CINÉMATOGRAPHE
et écriture


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Wolfgang PETERSEN
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L'Histoire sans fin (Die Unendliche Geschichte/The Neverending Story) RFA.-USA VO 1984 91' ; R. W. Petersen ; Sc. W. Petersen et Herman Weigel, d'ap. Michael Ende ; Ph. Herman Weigel, Jost Vicano ; Eff. Spé. Brian Johnson ; Déc. Rolf Zehetbauer ; M. Giorgio Moroder, Keith Forsey, Klaus Doldinger ; Pr. Neue Constantin, Bavaria Studio, W.D.R. ; Int. Barret Oliver (Bastian), Noah Hathaway (Atreyu), Tami Stronach (la Petite Impératrice), Gerald McRaney (le père), Thomas Hill (Koreander).

   Depuis la mort de sa mère, Bastien, dix ans, vit de lectures et d'imaginaire, au grand dam d'un père absorbé par sa profession de prothésiste dentaire. Persécuté par trois voyous de sa classe, il trouve refuge chez un vieux bibliophile plongé dans la lecture de L'Histoire sans fin, sorte de grimoire orné de deux serpents entrelacés et que son propriétaire, après l'avoir présenté comme dangereux, se laisse délibérément voler. Arrivé en retard, Bastien s'enferme dans le grenier de l'école pour lire en paix. Il se passionne pour les aventures d'Atreyu, le jeune chasseur de buffle pourpre mandé en sa tour d'ivoire par la Petite Impératrice de Fantasia, le pays fantastique, comme étant seul capable de trouver le remède à sa maladie mortelle, qui est associée à la destruction du pays par le Néant. Elle lui confie une amulette d'or frappée du même motif que la couverture de L'Histoire sans fin
, l'Auryn, qui confère à son porteur des pouvoirs considérables. Le héros part sur son cheval Atrax recueillir les informations nécessaires à sa mission, successivement auprès de diverses créatures impressionnantes, voire dangereuses, qui sont autant d'épreuves à surmonter. Alors qu'Artrax succombe à la traversée des marécages de la Mélancolie, le protagoniste est poursuivi à son insu par Gmörk, loup gigantesque au service du Néant. Heureusement il chevauche maintenant le dragon de fortune Falkor qui l'a sauvé des marais et peut atteindre des vitesses fantastiques. Il parvient à vaincre Gmörk.
   Au fur et à mesure, Bastien s'aperçoit que l'histoire interfère avec sa propre lecture, rencontrant dans le livre des traces de sa propre existence. Ce qui se confirme lorsque, parvenu au terme de sa quête, Atreyu annonce à la Petite Impératrice que pour guérir, elle doit être rebaptisée par un enfant d'homme. Il s'agit de Bastien. Celui-ci pense au nom de sa mère. Il finit par le crier après avoir longtemps hésité, au moment où la presque totalité de Fantasia a disparu dans le Néant. Ce qui lui ouvre l'accès au pays fantastique, qui peut maintenant être reconstruit. Bastien est reçu par la Petite Impératrice. Elle lui accorde deux souhaits en remerciement. Bastien choisit de chevaucher le dragon et de se venger des trois voyous. Le petit garçon passe donc dans le monde des hommes sur le dos de Falkor pour terroriser les trois écoliers turbulents.

   Superproduction allemande cofinancée par Hollywood avec des acteurs américains, version originale en anglais par conséquent, ce récit d'une quête initiatique s'inspirant de contes populaires et de mythologies diverses ("le film s'épuise en citations" selon le chercheur allemand Matthias Steinle), se présente sous la formes d'images d'un spectaculaire aseptisé. Pour cette raison, il fut désavoué par Michael Ende, l'auteur du roman, en tant que "mélodrame gigantesque, fait de kitsch, de commerce, de plastique et de peluche".
   Il suffit d'ouvrir le livre pour comprendre que les raisons de l'écrivain sont fondées à bien plus d'un titre. Le film censure tout ce qui pourrait déplaire ou choquer. Atreyu, qui avait la peau verte et une coiffure rituelle, n'est plus qu'un petit bourgeois des plus fades. Le dragon s'est mué en un pelucheux chien de salon. Le disgracieux Bastien en garçonnet calibré. Par ailleurs, tumultueux et bourré de fausses pistes et de phases régressives, le mouvement du récit - déjà réduit aux onze (sur vingt-six) premiers chapitres -, devient ici linéaire. Alors que l'imaginaire du film est une compilation de tout ce qui est déjà connu, le livre remet à chaque instant en question les catégories cognitives, les faisant passer par toutes sortes de manipulations imaginaires. La quête elle-même échappe au manichéisme implicite du film, pour lequel le petit Bastien est forcément toujours dans la vérité. Dans le livre, le pouvoir le rend odieux, et sa véritable aventure morale consiste à prendre conscience de ses erreurs et à découvrir que son plus cher vœu est d'être capable d'aimer. Le film se contente de se rapporter à une problématique égoïste : c'est le nom de la mère qui est donné à l'Impératrice, contre "l'Enfant-Lune" dans le livre. La vengeance du film en guise de chute, limite singulièrement la portée éthique
(1) du livre(2).
   Enfin les procédés filmiques sont des plus rudimentaires. Léger brouillard de vapeur dans le grenier pour suggérer le mystère, décors de nuits étoilées ou de frais sous-bois de rêve, un accompagnement musical y plâtrant des louches, des travellings avant psychologiques à outrance, des mises en amorce sursignifiantes comme les vieux livres du bibliophile ou le squelette du grenier, des raccords impressionnants avec effets brutaux de montage-son à la Spielberg. Bref, le livre est un trésor, le film un pur produit commercial. 6/01/04
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