CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE

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André TÉCHINÉ
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Les Roseaux sauvages 1994 110’ ; R. A. Téchiné ; Sc. A. Téchiné, Gilles Taurand, Olivier Massart ; Ph. Jeanne Lapoirie ; Mont. Martine Giordano ; Déc. Pierre Soula ; M. Adagio pour cordes de Samuel Barber, etc. ; Pr. IMA Films, Les Films Alain Sarde ; Int. Elodie Bouchez (Maïté), Gaël Morel (François), Stéphane Rideau (Serge Bartolo), Frédéric Gorny (Henri), Michèle Moretti (Mme Alvarez, Jacques Nolet (M. Morelli), Pierre Bartolo (Erik Kreikenmayer).

   Sous les sanglants drapeaux de la guerre d’Algérie Pierre Bartolo se marie non par amour mais pour bénéficier de la permission au bercail, dans la Garonne. Sont présents aux festivités notamment Maïté, François son platonique petit-ami et Serge, le frère de Pierre, tous trois préparant le baccalauréat, et la mère de Maïté, 
Mme Alvarez, professeure de français des garçons, qui est communiste. À ce titre, Pierre lui demande de l’aider à déserter, en vain.
   À l’internat du lycée, François et Serge, qui pourtant désire Maïté, ont un épisode sexuel. Puis François étant aussi attiré par Henri, un pied-noir OAS, orphelin de père désabusé et violent, il prend conscience de son homosexualité et s’en confie à Maïté, laquelle se montre philosophe.
   Pierre tombe au champ d’honneur. 
Mme Alvarez fait une dépression nerveuse. Elle est remplacée par M. Morelli, Pied-noir de l’autre bord, époux d’une magréhbine. Par pure bonté, il donne des cours particuliers à Henri qui a pris du retard. Finalement celui-ci décidant de tout laisser tomber va, avant de quitter la ville, bouter le feu à une affiche communiste puis se rend avec la même intention au local du siège, où se trouve Maïté.
   Il se ravise troublé à sa vue. Serge prenant ses distances avec un François amoureux de lui a des relations avec la veuve de son frère, mais pense toujours à Maïté. En attendant les résultats du bac, les quatre jeunes gens vont se baigner. Maïté se donne par amour à Henri. Lequel avait différé son départ à cause d’elle mais finit par s’en aller. Serge a compris qu’il devait sans la jeune fille fonder le foyer auquel il rêvait pour reprendre la ferme de ses parents. François devra trouver ailleurs son bonheur.

 
   C'est, conté off par les protagonistes tour à tour, un très joli récit d’apprentissage sur fond de réalité historique et politique, d’un sage académisme. Les acteurs presque tous débutants sont remarquablement dirigés dans le sens de la spontanéité. Les échelles de plan alternent les très gros plans sous des éclairages donnant l’éclat voulu sans écraser les traits ni jouer sur le modelé esthétisant contraire aux frémissements de chair, avec les plans larges situant les personnages dans des espaces souvent lyriques grâce à la grande nature estivale.
   Un sens aigu de la filmicité se mesure notamment au travail du rythme. Au cours de sport, Henri fait, en gros plan, face-caméra, d’amères confidences scandée par le choc régulier des roulades sur caoutchouc tendu.
   L’indéniable authenticité de ce récit largement autobiographique est pourtant battue en brèche par les concessions au bon goût public : le lyrisme paysager, et la rengaine d'accompagnement,
doublement empruntée, à Samuel Barber et à The Elephant Man (1980) en seconde main, prennent finalement le pas sur le monde intérieur. Le rythme même qui était fascinant d’être uniquement sonore donc hors-champ et acousmatique est soudain démystifié quand le plan en question s’élargit pour découvrir dans l’arrière-plan flou la cause pourtant devinée de ce bruit régulier obsédant. C’est alourdir le filmage en affaiblissant la sensation, à l’instar, du reste, de la musique auxiliaire dont le sentimentalisme larmoyant adultère l’authenticité de la fable.
   Au total, facture impeccable et sincérité absolue mais voix off du souvenir et concession aux effets : la vérité crue du présent est sacrifiée au profit d’une esthétique de la nostalgie, ramenant la violence de l’enjeu adolescent à la platitude d'une peinture attachante. 9/12/2010
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