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Le Golem (Der Golem) All. Muet N&B 1920 66' ; R. P. Wegener, C. Boese ; Sc. P. Wegener, Henrik Galeen ; Ph. Karl Freund ; Déc. Hans Poelzig ; Pr. A-G Union ; Int. Paul Wegener (le Golem), Albert Steinrück (le rabbin Loew), Lyda Salmonova (Miriam), Otto Gebuhr (l'empereur).
Au XVIe siècle, Loew, le Grand-rabbin de Prague magicien et astrologue, est inquiet pour l'avenir de sa communauté, que les étoiles annoncent sombre. Il façonne un colosse d'argile, le Golem, auquel un mot magique doit insuffler la vie. Transmis par Astaroth, le vocable terrible est enfermé dans une étoile fixée sur sa poitrine, qu'il suffit d'ôter pour le priver de vie. La créature prodigieuse pourvoit aussi bien aux menus services qu'à la protection de ses maîtres. Un décret impérial d'expulsion frappant le ghetto confirme les craintes de Loew. Il obtient une audience à la cour, où, flanqué du Golem, il se rend.
Déjà de connivence amoureuse avec Miriam, la fille du rabbin, par suite de ses visites comme messager de l'empereur, le chevalier Florian profite de l'absence du père pour partager son lit. Dans le même temps, invité à faire des tours, le rabbin interdit à l'assemblée de rire sous peine de mort. Il fait paraître dans une nuée des scènes de l'histoire du peuple juif. En s'esclaffant sous l'impulsion du bouffon, l'assistance provoque un début d'effondrement du plafond. Le Golem barrant la sortie, l'empereur implore le rabbin d'agir, moyennant l'abrogation du décret. Le Golem reçoit l'ordre de soutenir le plafond. L'empereur et sa suite sauvés, le décret est abrogé. Au retour le Golem marque des signes de fureur. Il est, de justesse désactivé par le rabbin.
Cependant, les amants surpris par le retour du père sont bloqués dans la chambre. Ce qui n'échappe pas au fiancé, l'assistant de Loew, qui lance le Golem contre l'homme après avoir remis l'étoile en place. Le Golem ayant jeté Florian du haut de la tour d'astrologie et mis le feu à la maison, affichant une expression lubrique, emporte Miriam en la tirant par les cheveux. Le père alerté est retardé par le peuple qui le supplie de le sauver. Il éteint donc d'abord l'incendie au moyen de ses pouvoirs puis retrouve sa fille indemne, sans le Golem, occupé ailleurs. Tandis que la population du ghetto de Prague en liesse célèbre le Grand-rabbin, Miriam se réconcilie avec son fiancé, qui lui pardonne. Le Golem attiré par des cris d'enfants enfonce la porte d'un jardin et prend dans ses bras une petite fille qui lui tendait une pomme. En jouant avec l'étoile sur sa poitrine, elle le met hors d'état de nuire. Le rabbin Loew remercie Dieu de ce témoignage d'amour pour son peuple. Un groupe d'homme emporte le corps d'argile en le tenant bien haut à bout de bras.
Récit fantastique par le thème et par le fameux décor expressionniste du ghetto. Son gothique végétal et organique bannissant la rectitude et tout en torsions suggère la haute ancienneté associée à la magie. Cette esthétique sursignifiante exacerbée par des gestes emphatiques dans de savants clairs-obscurs n'est guère favorable au mystère. Elle n'est pas même à la mesure d'un rabbin blasphématoire défiant le Dieu de la bible hébraïque en ayant recours à une idole consacrée par un démon du polythéisme. Sans doute le film doit-il l'essentiel de son intérêt au contrepoint de l'aventure amoureuse, qui introduit un jeu propre à distancier la grimace magico-religieuses. Les auteurs de King Kong, qui se sont à coup sûr inspirés du Golem pour le singe géant, ne s'y sont pas trompés en se focalisant sur l'érotisme de la Belle et la Bête.
Les corps manifestent ici un érotisme osé, pimenté par la qualité de fille du Grand-rabbin et la présence en tiers du fiancé trompé. Miriam en outre n'accuse aucune douleur à la perte de son amant : elle a tout simplement assouvi un désir. Le pardon du fiancé est une façon d'en prendre acte. Le trouble du géant d'argile souligne la puissante attraction physique qu'inspire la jeune fille. Le contraste moral entre les deux séquences parallèles est si fort qu'il faut bien, prenant parti pour l'érotisme, laisser tourner à l'imperceptible ironie le trop sérieux versant spectaculaire.
C'est donc avec l'audace morale que l'art prend son envol. 1/04/05 Retour titres