CINÉMATOGRAPHE
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Robert GUÉDIGUIAN
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Marius et Jeannette Fr. 1997 102' ; R. R. Guédiguian ; Sc. R. Guédiguian et Jean-Louis Milesi ; Ph. Bernard Cavalié ; M. Richard Strauss, Antonio Vivaldi ; Int. Ariane Ascaride (Jeannette), Gérard Meylan (Marius) ; Pascale Roberts (Caroline), Jacques Boudet (Justin), Frédérique Bonnal (Monique), Jean-Pierre Darroussin. Prix Louis-Delluc 1998.   

   Film dédié aux millions d'ouvriers auxquels se rattachent plus ou moins les personnages, un hommage à la comédie méridionale d'antan et au film social à tendance utopique des années soixante-dix, tout en étant parfaitement de son époque.  

   Dans le quartier de l'Estaque à Marseille, Jeannette, veuve de son deuxième mari, élève seule ses deux enfants dans une pauvre maisonnette accolée à quelques autres où vivent des gens de même condition. Laquelle les lie si fort qu'ils vivent en quasi-communauté.
   Jeannette est arrêtée par le gardien d'un chantier de démolition, en flagrant délit de vol de pots de peinture. Il la laisse partir après avoir consulté ses papiers, et peu après sonne chez elle, les pots à la main. Il lui propose bientôt de faire le peintre. L'amour mûrit sans se presser. Petit à petit ils finissent par se mettre en ménage. Mais un beau jour, Marius retourne chez lui et n'en bouge plus. Sur le refus de Jeannette, ce sont les hommes du voisinage qui se chargent d'intervenir. Ils vont trouver Marius déjà imbibé et se saoulent tous les trois.
   Dans cet état d'exception, Marius, avant de s'endormir profondément, ose confier aux deux autres les raisons de son attitude : sa femme et ses deux enfants sont morts dans un accident de voiture, et il n'a pas le courage de vivre avec d'autres enfants. Les deux confidents le transportent et le fourrent endormi dans le lit de Jeannette qu'ils informent à son réveil avant de s'éclipser. Comme on s'aime, on se fait des serments définitifs.

   Grâce à une direction d'acteurs inspirée par l'amour des gens, et à l'usage de plans rapprochés fixes sur des visages qui s'en ressentent, les images sont d'une fraîcheur qu'on pouvait croire à jamais perdue, où la polychromie méridionale joue un rôle capital.
   Les acteurs ont tous l'accent marseillais et, avec la musique désuète du générique, on se croirait d'abord chez Pagnol. Mais ce n'est pas futile. Une déportée du nazisme en tant que communiste témoigne. Son amant, ancien instituteur, démystifie pour les enfants l'intégrisme et le racisme. Jeannette elle-même ne s'en laisse pas compter. Elle dénonce l'exploitation dont elle est l'objet comme caissière. Ce qui lui vaut d'être renvoyée.
   Même si la réflexion en est profonde, le discours politique n'est jamais didactique. C'est une émanation vraie de la petite société, qui touche au rêve ou à la fantaisie utopique. On n'en est pas loin lorsque débarque l'ancien chef de Jeannette, celui qui l'a licenciée, devenu vendeur de petites-culottes après avoir été licencié, lui, pour vol.
   Pas de voitures, des chants d'oiseaux et des plantes grimpantes, une capacité d'humour qui relativise un monde absurde refoulé bien loin à l'extérieur. Jusqu'au différend du couple qui est traité ironiquement en mélodrame par un
O'Sole mio de fosse. Ou bien, cherchant du travail, Jeannette est accompagnée par un interminable travelling interrompu avant la fin, le long d'une file de postulantes.
   Il y a en revanche, à quatre reprises, des moments d'émotion lourdement soulignés par les
Quatre saisons de Vivaldi, facilité et emphase dont on se serait bien passé. "Fausse note" tout à fait excusable si l'on considère, inspirée par un beau souffle d'espérance, la liberté dont témoigne l'ensemble. 23/08/02 Retour titres