CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Roman POLANSKI
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Répulsion (Repulsion) GB VO N&B 1965 105' ; R. R. Polanski ; Sc. Gérard Brach, R. Polanski ; Ph. Gilbert Taylor ; M. Chico Hamilton ; Pr. Compton ; Int. Catherine Deneuve (Carole), Ian Hendry (Michel), John Fraser (Colin), Yvonne Furneaux (Hélène).

   Carole partage un appartement londonien avec sa sœur Hélène dont elle tolère mal l'amant, Michel. Leurs bruyants ébats nocturnes et les objets de toilette masculins dans la salle de bain la révulsent. Le couple part en vacances. La jeune femme s'isole totalement, néglige le ménage, laisse pourrir le lapin extrait du réfrigérateur, bourdonnant de mouches. Elle est sujette à des états étranges, compromettants pour son travail d'esthéticienne dans un institut de beauté. Dans son sac à main est trouvée la tête du lapin en décomposition. Bientôt elle ne quitte plus le logement. Le jour elle croit voir se lézarder les murs en craquant. La nuit elle est violée en rêve. Colin, jeune amoureux, s'inquiète et lui rend visite.
   Elle l'assomme à mort avec un bougeoir, puis immerge le cadavre dans la baignoire pleine. C'est le propriétaire ensuite, tentant d'abuser d'elle, qui est assassiné avec le rasoir de Michel. À leur retour, Hélène et Michel découvrent la jeune fille léthargique sous un lit parmi le désastre. Les voisins envahissent l'appartement. Michel va téléphoner puis revient emporter Carole dans ses bras pour la faire soigner. Après un lent coup d'œil circulaire sur quelques colifichets infantiles, rythmé par un égouttement obsédant et le tic-tac du réveil dont l'intensité varie en fonction de la distance, la caméra se fixant sur la photo de famille serre sur le minois angoissé d'une blondinette entre une mère sévère et un père souriant.

   L'univers de la folie se déploie sous nos yeux au moyen d'un filmage à la fois subjectif et extérieur, que dramatisent les sons environnants réels ou imaginaires. Des cris et rires émanent d'un couvent de femmes, qu'observe à intervalles l'héroïne. Ils dramatisent les événements par leur ambiguïté : réclusion et jeux, chasteté et émancipation. En même temps, des chants d'oiseaux donnent une présence accrue à la vie extérieure, soulignant la claustration renforcée par le voisinage conventuel. À l'intérieur, tic-tacs d'horlogerie, bourdonnement des mouches, égouttements d'eau et pas humains dans l'escalier scandent et substantifient l'angoisse qui transparaît dans la douceur absente du jeu de Catherine Deneuve (Galerie des Bobines).
   Le récit décrit une peur panique de la sexualité. Le visage d'un ouvrier lâchant une obscénité à son passage dans la rue montre une convoitise brutale avec la certitude vulgaire, appropriative, d'être partagée. Aux tics de la main effaçant une tache sur les vêtements ou cherchant convulsivement à calmer une démangeaison de l'arête du nez s'associent les hallucinations liées à la maison. Les murs défaillants ni les portes ne constituent un rempart sûr contre l'intrusion masculine. Dans un cauchemar, une porte de sa chambre pousse en s'ouvrant l'armoire qui la cachait, livrant passage à un violeur nocturne.
   Sans l'imagination cependant, la mise en scène aurait beau parfaitement régler la succession hallucinée des étapes d'une lente descente aux enfers. C'est que les crises de Carole sont ambivalentes, aussi vrai que son physique jure avec sa phobie du sexe. Sa hantise procède d'un fantasme de viol
a tergo (vaginal par-derrière) qu'elle mime dans son sommeil, s'éveillant troussée dans la posture adéquate. La fin indique que le dégoût pour Michel cache une attirance. Ayant reniflé en son absence sa chemise de corps imprégnée de sueur, elle avait été prise de vomissements. C'est avec le rasoir de l'amant de sa sœur, véritable objet "transitionnel", que la jeune femme a décapité le lapin et lacéré à mort le propriétaire. Abandonnée dans ses bras, elle échange un long regard avec son sauveur. L'accent est mis sur le couple ainsi formé qui s'enlève sur le fond de laideur et de bêtise des voisins curieux débitant les fadaises habituelles. Le caractère inquiétant de la photo de famille cependant ne laisse guère de chance à une issue optimiste.
   C'est en bref à la fois la cohérence imaginaire et la rigueur du récit qui font la force artistique
(1) du film. Polanski témoigne de sa capacité, dans ses premiers films, à un travail véritablement filmique, c'est-à-dire, qui ne se fonde pas sur des a priori émotionnels : le pathos, le pittoresque, le terrible, voire sur une fallacieuse caution du réel, mais sur la dramatisation par la bande. 3/04/05 Retour titres