CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Anne LE NY
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Ceux qui restent 2008 94’ ; R., Sc. A. Le Ny ; Ph. Patrick Blossier ; Mont. Idit Boch ; Son Nicolas Cantin, Béatrice Wick, Cédric Lionnet ; Déc. Yves Brover ; Cost. Nathalie du Roscoat ; M. Béatrice Thiriet, chanson Where or When par Bryan Ferry ; Pr. Studio Canal, France 2 Cinéma, Canal+ ; Int. Vincent Lindon (Bertrand Liévain, professeur d'allemand), Emmanuelle Devos (Lorraine Grégeois, graphiste pour revues d'informatique), Yeelem Jappain (Valentine, 16 ans, belle-fille de Bertrand), Anne Le Ny (Nathalie, sœur de Bertrand).

   Bertrand et Lorraine se croisent dans l’hôpital de banlieue où séjournent leurs respectifs conjoints. Lorraine propose à Bertrand de le raccompagner en voiture jusqu’à Paris où il prend le RER pour Champigny. Bertrand, dévoué à son épouse Cécile rongée depuis cinq ans par un cancer du sein, vit avec sa belle-fille de seize ans. Lorraine, voudrait se libérer de Thomas, son ami de cœur, affligé, lui, d’un cancer du côlon.
   Puis fiasco sexuel dans le parking de l’hôpital. L’épouse de Bertrand meurt, tandis que l’opération du côlon échouant impose le port d’une poche externe qui dégoûte son amie. Bertrand continue ses visites à l’hôpital en cachant son veuvage à Lorraine. Conjonction sexuelle réussie au domicile de celle-ci. Il déclare que c’est sans avenir, qu’elle doit s’occuper de Thomas, lui de Cécile, qu’il n’y a pas d’amour. Elle finit par éventer son mensonge. Il téléphone à Isabelle, la femme pressentie par la famille pour succéder à Cécile.

   Le filmage se veut réaliste, ce qui suppose un naturalisme du dialogue, consistant en un débit régulier assez rapide, à la limite de l’audible, dépourvu donc des brisures, des ratages, des répétitions, bégaiements ou silences qui sont la respiration de la parole vraie. Les possibles silences sont, du reste, confisqués par la musique supradiégétique assurant le pathos qui était pourtant si judicieusement exclu de l’image. C'est en tout cas contradictoire avec le mélange voulu du sérieux et du comique, notamment dans l'épisode du bébé dont les premiers pas échappent à la mère. Il suffit d’écouter la bande-son sans les images pour se rendre compte que, malgré le soin mis à l’ambiance sonore en extérieur et en intérieur, tout passe par un dialogue plaqué, la musique - cordes plaintives et clavier mélancolique - détonant par le pathétique et dérisoire effort pour décrire un monde intérieur supposé, que les images s'avèrent inaptes à incarner.
   Le choix naturaliste, de plus, engendre un filmage banalement narratif. La poésie toutefois s’y loge dans le caractère elliptique qui va se radicalisant au fur et à mesure. On ne voit jamais les deux malades. L’espace se concentre sur le hall et les couloirs de l’hôpital, les espaces de transition comme la station de bus, celle de RER associées à la voiture de Lorraine, et la maison de Bertrand, puis à la fin l’appartement de Lorraine. Lorsque celle-ci paraît la première fois, son visage garde la trace de larmes qu’on n’aura donc pas vu couler. Bref, c'est filmique tout de même.
   Emmanuelle Devos est si étonnamment naturelle, elle domine si bien l’intrigue qu’on a l'irrésistible impression que tout le film procède de son personnage. (Galerie des Bobines)
   En face, un Lindon monolithique et lourd, encore ralenti par le caban antédiluvien et les interminables trajets dans les transports en commun. Le rapport à sa belle-fille, à sa sœur et à la famille de celle-ci lui confère une épaisseur psychologique et sociale, mais le jeu du personnage reste cramponné à l'image habituelle du bon gros toutou mélancolique. Le plus intéressant est dans la contradiction. Tout est fait pour que le lâche paraisse bon. La femme, en revanche, ne cache pas son immoralité mais sa liberté représente une ressource plus positive que la moralité publique. On peut regretter que cette liberté reste confinée à la sphère du personnage. 1/03/10
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