CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Eric ROHMER
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Les Rendez-vous de Paris Fr. 1994 94' ; R. E. Rohmer ; Ph. Diane Baratier ; Son Pascal Ribier ; Mont. Mary Stephen ; M. Sébastien Ermes, interprétée par "Mouffetard Musette" ; Pr. Françoise Etchegaray ; Int., pour Le Rendez-vous de 7h : Clara Bellar (Esther), Antoine Basler (Horace), Mathias Mégard (le dragueur), Judith Chancel (Aricie), Les Bancs de Paris : elle (Aurore Rauscher), lui (Serge Renko), Mère et Enfant 1907 : le peintre (Michael Kraff), la Suédoise (Veronika Johansson), la jeune femme (Bénédicte Loyen).

   Dans le genre de la comédie rohmérienne, entrecoupés par des chansons de rue dans le vieux style Titi (par "Mouffetard Musette"), trois contes sur fond de décor parisien marqué par les saisons et dont le titre commun pourrait être : "Esquisses sur la déception amoureuse à Paris".

   Dans le premier, Esther est alertée par des tiers sur le papillonnage de son amoureux Horace. On lui conseille de le rendre jaloux. Elle fixe rendez-vous au premier dragueur venu chez Dame Tartine, le café de Beaubourg où Horace semble prendre ses quartiers. Mais elle soupçonne son dragueur être le voleur de son portefeuille au marché. Une inconnue, Aricie, ramène celui-ci, vide, à son domicile. Elles sympathisent. Or Aricie, qui a justement rendez-vous chez Dame Tartine un peu plus tôt qu'Esther, lui propose de l'accompagner pour avoir son avis sur la personne. Laquelle n'est autre qu'Horace, qu'Esther congédie. Elle disparaît elle-même sans attendre son dragueur qui, d'être fidèle au rendez-vous se trouve disculpé du vol, ce que personne ne saura jamais.

   Filmé au début de l'été dans des tons éclatants. Le décor du marché Edgar Quinet est arrangé en lieu de fête par une débauche de verdures ornées de guirlandes qui relient de part et d'autre de l'allée les tentes rouges et jaunes alternant avec les gris traditionnels. Les toilettes d'Esther varient en fonction de ses états d'âme. Le récit se concentre essentiellement sur le charme d'une étudiante de 1994 dont la souffrance amoureuse est tempérée par les ressources d'une génération qui n'investit plus pour la vie.

   Les Bancs de Paris
, sont ceux des jardins publics que parcourt un jeune couple chaste. Elle vit encore avec Benoît, un cadre qu'elle n'aime plus, sans pouvoir se décider à le quitter. Lui, jeune professeur de littérature, s'autorisant de ce qu'elle le câline et déclare l'aimer - quoique moins que l'autre -, inlassablement l'invite à venir chez lui ou partir en voyage. Elle a toujours de bonnes raisons de différer, alléguant qu'il ne faut pas dépoétiser la relation etc., d'autant qu'il fait montre d'une patience à toute épreuve. Jusqu'au jour pourtant où c'est elle qui, à la faveur de l'absence de Benoît appelé en province, lui propose un voyage... à Paris, dans un petit hôtel de Montmartre. C'est à son tour de reculer, mais il finit par accepter. Hélas au moment d'y toucher ils sont devancés par Benoît qui leur brûle la place en compagnie d'une fille. Elle tourne alors sa déception contre lui et le quitte sur-le-champ, sous le prétexte notamment que les deux hommes lui étaient complémentaires et que, dès lors qu'elle a trouvé une bonne raison de quitter l'un, l'autre n'a plus de sens.

   C'est donc cette fois-ci le charmant portrait d'une odieuse allumeuse et de son complément-poire, avec variations sur les toilettes en fonction des situations, la dernière étant en rouge et noir pour un temps d'hiver, emblème prémonitoire de la
violence de frimas amoureux clôturant le récit.

   Enfin
Mère et enfant 1907 est un portrait de Picasso, désignant par métonymie l'aventure d'un jeune peintre qui doit guider dans Paris une Suédoise avec laquelle il n'a aucune affinité. Au musée Picasso, il trouve un prétexte pour la quitter, lui fixant rendez-vous le soir à la Coupole, mais en sortant il est happé par le sillage d'une jeune femme qui le mène derechef à l'intérieur jusqu'au tableau éponyme. Là il retombe sur sa Suédoise à qui il confirme le rendez-vous avant de se précipiter à la suite de l'inconnue et de l'aborder. Elle lui assure qu'il n'a aucune chance, qu'elle est jeune mariée et qu'elle doit rejoindre dans vingt minutes son mari éditeur d'art pour retourner chez eux à Genève. En cheminant ils se trouvent devant le domicile du peintre. Contre toute attente, elle demande à voir ses œuvres, et se comporte de façon absolument contradictoire. Tout en se tenant sur ses gardes, elle le sonde, avec un comportement à la limite de la provocation, pour savoir à quel point elle plaît, puis disparaît sans lui accorder même un baiser. Il retourne à sa toile, et accepte une invitation pour le soir avec l'autorisation de venir accompagné. Mais la Suédoise lui pose un lapin. Il finit la journée seul avec sa toile,

   Voilà donc en définitive de fines études où le dialogue et la construction narrative prennent une part essentielle. Elles sont servies par une narration filmique des plus logiques, qui semble même avoir plaisir à découper l'action en pièces s'ajustant parfaitement les unes aux autres. Les films de Rohmer (à l'exception du Rayon vert) sont des films de scénario revendiquant une qualité littéraire. L'émotion, puisqu'on peut être sensible à ce genre, repose sur le décryptage d'une représentation
(1) et absolument pas sur une alchimie du langage filmique, bref sur une écriture, qui signerait le caractère artistique(2) de l'œuvre. Ces limites étant définies, reconnaissons néanmoins que l'habileté narrative n'exclut nullement un style vraiment personnel. 30/07/02 Retour titres