CINÉMATOGRAPHE 

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Joseph LOSEY
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Le Messager (The Go-Between) GB VO 1971 105' ; R. J. Losey ; Sc. Harold Pinter, d'après J.-P. Hartley ; Ph. Gerry Fischer ; M. Michel Legrand ; Pr. Emi Films ; Int. Julie Christie (Marian Maudsley), Alan Bates (Ted Burgess), Michael Redgrave (Leo Colston), Dominic Guard (Leo Colston enfant), Michael Gough (Mr Maudsley), Edward Fox (Hugh Trimingham), Richard Gibson (Marcus Maudsley). 

   À l'orée du 20
e siècle, Leo, 12 ans, orphelin de père d'origine modeste, passe les vacances d'été au château des Maudsley, invité par Marcus le fils de la maison. Il est gâté par Marian, la grande sœur de son copain, et sympathise avec Ted Burgess, fermier voisin qui gagne sa confiance et le charge bientôt d'être, sous le sceau du secret, leur messager à lui et à Marian. Un beau jour il les découvre amants dans un message que Marian surprise n'a pas eu le temps de cacheter. Aussi a-t-il du mal à comprendre le jour où l'on annonce le mariage de celle-ci avec le vicomte Trimingham.
   Chose incompréhensible d'autant que le messager ignore tout de la sexualité et que, malgré sa promesse, Ted ne trouve pas les mots pour l'initier. Il l'apprendra sous une forme sordide : le jour de ses treize ans, Mrs Maudsley, qui a des soupçons, le force à surprendre avec elle les amants en flagrant délit. Mais Leo a compris qu'il s'agissait d'amour véritable et que tenue par le code de classe d'épouser Trimingham, Marian est malheureuse. Le montage alterne de rares et courts inserts de l'époque moderne montrant la visite du vieux Leo à la vénérable Vicomtesse Trimingham. Elle le charge de tout expliquer à l'un de ses petits-fils, qui ressemble à Ted et n'ose épouser la femme qu'il aime.

   Beau scénario (Pinter), bel enfant aux jolies saillies (Dominic Guard), beaux décors, belle saison, beau luxe (costumes, meubles, bibelots, calèches), beaux mouvements d'appareil, zooms dramatiques s'arrêtant, Doigt de Dieu, à distance respectueuse de l'indice, audace des angles et belle musique (Legrand), tant de prétention ne pouvait que déréaliser un film dont l'intérêt indéniable est d'être une éducation sentimentale traumatisante.
   Associés aux doux paysages d'été du Norfolk, les sons naturels de la compagne conspirant au lyrisme plastique de l'intrigue sont régulièrement cassés par une jolie musique en souples délinéaments crescendo revenant sur eux-mêmes et indéfiniment recommencés, dédiée au pathétique sous-jacent de l'aventure de celui qu'on appelle Mercure (messager des dieux), ce qui évite les fatigues du montage et du cadrage.
   Quand les sons naturels ont un rôle dramatique, c'est d'une manière rudimentaire, comme un signal plutôt qu'un événement incident. Croassement des corbeaux ou tonnerre préparent le dénouement en même temps que le mauvais temps survenu à point nommé.
   La conception reste grossière, malgré de belles idées comme ce sang maculant une lettre de rendez-vous entre les mains de Ted qui vient d'abattre un oiseau, en écho à cette grande croix rouge sur fond blanc à l'arrière-plan du jeune garçon entonnant un cantique devant l'assemblée des adultes (l'innocent coupable), ou cette ombre du messager en forme d'aile (mercurielle) projetée sur un tronc d'arbre, ou encore, après les doutes, les accès de compassion de l'enfant pour la jeune femme.
   Le syndrome de Lady Chaterley passe surtout par le contraste mythique entre la délicatesse de l'aristocrate et la brutalité du rustre. Rien n'émerge de la puissance d'une passion qui se sublime jusque dans la vieillesse. Aucune émotion sur les visages et les corps. L'amour surpris dans le grenier est d'une rare platitude. Le lyrisme de la nature en rut est du coup superfétatoire. Chaque chose est à la place où elle devait être. Les situations en tous points calculées, les acteurs exactement dans leur type. On a ainsi donné à la mère un air de mauvaise sorcière pour justifier de la cruauté de son rôle.
   La Palme d'or 1971 à Cannes était inévitable... 25/01/06
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