CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Danis TANOVIC
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No Man's Land Bosnie VO 2001 98' ; R. D. Tanovic ; Sc. D. Tanovic, Marc Baschet ; Ph. Walther van den Ende, Zvonka Makuc ; Mont. Francesca Calvelli ; M. D. Tanovic ; Déc. Dusko Milavec ; Pr. Frédérique Dumas, Marion Hansel, Cédomir Kolar, Bounihan Villiers Productions (GB), Fabrica (It.), Man's Film (B), Noé Production (Fr) ; Int. Branko Djuric (Ciki, Bosniaque), René Bitorajac (Nino, Serbe), Filip Sovagovic (Cera, Bosniaque), Georges Siatidis (Marchand, sergent français), Serge-Henri Walcke (Dubois, capitaine français), Simon Callow (colonel anglais), Katrin Cartlidge (Jane Livingstone).

   En 1993, à la guerre de Bosnie, trois survivants blessés dans une embuscade se trouvent bloqués dans une tranchée en plein front : deux Bosniaques musulmans, Ciki et Cera et le Serbe Nino. Couché sur une mine bondissante, qui éclaterait à un mètre du sol, projetant dans toutes les directions deux mille billes d'acier, Cera doit rester absolument immobile. Tout en se menaçant mutuellement de leurs armes, Ciki et Nino se découvrent des points communs, notamment la connaissance d'une blonde à forte poitrine. Pour éviter les complications, les autorités des Casques bleus (FORPRONU) rappellent le sergent Marchand, envoyé en blindé sur les lieux avec deux soldats sur les indications des belligérants. Le militaire français propose aux deux frères ennemis de les emmener, mais Ciki refuse de laisser son camarade immobilisé et, afin d'empêcher les tirs ennemis, blesse Nino à la jambe pour le garder en otage.
   Marchand revient avec la complicité d'une journaliste de la TV anglaise, Jane Livingstone, qui a su faire pression sur le colonel anglais. On a dépêché un démineur allemand. Après avoir fait dégager la zone et examiné l'engin, il déclare ne rien pouvoir faire. Le colonel débarqué en hélicoptère avec une jolie secrétaire fait accroire aux journalistes le déminage en cours. Ciki profite de la diversion pour abattre Nino avec une arme trouvée sur un cadavre, sous prétexte qu'il avait "essayé de le tuer avec son propre couteau". Il meurt lui-même sous les balles d'un Casque bleu. Après un simulacre d'embarquement de Cera dans l'hélicoptère, le colonel fait évacuer le terrain. La nuit tombe sur le Bosniaque abandonné à son tragique destin.

   Montrant l'absurdité de la guerre civile entre frères partageant au fond les mêmes intérêts, le film dénonce sur le mode satirique la responsabilité des instances internationales : le colonel flanqué sur le terrain de sa secrétaire et maîtresse en jupe chic aussi courte que la vue du FORPRONU, autant que l'admirable journaliste, dont le courage et le professionnalisme sont au service de l'image de marque de l'agence de presse. Le naturalisme est sans faille, et rien n'est laissé au hasard à cet égard : les Serbes sont équipés de neuf et transportent du matériel dernier cri. Les Bosniaques chaussés de baskets trouées sont affublés de bric et de broc.
   Pour le reste, l'absurdité globale se nourrit au quotidien du comique infantile des différends. "Qui a commencé la guerre, hurle le Bosniaque en braquant sa mitraillette sur le Serbe?" "Qui a commencé la guerre, rétorque ce dernier quand la situation s'est renversée ?" Et ainsi de suite sans toujours éviter les mots d'auteur : "Quelle est la différence entre l'optimiste et le pessimiste ? Le pessimiste dit que ça ne pourrait être pire. L'optimiste si." Tout le monde est renvoyé dos à dos (l'officier français entre autres ridiculisé par son anglais hollywoodien des débuts du parlant) et l'on finit par tomber dans le constat d'impuissance pur et simple, culminant dans le dernier plan à la grue, de Cera allongé dans l'obscurité.
   Tout cela construit comme une élégante démonstration en boucle : d'avant l'aurore au crépuscule. Ce genre de complaisance est incompatible avec le sens tragique requis. L'énorme succès obtenu est caractéristique d'un public qui s'enchante à bon compte, se gratifiant de l'étiquette de cinéphilie parce qu'il a vu un film bosniaque "engagé" et s'imaginant avoir élargi sa conscience en faisant de la géopolitique amusante bourrée de clins d'
œil. 10/04/05 Retour titres