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Sergueï BODROV
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Le Prisonnier du Caucase (Kavkazskij plennik) Rus. VO 1996 100' ; R. S. Bodrov ; Sc. Arif Aliyev, Boris Giller, S. Bodrov, d'après une nouvelle de Tolstoï ; Ph. Pavel Lebeschev ; M. Leonid Desyatnikov ; Pr. S. Bodrov, Carolyn Cavallero, Eduard Krapivsky ; Int. Oleg Menchikov (Sacha Kostylin), Sergueï Bodrov Jr. (Ivan "Vania" Zhilin), Soussana Mekhralieva (Dina), Dzhemal Sikharulidze (Abdoul-Mourat), Alexander Boureïev (Hasan), Valentina Fedotova (la mère de Vania). 

   Une patrouille militaire russe en blindé est victime d'une embuscade dans les montagnes du Caucase. Deux blessés laissés pour morts sont pris en otage par le notable Abdoul-Mourat comme monnaie d'échange contre son fils détenu à la prison militaire. Enfermés au village dans une étable et surveillés par un gardien muet, ils sont nourris par Dina, fille adolescente d'Abdoul-Mourat. Le lieutenant Sacha Kostylin, vraie tête brûlée, est dur avec la jeune recrue Ivan Zhilin, mais peu à peu l'amitié gagne. Puis une complicité tendre naît entre Vania et Dina. Les tentatives d'échange de prisonniers sont un échec. Vania est sommé de faire venir sa mère pour négocier, sous peine de mort.
   Entre-temps le fils d'Abdoul-Mourat perd la vie en s'évadant. Les deux prisonniers profitent de l'absence du maître pour s'échapper après avoir tué leur gardien. Rattrapé par les montagnards, ayant mis à mort un berger pour s'emparer de son fusil,
Sacha est exécuté au sabre. Vania attend, enchaîné dans une fosse, de subir le sort du fils d'Abdoul-Mourat. Dina lui remet les clés de ses chaînes. Il refuse de s'enfuir pour ne pas la compromettre. Son geôlier muni d'un fusil le mène dans la montagne pour l'exécuter. Mais il se contente de tirer une balle en l'air, tourne le dos et rentre chez lui. Survolé par une formation d'hélicoptères lourds, Vania crie de toutes ses forces qu'ils font erreur. Il conclut en voix off en exprimant qu'il est désormais attaché à ces Caucasiens qu'il ne reverra plus jamais. 

   Très beau film par les paysages, la vision ethnographique, le ressort émotionnel, la musique originale et le jeu des acteurs, se développant comme un récit d'apprentissage du partage humain au-delà des antagonismes officiels. La cause est donc par elle-même juste et noble.
   Elle est pourtant traitée sur un mode romanesque qui en altère la crédibilité. Sortis indemnes, contre toute attente, d'un déminage auquel on les a contraints, les otages sont conviés à une fête et traités en véritables invités. Après sa mort, Sergueï apparaît à Vania à deux reprises, toujours aussi jovial.
   Voilà le spectateur rassuré. Il y manque un tragique à la mesure de l'oppression des peuples. Appartenant au domaine de l'insoutenable, il ne saurait se décliner par la voie du spectacle de divertissement. L'identification à laquelle invite le jeu parfait des acteurs, la curiosité que peut susciter un état reculé de civilisation, la contemplation de la beauté édénique du décor - à double tranchant, car on peut se demander si les peuples à géographie ingrate, critère relevant du reste de l'ethnocentrisme, sont dignes d'amour -, la participation émotionnelle au lyrisme de la musique auxiliaire, n'ont pas pour fonction d'émanciper le spectateur des fausses questions ambiantes qui anesthésient son jugement.
   Non que la pittoresque aventure personnelle (voir l'individualisme du titre) soit dérisoire face à la puissance des enjeux véritables, mais surtout que le questionnement authentique requiert un renoncement absolu à toutes les commodités de la représentation
(1) esthétisante !
   Ne jamais confondre talent et art, sous peine de s'abîmer dans la banalisation généralisée. 8/11/03
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