CINÉMATOGRAPHE 

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Josef von STERNBERG
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La Femme et le pantin (The Devil Is a Woman) USA VO N&B 1935 79' ; R. J. von Sternberg ; Sc. John Dos Passos et Sam Winston d'apr. Pierre Louÿs ; Ph. J. von Sternberg et Lucien Ballard ; Mont. Sam Winston ; Cost. Travis Banton ; Déc. Hans Dreier et J. von Sternberg ; M. Ralph Rainger, Andrea Setaro, Rimski-Korsakov Pr. Paramount ; Int. Marlène Dietrich (Concha Perez), Lionel Atwill (Don Pascual), Cesar Romero (Antonio Galvan), Edward Everett Horton (Don Pasquito).


    Au carnaval de Séville, Antonio Galvan, républicain proscrit recherché par la Guardia Civil, est subjugué par le charme d'une belle inconnue qui, sous le nom de Concha, lui fixe illico rendez-vous. Son ami Don Pascual rencontré par hasard lui déconseille de donner suite, ayant lui-même été manipulé comme un pantin par la même personne. Antonio se rend tout de même au rendez-vous avec la vague idée de venger son ami avant de prendre le train pour Paris où il s'est exilé. La beauté fatale parvient à l'amadouer. Mais survient au moment du baiser Don Pascual, qui s'est fait précédé d'un billet d'amour. Il provoque en duel son jeune rival. Champion au pistolet mais visant en l'air par amour pour Concha il est grièvement atteint. Antonio est arrêté par le gouverneur Don Pasquito. Mais toujours déjà corrompu par la belle qui le caresse à dessein, il efface le délit, ferme les yeux sur la proscription bien que haïssant les Républicains et délivre deux passeports pour Paris. Au moment de partir Concha laisse Antonio dans le train et retourne à Don Pascual.


  Le récit de Pierre Louÿs est scéniquement dramatisé au prix de quelques modifications. L'André du roman devient un proscrit sous le nom d'Antonio, les deux amis s'affrontent en duel, un gouverneur qui ne résiste pas davantage au charme vénéneux de la femme est rajouté, ainsi que l'ultime volte-face de celle-ci au moment de s'embarquer pour Paris. Concha, la danseuse de flamenco du livre, se change aussi en une grande chanteuse connue dans toute l'Espagne, sublimée par les toilettes et le maquillage. Son comportement, en rapport avec le caractère pervers et versatile, revient à se tortiller en tous sens et jeter des regards évasifs alentour comme pour capter la complicité de la grande masse consensuelle de mauvaise foi.
   Comme disait Pasolini dans "Le scénario comme structure tendant à être une autre structure" in L'Expérience hérétique, le scénario suppose en effet quelque chose de plus que ce qui est écrit, approprié à l'écran. Mais sont escamotés aussi quelques traits intéressants de barbarie comme les femmes à demi-nues de la fabrique de cigarette ou le fait que Concha aime être battue et se donne à Matéo (Don Pascual) à cette condition. Don Pascual la bat certes, mais cela ne réveille nullement sa libido. Exclue également de l'écran, Séville, remplacée par d'étouffants décors de studio d'art.
   En résultante un esthétisme de l'étoffe et du cosmétique qui n'avantage guère Marlene Dietrich contrairement à ce qu'elle croit elle-même, autour de laquelle pourtant le plateau tourne au point que la danseuse de la version littéraire est bombardée grande chanteuse conformément aux dons de l'actrice, qui fait son spectacle dans le film. Le décor semble être le pur prolongement de la voilette ou de la mantille et des linges fins, voire du masque qui dévoile en cachant, par la structure ajourée, tressée, entrelacée ou transparente des matériaux : filets, serpentins, panneaux d'osier, jalousies, paravents, rideaux de pluie, brumes ou fumées, lacis de branches hivernales, retombée de rameaux pleureurs, etc. C'est ainsi que la ville sur son majestueux Guadalquivir est mise en boîte à la dévotion de la star. Pas le moindre interstice pour laisse circuler un peu d'air. Et mieux vaudrait ne pas avoir lu le livre, dont
se fait désirer le ton de sauvagerie ici censurée, remplacée par des motifs de convention.
  Le grotesque des masques n'y est guère que supplément de fantaisie, n'interfèrant que médiocrement avec le drame. Tout est bon à remplissage, y compris la bande-son, donnant le ton par un accompagnement musical qui vous enfonce bien le clou tauromachico-castagnettique. 04/01/2018
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