CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Marco BELLOCCHIO
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Les Poings dans les poches (I pugni in tasca) It. 1965 107' ; R., Sc. M. Bellocchio ; Ph. Alberto Marrama ; Mont. Silvano Agosti ; Déc. Rosa Sala ; M. Ennio Morricone, Giuseppe Verdi ; Pr. Doria cinematografia ; Int. Lou Castel Alessandro), Paola Pitagora (Giulia), Marino Masé (Augusto), Liliana Gerace (La mère) Pierluigi Troglio (Leone), Jenny MacNeil (Lucia), Irene Agnelli (la prostituée).

   Dans une spacieuse villa isolée au pied des Apennins du nord vit une famille inspirant décadence bourgeoise et consanguinité en décor intérieur surchargé, étouffant. Père décédé, mère aveugle, Giulia, la fille, et trois fils dont deux épileptiques, autant d'adultes inactifs à la charge d'Augusto, l'aîné. Ce dernier aspirant à se marier et à s'installer en ville avec sa promise Lucia, quitte à tromper le temps avec une prostituée.
   Centrée sur Alessandro, rejeton connu alentour comme le "fou de la villa", l'action est soumise à la logique impalpable du mal qui ronge la famille. En projetant de précipiter la voiture familiale au fond d'un ravin avec sa mère, Giulia et Leone, le jeune homme voudrait libérer Augusto de sa charge morale. Tout autres sont les véritables raisons, si tant est que leur complexité est proportionnée au désastre congénital. En confidence à Giulia, il se contredira plus tard aux obsèques de sa mère, se plaignant qu'Augusto tire profit du décès. Il est recalé au permis mais prétend le contraire au grand-frère, qui consent à lui confier le véhicule. Alessandro parvient même à l'amener à convaincre Giulia de faire partie du voyage, qui n'étant pas dupe s'y refusait. Avant de partir il a laissé une lettre au "survivant" expliquant son geste. Mais en chemin, le grisant défi par un chauffard d'une course sur les périlleuses routes de montagne détourne de son projet le jeune suicidaire collectif. Au retour il est giflé par l'aîné.
   Tout le monde est donc au courant. N'empêche que dorénavant, sans qu'on sache s'il a repassé son permis, il fait office de chauffeur. On est toujours au bord du gouffre. Giulia qui s'est fort divertie à la folle course improvisée au péril de leur vie, ne lui tient nullement rigueur du plan fatal abandonné. Elle est même disposée à en rire avec lui. Il peut donc tranquillement transporter un jour la mère dans la montagne et sous prétexte de prendre l'air, la faire descendre de la voiture et la pousser dans le vide à la faveur de sa cécité. Mais Giulia accepte de partager l'innommable. À la question "Tu me dénonceras ?" elle se contente de répondre : "Raconte". La disparition de la mère est pour eux-deux une délivrance. Ils balancent joyeusement ses meubles par-dessus la terrasse et se font des grimaces. Augusto ayant reçu plus tard l'aveu du meurtrier se verra expliquer par Giulia que les crimes se justifient au motif que leur frère a besoin de vivre auprès de gens sans problèmes, et surtout pas d'incurables.
   Banalisation de la mise à mort sur fond de complicité perverse. Alessandro compose pour sa sœur des poèmes d'amour et lui fait agressivement du pied sous la table. Elle le protège comme une mère tout en étant très émoustillée par le fait qu'il fréquente une prostituée, la même qu'Augusto, qu'à sa demande, passant et repassant en voiture, il lui montre faisant le trottoir. C'est la même Giulia qui lors des crises lui tient la tête en murmurant "bon garçon". Réciproquement Alessandro a besoin de sa sœur pour apaiser ses convulsions. Mais elle provoque sa jalousie à table en se liguant par jeu avec Augusto contre lui d'où s'ensuit une violente bagarre.
   Cela glisse jusqu'aux gestes tendres voire passionnés préfigurant l'inceste, consommé juste après qu'Alessandro a noyé Leone dans la baignoire. À l'insu certes de Giulia qui, sous le choc de la découverte du cadavre dans la salle de bain après l'acte incestueux, fait une chute grave dans l'escalier. Remise de ses blessures et encore alitée, elle réprime son désir de s'élancer à son secours quand Alessandro déchaîné à l'écoute de La Traviata dans la pièce à côté succombe à une crise après l'avoir appelée vainement à l'aide.


   Les enjeux du récit
   Sous les traits du héros maudit, Alessandro n'occupe le devant de la scène que comme révélateur de la pathologie congénitale. Il débarque tel un petit démon dans le film, sautant d'un arbre enfoncé dans le hors-champ, parachuté du bord-cadre supérieur. À l'intérieur de la maison, les murs sont couverts de portraits des fantômes qui hantent la villa. Ce que suggère la tête de Giulia se substituant en un éclair au portrait ancien d'une jeune parente, en contexte approprié : en plan serré, Alessandro émerge du bord supérieur affleurant bas-cadre, d'un panneau latéral du box funéraire tendu de dentelle liturgique entourant sur trois côtés le cercueil ouvert de la mère hors-champ. Il appelle sa sœur, assise de l'autre côté, derrière le panneau opposé. Contrechamp sur le bord supérieur longeant identiquement le bas-cadre (on verra l'importance de ce bord) surmonté dudit portrait. La tête de Giulia, qui s'est levée à la voix du frère, vient prendre la place de celle de l'aïeule dans son cadre ovale. La dépouille est prête aussi à lâcher son spectre : "elle ne se sauvera pas" plaisante Alessandro", qui ne voit pas bien l'utilité de la veiller cette nuit. "On verra" réplique Augusto par un double-sens involontaire mais qui n'en demeure pas moins textuellement ambivalent. Gagné par les soubresauts d'une crise d'Alessandro, le cadavre bouge dans sa bière.
    Vu un bref instant dans la même séquence, un garçonnet apparenté secoué de tics en dit long sur l'étendu des dégâts touchant jusqu'à la famille éloignée ; dans l'espace comme dans le temps. Si la voiture familiale traverse le remarquable pont romain de Bobbio, la ville de proximité (natale du réalisateur), ce n'est certes pas par intérêt touristique. Immémoriales sont, quoi qu'il en soit, les racines du mal. Une pathologie trouvant sa forme complète à la fin, quand Giulia a commis elle aussi, fût-ce par défaut, son fratricide, après avoir collaboré par consentement silencieux aux autres. La mise à mort est à la mesure d'une violence décuplée par son impuissance à s'exprimer. Les poings d'Alessandro se serrent toujours en cachette des autres, d'où le titre.
   Contre toute apparence, Augusto n'est pas en reste. Son comportement dénote un conservatisme dépassé. Dans son rapport aux femmes notamment. Giulia ne doit pas sortir seule dans la rue. Et Lucia... "Cette façon de commander Lucia. Comme si nous étions tous abrutis ", dit à Giulia le frère révolté. Au début la future épouse effectue au volant de la voiture une manœuvre compliquée de sortie de garage, en côte et marche arrière, démentant l'humiliante mise en garde : "essaye de ne pas confondre les vitesses." Réponse : "Tais-toi et regarde !" L'annonce à Giulia et Alessandro de son projet de mariage succède significativement à l'expression de son désir de garder, officiellement pour sa valeur marchande, la collection de Pro Familia, revue fondée sous le fascisme en 1932. Dès qu'il a quitté la pièce, Alessandro, de rage, fracasse un portrait d'ancêtre avec un rire dément.
   Plus subtile cependant, la morbidité de l'aîné lui laisse les mains propres. La rétractation d'Alessandro quant à son échec au permis est un mensonge par trop grossier. Il apparaît dans l'intérêt d'Augusto en tout cas que disparaisse sa mère qui, confie-t-il à Alessandro, lui "coûte trois millions par an". "Entre nous, ajoute-t-il, si elle n'était pas là, mais elle est là... Elle n'ira pas à l'hospice, nous ne sommes pas assurés." Davantage, pour ces raisons financières, il ne pourra envisager de louer un appartement pour se marier qu'après le décès de ladite. C'est exprimé tel quel dès le début à Lucia : "je ne peux pas m'installer en ville, c'est trop cher." Tout se passe comme s'il déléguait à son frère l'exécution de l'acte radical qui s'impose.
   L'image du chef de famille responsable est de plus démentie par le tricheur aux cartes, parfaitement connu d'Alessandro. Ce dernier n'a-t-il pas en plein jeu, chargé Giulia par un signe discret de surveiller leur frère pendant qu'il feignait d'aller aux toilettes, à dessein pour piéger le mauvais joueur ? Et la famille socialement compromettante est par le chef tenue à l'écart. Attablés à une terrasse de café, Alessandro et Giulia ne doivent pas se signaler à leur frère, entouré à une autre table de jeunes femmes, dont Lucia, appartenant à la bourgeoisie de Bobbio. "Lucia ne nous dira pas à qui tu parlais" glisseront, fines mouches, ses amies chic à Augusto. Avec les hommes de cette même caste il se complaît à de futiles passe-temps de riche désœuvré, tirant à la carabine, sans les atteindre, des rats sur un terrain vague nocturne.
   Cette duplicité symptomatique n'est que l'émergence la plus visible d'un comportement compulsionnel partagé de fuite. Á l'exception de Leone, qui semble l'avoir déplacé sur les stigmates de la débilité physique et mentale. Le seul à verser des larmes, larmes de désespoir sur le cercueil de sa mère. Lucia est saisie d'un réflexe de recul quand il survient dans la cuisine lui proposer d'essuyer la vaisselle. Son fiancé vient de s'esquiver après avoir prétendu l'aider en posant deux assiettes sur l'égouttoire. Les difformités de Leone reflètent l'enfer qu'elle se prépare sous le joug d'Augusto. Avec en arrière-fond, la question féministe. À la soirée dansante dans une cave chez des amis de Lucia où Augusto chapeaute Alessandro, un dragueur voudrait impressionner une invitée en invoquant la formule de Hobbes "Homo homini lupus". "Et la femme ?" rétorque-t-elle, provoquant le rire d'Alessandro.
   C'est le monde à l'envers où l'on s'effraye de ce qui n'entre pas dans la logique des faux-semblants. On dispose pour cela de toute une rhétorique pour éluder les questions. Celle d'Alessandro : parce-que..., des choses..., une surprise..., rien... je te dirai... on s'est arrêté parce qu'on s'est arrêté, va bene ?... J'étais où j'étais... Ou d'Augusto : "J'ai eu affaire..." Quand Alessandro a écrit un poème pour Giulia, celle-ci en parle à Augusto. Alessandro veut savoir ce qu'elle lui a dit. Augusto ne répond pas. Quant à Giulia, en guise de réponse, elle entonne la chanson : "Tutti mi dicono che sono bella..." (tout le monde dit que je suis belle). Comportement évoquant le secret de famille, un événement traumatique perdu entre les strates générationnelles.
   Certes inaccessible comme tel, mais continuant à peser sur les consciences condamnées à se débattre dans le brouillard contre ses atteintes pressenties, et à lui barrer confusément toute possibilité de se faire jour. "on va nous entendre ! s'inquiète Giulia tenant la tête du frère en crise gémissant." L'inceste est à cet égard le garant d'une parfaite étanchéité du cercle familial.
   Le secret enfoui se concrétise nommément à l'image par la cécité maternelle et le jeu des portes. La profusion des portes bourgeoises est corrélative de la présence obligée d'une domesticité ; s'ouvrant pour que la circulation des serviteurs puisse répondre à tout besoin des maîtres, mais se fermant de crainte de la promiscuité. Vain tourniquet entraînant la hantise des portes mal fermées. La mère reproche à Giulia en train de mettre la table (il n'y a qu'une bonne !) de ne pas fermer la porte. Ou bien, tenant pour courant d'air un geste violent d'Alessandro frôlant son visage, demande si la fenêtre est ouverte, la hantise des fuites ne se limitant pas à l'intérieur. Les portes se multiplient du jeu de cadrage. Il y a toujours une autre porte, restée invisible hors-champ jusqu'à ce que, tel entré par l'une, sorte par l'autre, attrapée in extremis par le travelling d'accompagnement. Une simple chambre à coucher même peut s'avérer en comporter au moins deux. Laisser une porte ouverte comme Giulia, plusieurs entrouvertes comme Alessandro voire comme eux entrer systématiquement sans frapper, est le signe d'une rébellion pitoyable et vaine, laissant libre le champ à la pulsion de mort. Les fantômes s'infiltrent par les entrebâillements, mais aussi se profilent dans les vitres dépolies. Ou encore par le truchement du reflet des vivants situés hors-champ, dans un cadre ancien, glace ou portrait. Le sens du présent est alors, en ce surcroît de facticité, hypothéqué, et surtout par le poids écrasant du passé, comme lorsque Giulia acquiesce à la proposition d'Augusto de rester liés.

De l'écriture
   Ce qui fait véritablement la force du film est la distribution aléatoire de ces données symptomales, sur lesquelles vient butter le récit sans jamais prévenir. On ne sait jamais ce qui va tomber sous l'objectif. Les mouvements d'appareil dominants sont le panoramique, trajet de la surprise par excellence, et la caméra portée, épousant les mouvements complexes du plan serré, sans repères contextuels. On ne comprend qu'à l'issue du plan qu'Alessandro fait du cheval d'arçon sur le cercueil encore ouvert. La fragmentation en objets partiels pouvant rebondir les uns sur les autres déconstruit avec le je transcendantal le sérieux dogmatique du discours. Le rebord de la baignoire létale se retrouve dans celui du box funéraire et dans le bord de l'oreiller avec lequel Alessandro est tenté d'étouffer Giulia, inconsciente après sa chute dans l'escalier. À la tête immergée de Leone répond celle d'Alessandro, enfoncée une fois par Giulia dans la baignoire et une autre fois, par Augusto plongée dans le lavabo.
   Il s'agit de déjouer le logos filmique pour laisser circuler le sens hors de l'ordre fonctionnel, où les prémisses portent toujours-déjà leur conclusion en bandoulière. Le faux-raccord génère des liens impossibles. Après la crise de Léone les mains de Giulia en amorce droite-cadre caressent en plan serré la tête de l'épileptique, Alessandro étant hors-champ. Succède un gros plan de la même, dont la tête est orientée gauche-cadre, comme raccordée aux mains du plan précédent. Puis elle se penche à sa gauche au moment où entre dans le champ, droite-cadre, une amorce de visage. Elle s'adresse à celui-ci : "ris, ça va l'énerver". On ne s'avise qu'après qu'elle parlait à Augusto et non à Alessandro. Si bien que, l'attribuant au plan précédent, on croit la provocation dirigée contre Leone, alors que c'était, au cours du repas de famille, pour rendre jaloux Alessandro rejeté hors-champ. Ce qui n'est nullement gratuit, mais constitue, en lien avec la violence de la scène amorcée, un sourd écho de la cruauté exercée par ailleurs envers le handicapé.
   La confusion est du reste favorisée par nombre d'autres faits en discordance avec le contexte. Apparente discordance, car ils ne font que traduire la réalité des dysfonctionnements inhérents à ce monde clos sur lui-même. Deux bonnes-sœurs psalmodient agenouillées au pied du cercueil. Mais sur le visage de l'une se dessine un petit sourire rêveur amusé. C'est à rattacher aux sourires moqueurs des enfants de chœur, visant plus explicitement le "fou de la villa". En même temps les deux religieuses évoquent quelque chose d'implacable, à la fois par cet automatisme de la psalmodie et par la configuration symétrique dans laquelle elles s'inscrivent, dos-caméra, de part et d'autre d'un axe allant de la chandelle au centre de l'avant-plan, à la tête d'Alessandro au fond, s'approchant face-caméra avant de s'appuyer du menton sur le rebord du box, axe divisant longitudinalement le cercueil par le milieu.
   Ce réductionnisme géométrique ne va pas sans quelque dérision, celle-même qui perce sous le sourire de la religieuse. Ceci en accord avec l'absence d'état-d'âme d'un meurtrier capable de murmurer une prière pour l'âme de celle qu'il vient de précipiter dans le vide. J'ai lu quelque part que Les Poings dans les poches était dépourvu d'humour. Certes un film qui se prend au sérieux censure sa condition fondamentale de simulacre, qui est le propre de l'art. La remarque est légitime sur le principe. Mais qu'est-ce que l'humour de cinématographe ? Sûrement pas celui des mots voire du scénario. Ce n'est pas parce qu'on n'y rit pas qu'un film est dépourvu d'humour. Il y a notamment de l'humour dans le jeu des portes, dans leur soulignement comme incommodes commodités. Sur un écran sombre, une porte, par un effet de volet, s'ouvre sur la salle à manger livrant passage, dos-caméra, à Giulia qui dépose de quoi dresser la table en présence de sa mère. À l'encontre de la demande maternelle, elle laisse en ressortant face-caméra la porte ouverte au motif d'avoir à revenir. Mais une autre porte fermée à l'arrière-plan s'ouvre sur les deux frères de retour de la ville où Alessandro passait son permis. Alessandro se dirige sur l'objectif, c'est-à-dire vers la porte ouverte que vient de franchir Giulia, l'aîné s'attardant pour annoncer le prétendu succès au permis à la mère, qui recommande à Alessandro de fermer la porte. Parvenu au premier plan il tire la porte derrière lui mais la maintient rabattue pour entendre la conversation. Il serre le poing de rage quand sa mère répond à Augusto qu'elle a prié pour qu'il (Alessandro) se résigne à son sort. Interpellé par Augusto il doit rouvrir grand la porte derrière-lui en s'effaçant pour le laisser passer. Au moment où il la rabat, il est bousculé par le retour intempestif de Giulia chargée de vaisselle, proférant : "laisse-moi passer !
   Le meilleur humour est celui qui désamorce la réalité la plus noire. Sous le désopilant jeu des portes, la mise à mort de la mère. Dès le premier plan de la séquence, la porte en arrière-plan contient avec l'arrivée des frères la poussée du message mortel à travers le mensonge d'Alessandro. C'est à la séquence précédente que leur voiture traverse le pont romain et avec lui une figure de la sédimentation millénaire des germes maudits de la lignée. Un vase situé dans le coin supérieur gauche du surcadre de la porte, coordonnée remarquable, et que la porte rabattue laisse visible, évoque le vase de Pandore. Lequel conserve sa place durant toute la séquence. Les maux renfermés dans le vase de Pandore vont franchir la porte. Relayés par le poing d'Alessandro, serré en raison de l'inanité de la prière relativement à ses souffrances, ils vont s'abattre sur la mère.
   La mise à mort est donc aussi la réponse désespérée à l'impuissance des institutions à conjurer le malheur. On le voit dans la dérision de la représentation des rituels funèbres mais aussi lorsque Alessandro fait, après la passe, une génuflexion ironique dans une église en proférant fort sa prière à distance de l'autel (à 1h12+), ou qu'ils se refusent lui et Giulia à imiter la mère et Léonce dans le respect de cette observance au cimetière. La révolte s'étend jusqu'à l'insulte au drapeau national, qu'Alessandro jette avec les meubles de sa mère après sa disparition.

Conclusion
    On aurait pu, me semble-t-il, se passer de l'usage du gros plan par zoom, qui est une façon de pointer un gros doigt sur le sens, même si ce procédé est en accord avec les fulgurantes émergences de la violence intérieure. Et ne parlons pas de la musique, d'autant plus trompeuse, qu'elle est très belle. Trop pour ne pas surenchérir sur le jeu filmique. Pourquoi vaporiser du cosmétique sur ce qui se suffit à soi-même ? Autant asperger de parfum la Joconde.
   Mais ce deuxième long métrage est si singulier que l'on peine à en saisir les ressorts. Une des raisons en est sans doute la grâce avec laquelle s'enchaînent les disparates d'un monde chaotique intérieur. Laquelle amène un acteur comme Lou Castel à se dépasser en serviteur inspiré d'un fabuleux projet, qui n'était pas le sien. En bref, salutaire météore dans la constellation triomphante de la comédie italienne il s'agit, davantage que du tableau d'une bourgeoisie décadente, d'un profond cri de révolte contre le monde pathogène où elle s'inscrit. 20/07/24
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