CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Fritz LANG
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Le Secret derrière la porte (Secret Beyond the Door) USA VO N&B 1948 99' ; R. F. Lang ; Sc. Sylvia Richards, d'après Rufus King ; Ph. Stanley Cortez ; M. Miklos Rozsa ; Pr. Universal ; Int. Joan Bennett (Celia), Michael Redgrave (Mark Lamphere), Ann Revere (Caroline Lamphere), Barbara O'Neil (Miss Roby).

   Prise de passion, Celia épouse un peu trop vite l'architecte Mark Lamphere rencontré à Mexico dans le contexte brûlant d'une rixe masculine pour les beaux yeux d'une jeune
femme. Elle va tout découvrir à son détriment : c'est un névrosé au comportement fuyant, qui lui a caché un fils adolescent et une épouse suicidée. Il collectionne de plus les reconstitutions de chambres qui furent le théâtre d'un crime. Elle a la tentation de lui fausser compagnie, mais se résout à rester par amour.
   Il reste une porte interdite, celle de la chambre n°7, que Célia ouvre après avoir pris l'empreinte de la clé dont elle a fait faire un double. Avec horreur
elle réalise que la chambre est la réplique exacte de la sienne. Entre-temps, Mark qui se sait un instinct meurtrier envers Celia s'intente un procès imaginaire. Certaine qu'il a l'intention de l'assassiner, la jeune épouse réprime son envie de fuir et l'attend dans sa chambre reconstituée avec une brassée de lilas, plante qui provoque chez son époux des réactions névrotiques. Ce qu'elle avait compris à son brusque refroidissement alors que, la boutonnière ornée d'un brin de cette fleur, elle accueillait Mark à la gare.
   Ce dernier surgissant en effet dans la fausse chambre croit se souvenir que sa mère, qui aimait le lilas, l'avait laissé pour aller danser. Mais la clé restée ostensiblement à
l'extérieur tourne précisément dans la serrure. Ce qui lui rappelle en outre que sa mère l'avait enfermé. Il se dirige vers son épouse dans l'intention de l'étrangler avec une écharpe mais s'arrête net quand elle lui révèle ce qu'elle a appris depuis son mariage : qu'il avait été enfermé par sa sœur. À ce moment-là un incendie éclate, allumé par la personne qui a fermé à clé : la secrétaire amoureuse de Mark, renvoyée pour s'être trop mêlée de ses affaires privées. Mark a un sursaut qui entame sa guérison : il sauve sa femme au péril de sa vie.

   Le thème du secret sanglant dans la tradition du mythe de Barbe bleue, est habilement combiné aux suggestions de la passion érotique s'exprimant
off par la voix de Celia, qui est donc aussi la narratrice. Le mystère du récit, qui s'apparente à une descente personnelle dans le souvenir, est mis en relief par son appartenance au monde intérieur de la jeune femme. Ce qui se traduit par le caractère inquiétant du visage trop candide de Mark dans des surcadrages (tableau), par exemple au moyen de lourds rideaux de style ancien ou derrière la vitre d'un train devant laquelle de surcroît passe un nuage de fumée. On remarque également que l'espace intérieur de la maison est anormalement vaste et labyrinthique en raison d'un brouillage de la topographie au moyen du montage et du cadrage.
   Mais l'ensemble des procédés reste trop voyant : jeux sur le thème du flou, de l'indistinct, de l'absence, du vertige : par les reflets, la fumée, la
brume ou la lumière sombre, le tableau de style ancien, les masques ethnologiques, les rideaux agités, les ombres et les contre-plongées superlatives, les couloirs profonds dans la pénombre. A l'approche du dénouement, la pendule sonnant vingt-trois heures trente annonce l'approche de l'heure mythique du crime.
   Conforme à une esthétique du temps bien datée, la séquence imaginaire du procès avec son décor nu, ses silhouettes enveloppées d'ombre et la scansion lente du marteau du juge ne passe plus
aujourd'hui. La bande-son en rajoute des tombereaux entre le cri d'horreur sur écran noir, les sifflements du vent, les coups de tonnerre tragiques et une musique de renfort tonitruante, qui commente symphoniquement avec tambours et trompettes le moindre battement de cil. Enfin, nous avons droit à une psychanalyse de comptoir, selon laquelle il suffit de mettre au jour le trauma pour éradiquer des pulsions meurtrières, naïveté à la mesure de cette esthétique du frisson mélodramatique. 15/05/03 Retour titres