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Psychose (Psycho) USA VO N&B 1960 109' ; R. A. Hitchcock ; Sc. Joseph Stefano, d'après Robert Bloch ; Ph. John L. Russel ; Eff. Sp. C. Champagne ; M. Bernard Herrmann ; Pr. A. Hitchcock/Paramount ; Int. Anthony Perkins (Norman Bates, Galerie des Bobines), Janet Leigh (Marion Crane), Vera Miles (Lila Crane), John Gavin (Sam Loomis), Martin Balsam (Arbogast), John McIntire (le shérif).
Marion, jolie secrétaire qui passe l'heure du déjeuner dans une chambre d'hôtel avec un homme divorcé qu'elle ne peut épouser faute d'argent, dérobe quarante mille dollars à son patron et joue la fille de l'air pour son malheur.
S'étant arrêtée sur le bas-côté de la route pour la nuit elle est réveillée au matin par un flic dont les montures solaires chaussant un nez phallique semblent dissimuler un regard de voyeur. Plus tard elle change de voiture et, sans pouvoir joindre le lieu de résidence de son amant avant la deuxième nuit, se fourvoie dans un motel aux allures de ville-fantôme, que domine une lugubre maison "gothique".
Après une altercation avec une vieille mère autoritaire dont les éclats de voix parviennent aux oreilles de la fugitive, Bates, le charmant jeune hôtelier passionné de taxidermie qui voulait inviter sa cliente à dîner, revient tout penaud avec un petit plateau. Durant une soirée amicale dans une arrière salle peuplée d'oiseaux empaillés et jouxtant le bureau, au cours de laquelle la jeune femme a décidé intérieurement de restituer son butin. Elle réintègre à côté sa chambre et se déshabille sans savoir qu'un œil l'observe à travers un minuscule trou de la cloison.
Un peu plus tard, elle est sauvagement agressée à l'aide d'un énorme couteau qui interrompt définitivement son délassement sous la douche. L'assassin a des airs de femme androgyne, et en effet on apprendra qu'il n'est autre que Bates dans le rôle de sa mère, par lui jadis assassinée en compagnie d'un amant, puis empaillée comme partenaire fidèle des monologues d'un ventriloque délirant.
Que trouver encore à dire sur un des plus grands films-fétiches de l'histoire du cinéma, tourné sans aucune ambition avec un budget ridicule de huit-cent mille dollars ? Qu'il y a au moins quatre raisons probables et surtout interdépendantes à cette phénoménale postérité. La sobriété, le sexe pervers auquel s'associe le thème de la mort, et le cynisme.
La sobriété épargne les bavardages et excès illustratifs de l'image, limitant la démarche à une stricte fonctionnalité qui laisse la place aux fantasmes(1) structurants. Ceux-ci, faisant fi de cette pauvre spiritualité sur laquelle prétend se fonder l'humanité monogamique hétérosexuelle du monde dominant, font honneur à un passionnant dialogue d'organes bruts avec leurs déplacements.
Le sexe, l'œil, l'anus. Le couteau hyperphallique ne frappe au ventre un moment que pour mieux affirmer un genre d'effraction sanglante de la chair féminine, qui se passe d'orifice naturel. Le pur viol qui en résulte est avéré par le filet de sang sinuant entre les jambes puis aspiré par le tourbillon de la bonde, tenant à la fois de l'œil et de l'anus.
De l'anus comme figure du muscle sphinctérien et rappel du tourbillon de la cuvette des WC où Marion fait disparaître les débris de ses comptes, lesquels, d'abord objet de rétention comme il se doit, se trouvent brutalement évacués avec la vie.
À l'œil du voyeur - avec son accessoire, la fenêtre entrouverte sur les ténèbres extérieures - qui se déplace dans des figures étroitement associées au crime : le pommeau de la douche cadré comme figure de l'iris, la bonde elle-même se combinant l'espace d'une fraction de seconde avec l'œil en surimpression.
Elle apparaît comme une monstrueuse invagination gobant tout un univers corporel lui-même absorbé par un œil avide. L'énormité de la somme volée rend compte du degré de l'obscénité nécessaire à sa satisfaction. Les corps empaillés ne sont rien d'autre que le résultat d'une exténuante jouissance par laquelle tout le corps se vide par l'orifice anal. C'est ainsi que Bates ayant absorbé par l'œil l'obscénité majeure l'a expulsée par le bas pour se faire oiseau vidé puis empaillé.
Ce qui associe au sexe la mort dont Hitchcock multiplie joyeusement les figures. Des silhouettes de spectres dans des instruments de jardinage, par exemple, ou le rictus macabre, frappant ironiquement le visage de la momie et qui se trouve préfiguré dans le compteur de vitesse surmonté de la chevelure des traînées de pluie - préfigurant la douche - sur le pare-brise de la voiture de la fugitive.
Le cynisme quant à lui, est ici l'effet d'un découpage qui s'assimile à une véritable autopsie, laquelle n'est pas étrangère au voyeurisme présidant à l'étrange ballet des fantasmagories sexuelles. Chaque plan est choisi pour la netteté d'une construction d'autant plus perverse que glaciale.
En bref, le grand mérite de Psychose est de ne presque jamais sacrifier au péché d'anthropomorphisme. Son véritable propos n'est rien d'autre que de l'image, autrement dit, un objet partiel. On ne répètera jamais assez qu'il n'y a nul être humain sur la pellicule, seulement des effets de lumière.
Psychose en est la confondante démonstration, pour autant qu'on puisse en soustraire les dix dernières minutes de fastidieuse leçon psychiatrique. 2/01/03 Retour titres