l’émancipation européenne de Nadia, très compromettante pour une Musulmane. Tanger : ville de tensions de toutes sortes, aux frontières de l’Occident, où s’amassent les clandestins espérant passer le l’autre côté de la Méditerranée.
   Antoine, qui n’a cessé de l’aimer,
écoute Cécile à la radio et lui envoie anonymement des roses qu’elle jette aux orties. Il finit par la rencontrer par hasard mais fort troublé se cogne violemment contre une baie vitrée. C’est Nathan qui le soigne. Cécile est importunée par les visites répétées d’Antoine. Il cherche même à faire appel à des envoûteurs et glisse une photo de leur couple d’autrefois sous le lit conjugal.
   Cependant Nathan voudrait s’installer à Casablanca où lui est proposé un poste beaucoup plus lucratif, alors qu'il n'est pas question pour Cécile de quitter la radio. La corde conjugale étant déjà bien usée, s’installe
la discorde. Insensiblement l’opiniâtreté d’Antoine fléchit Cécile, qui propose de faire ensemble une « halte ». Elle le retrouve à l’hôtel pendant que Nathan se rapproche d’Aïcha puis déménage. Mais Antoine est enseveli sous un éboulement de chantier provoqué par les pluies. Il est à l’hôpital dans le coma. Cécile lui rend visite régulièrement et, comme Benigno à Alicia dans Parle avec elle d'Almodovar, lui raconte son quotidien. Quand il reprend enfin conscience, leurs mains se joignent et ils se regardent au fond des yeux...

   Je distingue quatre axes. Le premier, marchand, étant la présence des deux grandes stars Deneuve (Galerie des Bobines) et Depardieu (idem) dont on sait qu’elles font immanquablement monter les recettes. Le deuxième, naturaliste, tente de brosser un tableau complet à la fois, géographique, économique, psychologique et social où interagissent plusieurs destins croisés, parfois antinomiques, dans un milieu déterminé. Le troisième, narratif, par la construction en flash-back qu’inaugure la scène de l’éboulement, reprise à la fin et complétée par la dernière séquence. Le quatrième enfin, esthétique, concerne le choix du style artistement bâclé de la caméra portée, des plans hyperserrés et du montage cut, supposés convenir au naturalisme, ainsi que de la musique auxiliaire, censée représenter la beauté intérieur de l’enjeu affectif.
   Il est clair que, fussent-ils légitimes chacun pris à part, voire bien conçus, ces axes manquent leur articulation réciproque. L’aspect marchand est inconciliable avec tout dessein artistique et le naturalisme est ici bien trop fonctionnel pour participer d’une quelconque poésie, c'est-à-dire pour nous mener au cœur d'un dispositif émotionnel, l’esthétique plaquée étant, du reste, un aveu d’impuissance.
Reste que le flash-back propose une agréable activité de déchiffrement, tout en étant bien peu de chose au regard de l’ensemble.
   Ce qui cruellement fait défaut est, au total, la capacité locale d’effusion émotionnelle des éléments épars de l'image sonore, qui renverrait à un tout unitaire. Le caractère passe-partout des acteurs trop connus et encouragés par la grosse machinerie à combler l'attente du consommateur, à plaire toujours davantage pour des raisons fondamentalement étrangères aux intérêts du 7e art, voire, le jeu médiocre d’une Lubna Azabal, ne laissent pas même une chance aux corps ni aux visages d’extérioriser un dessein plutôt déjà émouvant par lui-même.
4/09/09 Retour titres