Point
de reflet sans lumière, naturelle ou artificielle. La
lumière, en général, est un puissant
principe de liaison, instantanée à
l'échelle de la perception humaine. Tout
phénomène lumineux par scintillement,
miroitement, lueur ou image, témoigne
nécessairement d'un fait solidaire situé
à une distance plus ou moins grande.
Un quelconque reflet dans le champ de la
caméra suppose
plusieurs genres de source : extrafilmiques, intrafilmiques ou
combinées. La lumière a le pouvoir de franchir
les limites du dispositif filmique en ouvrant le champ sur le
hors-champ et en établissant des relations optiques avec la
réalité de l'équipe de tournage qui
est aussi celle du spectateur. Un miroir placé dans le champ
face à la caméra capte censément
l'image de celle-ci. D'où la différence
essentielle entre miroir et surface polie ou mate en tant que
réfléchissants. Toute image d'origine
extrafilmique d'un miroir situé dans le champ,
déroge aux règles narratives et se disqualifie
comme anomalie. Or, lorsque, dans notre film, un miroir est
cadré face, il se trouve répercuter de
façon anormale, par exemple, l'image d'une fenêtre
avec laquelle il se confond en faisant coïncider les cadres :
figure manifeste soulignant le jeu optique et incitant le spectateur
à une lecture non littérale. Selon le code
narratif, l'image dans un miroir appartenant au décor ne
peut donc logiquement opérer d'échange qu'entre
des faits vraisemblablement compatibles entre eux. Excepté
si la chose reflétée dans le miroir prend une
valeur métaphorique. Quand le narrateur se
remémore un incendie contemporain de son enfance difficile,
l'image du brasier surmonté d'un panache de fumée
et captée par un vieux miroir évoque un
champignon atomique. Elle établit un lien entre la crise
familiale et les menaces planétaires.
Tandis qu'indéterminé, un
scintillement, un
miroitement sur une surface réfléchissante ou une
lueur projetée sur un matériau mat, peuvent
établir un lien entre réalité physique
extrafilmique et fiction et réciproquement. Au prologue,
Ignat se penche sur l'écran d'un
téléviseur encore éteint, comme pour
en observer les reflets indistincts. Qu'est supposé
refléter cet écran vide ? Le monde
réel côté caméra. Ce qui
signifie que le récit auquel appartient Ignat, s'efforce de
communiquer avec le monde extrafilmique.
Davantage, un reflet non identifié peut
se combiner avec
l'image nette d'un miroir, soit que biseauté, celui-ci
renvoie par sa bordure "déflexive" une anamorphose ou des
fragments indiscernables et de source inconnue, soit qu'un miroir dans
le miroir capte un éclat de pure lumière
désoriginée ou un fragment d'image
décontextualisée et inintelligible. Ce qui permet
de tourner le code. Certes c'est bien l'image
réfléchie du contexte de la fiction qui s'inscrit
dans le miroir et pourtant, réflecteurs ou
déflecteurs parasitaires mettent en cause la
pureté de l'espace diégétique, voire
l'étanchéité catégorielle
entre réalité et fiction.