MANDERLAY de Lars von Trier
Synopsis détailléLe récit se répartit sous huit chapitres : 1) Où l'on découvre Manderley et ses habitants. 2) La plantation de Manderley libérée. 3) Le jardin de la vieille dame. 4) Où Grace passe aux choses sérieuses. 5) Main dans la main. 6) Manderlay en difficulté. 7) La récolte. 8) Où Grace règle ses comptes et où le film s'achève :
1) En 1933, à la recherche de nouveaux terrains opérationnels dans le sud, les gangsters font une halte en Alabama devant la plantation de Manderlay. Grace, la fille du caïd, est interpellée par une femme noire la priant d'intervenir chez ses maîtres où l'on fustige l'un de ses pareils, réduits en esclavage. La jeune fille blanche a beau protester que l'esclavage est aboli depuis 70 ans, ayant constaté la réalité du fait, elle convainc son père de lui Fprêter main forte, délivre Timothy, le supplicié, et désarme la vieille patronne, appelée Mam. Mais celle-ci est mourante. Elle recommande à Grace de détruire le livre caché sous son matelas. Grace refuse au nom de la transparence démocratique et explique à Wilhelm, le doyen des esclaves, que ses semblables ont les mêmes droits que dans le monde extérieur. Mam ayant trépassé, Wilhelm exprime sa crainte de ne pas être mûr pour la liberté. Cependant, la famille de Mam veut faire signer des contrats aux nouveaux affranchis. Elle est prête à consentir des prêts et à ouvrir un petit magasin. Grace convainc son père de lui confier quelques uns de ses gardes armés et son avocat, et de la laisser agir sur place. Joseph, l'avocat, rédige de nouveaux contrats sans ambiguïté avec clause de donation. Le gang reprend la route. Enfermée, la famille des maîtres est astreinte à des travaux harassants, jusqu'à ce que les consciences se soient élevées suffisamment, auquel cas ils seront libres. Quant aux Noirs, chacun pourra après la première récolte faire valoir sa donation et percevoir des dividendes. Grace partira une fois cette mission accomplie. Personne ne semble enthousiaste, sauf Wilhelm semble-t-il. Timothy se montre même très réticent.
2) Grace constate que la communauté régie par ces nouvelles règles ne fait pas de progrès. A moins que les résistances de Timothy puissent être considérées comme telles. L'un des gangsters fait remarquer qu'on aurait déjà dû semer. Wilhelm confirme qu'on a deux semaines de retard. Personne n'a pris l'initiative, qui eût été du ressort du contremaître. Par ailleurs les cases menacent ruine. Wilhelm rétorque qu'on n'a pas de matériaux pour réparer. Il ajoute que la Loi de Mam inscrite dans le fameux livre, que nul n'a droit de lire à part les maîtres, règle toutes les questions. Elle dit notamment que semer un peu plus tard peut améliorer la récolte. Grace y découvre que les esclaves étaient répartis en 7 groupes caractérologiques. Les bouffons, les perdants, les pleurnichards... Wilhelm, le vieux sage est dans la catégorie 2, celle des bavards, Timothy, dans la catégorie 1, celle des fiers. La catégorie 7, celle des charmeurs ou caméléons est la plus nombreuse. Ainsi Mam utilisait la psychologie pour assurer son pouvoir. En réalité le matériau ne manque pas. Grace décide que l'on abattra les arbres du jardin de Mam pour réparer les cases.
3) Tout le monde s'y met avec ardeur, au détriment des cultures. Il y a cependant des volontaires pour semer, sous le regard hostile de Timothy, toujours muni d'un mystérieux mouchoir immaculé. Flora, la maîtresse de l'irréductible, apprend à Grace qu'il descend de la lignée royale des Munsis. Les Munsis se reconnaissent à ce qu'ils ne boivent ni ne jouent, contrairement aux Mansis, anciens esclaves des rois africains. Grace pense que la fierté de Timothy peut être un modèle pour les affranchis, mais Timothy doute que Grace s'intéresse à eux en tant qu'êtres humains. Une bévue de celle-ci semble lui donner raison : elle confond physiquement deux frères, ce qui suscite des risées. Elle réagit en entamant une nouvelle étape de sa "mission". Elle voulait laisser libre accès au livre. Mais Wilhelm ayant protesté qu'ils n'étaient pas prêts, elle organise des cours obligatoires, sous la contrainte des gangsters, pour les faire mûrir. En même temps, elle tombe sur un certain Docteur Hector en train de jouer aux cartes avec ses hommes. Il se présente comme un spécialiste des jeux et surtout de la tricherie. Métier inventé par lui pour aider les propriétaires à endetter les affranchis. Il propose à Grace 80% sur les sommes ainsi récupérées. Elle est outrée. Pour lui prouver ses bonnes intentions, Hector lui remet une lettre du contremaître à l'intention de la police, qu'il a interceptée. Avant de la quitter, le Docteur donne à Grace sa pensée du jour : tirer par le bas, c'est-à-dire tirer la dernière carte du paquet, qui est connue, au lieu de la première, inconnue.
4) Certains arrivant en retard au cours, on fait remarquer que la pendule du domaine est arrêtée. Rien d'étonnant pour Grace puisque personne ne la remonte. En raison de la même paresse, une minorité a participé aux travaux des champs. Mais une question plus importante est soulevée pour mettre en œuvre la votation démocratique. Flora et Elisabeth revendiquent toutes deux la propriété du petit râteau cassé. On vote pour Elisabeth. Le vote suivant interdit à Sammy de rire la nuit de ses propres blagues vaseuses car cela empêche les autres de dormir. Puis sur proposition de Wilhelm on nomme un responsable de la pendule, lequel voudrait savoir l'heure qu'il est. On vote encore en faveur d'une évaluation parmi deux, qui déterminera l'heure officielle. Le 2e cours se fait en présence de la famille de Mam. Grace s'indigne de ce que la Loi de Mam prescrivait des rations de nourriture inégales en fonction de la catégorie. "Pourquoi un nègre fier aurait-il moins qu'un nègre charmeur ?". Le contremaître se borne à répondre qu'il ne faisait qu'obéir au Livre. Le fils de Mam argue que c'était pire ailleurs, où l'on mangeait de la terre, ce que le livre interdisait. Il ajoute que les différences sont naturelles. On ne donne pas la même dose de fourrage à un bœuf et à un lapin. Très mécontente de ces réponses, Grace punit les blancs en les obligeant à servir les affranchis à table grimés en Noirs. Cependant, le contremaître annonce l'arrivée d'une tempête de poussière dévastatrice, les cultures n'étant plus protégées par les arbres du jardin de Mam. La tempête faisant rage, Timothy à cheval piétine héroïquement les amas de poussière. Grace le rappelle, ce qui fait dire à Flora qu'elle est folle de lui. On le ramène sur un brancard.
5) Les vivres sont touchés, et la pneumonie se déclare. Grace se sent coupable. Timothy cependant indique qu'il suffit quelques plans sauvés pour avoir une récolte de qualité. Tout le monde s'y met. Grace a le sentiment que son idéal se réalise. Mais face à cette solidarité imprévue, elle se sent seule, et son corps de femme inhibé par les lourdes responsabilités se réveille. Elle traîne autour de la douche des hommes, puis fait un rêve érotique où Timothy joue un rôle intéressant. Elle est réveillée par Rose, la mère de Claire, dont la pneumonie a empiré. Grace impose un rationnement général rigoureux pour réserver à la petite les aliments nécessaires à sa santé.
6) On a abattu l'âne pour fournir de la viande à Claire. Le moral baisse, y compris chez les gangsters, rationnés comme tout le monde et qui commencent à murmurer. Grace mange de la terre avec les autres femmes. Claire semble reprendre des forces, elle vide son assiette pendant la nuit. La famine n'atténue pas les fantasmes sexuels de Grace, au contraire. Alors qu'elle se masturbe sur son lit, on l'appelle d'urgence : Claire a succombé. On découvre que la vieille Wilma volait la nourriture de la petite malade à la faveur de la nuit, grâce à sa fenêtre qui s'ouvre de l'extérieur. A la réunion du lendemain, sur les instances de Jack, le père, qui demande justice, car "vous avez dit cent fois qu'on y avait droit", la peine de mort est votée. En effet, "Wilma n'a pas eu pitié de Claire. Alors on ne doit pas avoir pitié d'elle". Ayant remercié l'assemblée, Jack court incontinent appliquer lui-même la sentence. Mais il est stoppé par l'un des gangsters. Grace sera l'exécutrice, ce ne doit pas être une vengeance. "D'accord, à condition qu'elle souffre autant que Claire". Lui faisant croire à un acquittement, Grace reste au chevet de Wilma jusqu'à ce qu'elle s'endorme, puis lui tire une balle dans la tête.
7) La récolte est splendide. Le chauffeur du caïd fait une brève apparition pour dire à Grace que son père l'attendra un quart d'heure, pas davantage, lundi à 20 heures devant la grille. La famille des anciens maîtres a réussi son examen. Grace leur décerne un diplôme de bons Américains. Timothy va récupérer le produit de la vente de la récolte. Les gangsters quittent la propriété. Grace est soulagée de dire adieu au pouvoir. Tout le monde est à table, sauf Timothy qui, adossé à une colonne, regarde Grace, selon Flora, toujours taquine. Grace se lève pour l'inviter à prendre place parmi eux, mais le fier Munsi l'entraîne dans la chambre de Mam où il la prend sans ménagement en ahanant avec une énergie rythmique de marteau pilon après lui avoir recouvert la tête de son mouchoir blanc. Surprise dans son attente érotique, Grace est soudain submergée par un formidable orgasme qui lui arrache un long cri. Son amant étant profondément endormi, elle entend du bruit au dehors et voit par la fenêtre le cheval enflammé fuyant au loin. Dans la cour, Sammy sanguinolent est à terre sans vie. On l'informe que les gangsters ont pris l'argent et que cela a déclenché une hystérie collective. Il y a d'autres victimes. Timothy était censé surveiller la cachette où il avait lui même placé l'argent. Sammy fut soupçonné parce qu'il était souvent avec les gangsters. Il est toujours impossible de réveiller Timothy. Grace apprend qu'il a vidé trois bouteilles de vin avant le dîner. Et pourtant les Mumsis ne boivent pas ! Le Docteur Hector paraît. Il rapporte les 80% de l'argent gagné sur le voleur. Il s'agissait de Timothy. Mais les Munsis ne jouent pas ! "Il n'est pas Munsi" répond Hector. C'est un Mansi. Et il livre sa devise du jour : "On dit que le Munsi est crâneur, mais le Mansi, quel baiseur!". Grace monte consulter le livre à côté de Timothy toujours dans son sommeil, et s'aperçoit qu'elle avait fait une erreur de lecture. Il n'appartenait pas à la catégorie 1 mais à la 7, celle des caméléons charmeurs, ceux qui changent selon l'opportunité.
8) Grace a résolu de partir et annonce à la communauté déjà réunie par Wilhelm pour un vote, qu'elle lui offre deux cadeaux d'adieu. L'argent récupéré, le nom du voleur et sa véritable nature. Le livre, qu'elle considère comme abominable, mais où figure la preuve de l'appartenance de Timothy à la communauté des Mansis. Wilhelm précise que c'est à la page 104. Devant l'étonnement de Grace, il révèle qu'il a rédigé le livre sur la prière de Mam, car la population de Manderlay n'était pas mûre pour l'affranchissement. Les catégories 2, 3 et 5 étaient au courant. Devant les protestations de Grace, il considère que c'était un moindre mal : être logé nourri, avoir un maître qu'on peut considérer comme arbitre du destin alors qu'il n'y avait pas d'espoir au dehors, se rassembler à midi sur l'esplanade, seule endroit ombragé à cette heure de la journée, être catégorisé pour simplifier la vie au sein d'une communauté étouffante, jouer du coton et non de l'argent pour ne pas se ruiner. Grace répond qu'ils ne sont pas libres, et c'est ce qui compte. Wilhelm élude la question pour venir à celle du vote. Elire une nouvelle Mam après avoir réinstauré la vieille loi. "C'est vous, Grace que nous avons élue. Comme vous l'avez fait pour nous, nous sommes prêts à employer la force pour cela". Pour pouvoir rejoindre son père qui l'attend ce soir, elle feint d'accepter, et propose d'abord de traiter l'affaire en cours selon la loi de Mam. Il s'agit de cacher une bouteille de vin dans les affaires de Timothy pour le punir du fouet. Grace exécute elle-même la sentence en ahanant comme l'a fait le faux Munsi sur le lit de Mam. Mais au tintement de l'horloge, elle se précipite au dehors. Personne, mais une lettre accompagnée d'un bouquet. Elle avait oublié que l'heure avait été déterminée par un vote. Dans la lettre, son père se dit fier de sa fille, car il l'a vue à l'œuvre à son insu pendant la punition. Grace s'enfuit sur la carte des Etats-Unis en se disant que l'Amérique avait tendu la main, fût-ce discrètement, mais que celui qui refuse de voir une main secourable n'a qu'à s'en prendre à lui-même. Reste la carte, suivie au générique de fin d'une série de photos d'actes racistes.