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Rapport préfabriqué (Panelkapcsolat) Hong. VO 1981 76' ; R. et Sc. B. Tarr ; Ph. Barna Mihók, Pap Ferenc ; Mont. Ágnes Hranitzky ; Son Péter Laczkovich ; Pr. Gyuláné Grosz ; Int. Robert Koltai et Judit Pogaény.
Un morne couple avec deux enfants dont un nourrisson vit dans une cage à lapin de cité-dortoir. L’épouse aspire à ne s’épanouir qu’à travers le foyer qui l'aliène. Lui n’a de cesse de fuir cet air étouffant, d’où, entre autres, son impuissance sexuelle. Après avoir dû renoncer à cause de sa femme à deux ans de mission en Roumanie avec double salaire, ce qui permettait d’acheter une voiture, l’homme finit par plier bagage. Mais il revient. Ils font alors l’acquisition d’une machine à laver.
Nonobstant la dérision de l’épilogue, il s’agit, sur le mode pseudo-documentaire, de brosser le sombre tableau de la vie des familles moyennes de la Hongrie communiste en train de s’ouvrir quelque peu à la consommation.
Direction d’acteur sans faille : demande de reconnaissance de la femme, de fait opprimée, à laquelle se heurte la lâcheté masculine prenant parfois le visage de l’infantilisme, le tout saisi dans un jeu travaillé sans le secours de l’angle ni de l’éclairage. En cela réside le naturalisme, ainsi que dans une caméra épaule tel qu’un invisible témoin. Bien que les très gros plans fixes sur le visage bouleversé, mouillé de larmes, de la femme fasse en contradiction appel à une posture non naturaliste.
Globalement donc, comme toujours, le parti pris naturaliste est un échec d’être en fin de compte plus directif qu’une bête narration conventionnelle. Sauf quand en extérieur, sans en avoir l’air, la caméra saisit brièvement dans un site enchanteur une rangée de hautes cheminées d’usine crachant un noir panache. Ou qu'un bruit de vaisselle hors-champ accompagne la dispute du couple cadré au haut du corps. Seul le regard coordonné de la femme vers le bas signale que c'est elle qui est à la plonge, alors qu'un cadrage complet eût été lourdement explicatif. De même que l’amour fantaisiste mis en scène dans l’attraction de cabaret extériorise le dépit de l’épouse mieux que les scènes de ménage. Ou encore, l'étendue du désarroi de la femme au départ du mari se mesure au fait qu'elle se mouche dans la bavette du bébé.
Bref, ce sont toujours les risques pris relativement à la stricte intelligibilité qui questionnent. Ainsi la scène de départ du mari figure au début et à la fin, mais filmée et montée autrement. Décalage introduisant un jeu salutaire dans l'agencement narratif, et donc une distance quant à la croyance en une réalité qui précéderait le filmage.
La vérité de toute façon ne saurait procéder d'une imitation, autrement dit se soumettre à une image de la réalité toujours déjà interprétée : elle ne peut jamais que s'arracher par la liberté prise justement avec toute préconception.
Le traitement du son est en général plus subtil. Il y a toujours un fond sonore plus ou moins déterminé, bruit de machine domestique non identifiée ou souffle du vent en extérieur. Le champ-contrechamp des dialogues en tire sa substance véridique de ce que la réponse hors-champ chevauche toujours la parole liée au champ. Autrement dit, l’artifice qui consiste à attendre que l’interlocuteur ait fini pour prendre son tour est banni.
Mais c’est l’aspect éthique qui est le plus intéressant parce qu’il n'est pas manichéen. Qui a tort dans cette histoire ? La femme, l’homme, le régime communiste ou le consumérisme naissant ? Je dirais la résignation, sentiment qui questionne bien davantage que toute conclusion péremptoire. C’est ce qu’exprime le dernier plan-séquence du couple sur le plateau du camion avec sa machine à laver fonçant vers l'inévitable médiocrité dans l’air d’été sans y prendre vraiment garde. 3/01/10 Retour titres