CINÉMATOGRAPHE
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Hayao MIYAZAKI
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Le Château dans le ciel (Tenky no shiro Ryaputa), animation, Japon 1986 124' ; R., Sc. H. Miyazaki ; M. Jô Hisaishi ; Son Shigearu Shiba ; Dir. art. Toshiro Nozaki, Nizo Yamamoto ; Pr. Yasuyoshi Tokuma.

   La petite orpheline Sheeta possède en héritage un cristal magique et des formules secrètes dont veulent s'emparer et l'ambitieux Mooska, envoyé par le gouvernement, et les pirates du clan Dola, composé de l'intrépide matrone éponyme Dola, de ses fils et du mécanicien de leur dirigeable, le "Tiger Moth". Les pirates montent à l'abordage du vaisseau spatial d'État où Sheeta est retenue prisonnière. En se sauvant, elle fait un plongeon vertigineux dans le vide. Soudain illuminé, le cristal qu'elle porte en pendentif mue la chute en flottement. La fillette atterrit inconsciente dans les bras du petit mineur Pazu, qui la porte chez lui.
   Ils ont le même âge, environ treize ans et sont tous deux orphelins. Le père de Pazu est mort dans la misère après avoir voulu convaincre en vain le monde qu'il avait découvert le fabuleux empire flottant de Laputa. Cependant, Mooska a retrouvé leurs traces. En fuyant ils font une chute - ralentie par le médaillon - dans le puits d'une mine où Pom, espèce de vieil ermite cheminant dans les boyaux, leur dévoile l'existence de fragments de hikôseki, la matière même dont est fait le cristal magique. Ils apprennent surtout que Laputa fut édifiée au moyen de ce matériau. Pazu a enfin la preuve que son père ne délirait pas.
   Mais en sortant au jour ils sont capturés et emprisonnés dans une forteresse militaire. En faisant peser une menace de mort sur le jeune garçon, Mooska convainc Sheeta de l'éloigner. Il lui apprend aussi qu'elle est l'héritière du royaume de Laputa dont la direction est indiquée par le faisceau lumineux de la pierre magique, à condition d'en connaître la formule d'activation. Elle prétend l'ignorer, mais une fois seule essaye une des formules magiques transmises par sa grand-mère. Aussitôt le cristal émet une lueur et un robot hors-service qui était tombé du ciel, marqué du même signe que celui du cristal et gardé là en observation, se met à détruire la forteresse pour rejoindre la petite Sheeta.
   Les Dola, qui ont accepté d'aider Pazu, viennent à la rescousse montés sur leurs "flapsters", sortes de scooters-libellules. Ils happent Sheeta debout sur la plus haute tour au moment où le robot qui l'a posée là pour la préserver est détruit par un obus. Mais la pierre est tombée aux mains de Mooska. Poursuivis par le vaisseau Goliath, les Dola s'enfuient dans le Tiger Moth. Après avoir essuyé une terrible tempête, comme jadis le père de Pazu, ils abordent sur Laputa, qui n'est plus occupée que par d'antiques robots jardiniers.
   Mooska occupe déjà la place. Il met la main sur Sheeta et l'informe qu'il est co-héritier du royaume sur lequel il est le seul à détenir certaines connaissances. Elles lui permettent d'anéantir l'armée qui le gênait dans son ambition. Aidée par Pazu, Sheeta s'échappe. Mooska s'acharne sur le jeune couple jusqu'à ce que la fillette, qui a réussi à lui reprendre la pierre, se résolve à prononcer la formule la plus dangereuse, en faisant remarquer à Pazu que nos racines sont sur terre et que c'est pour cela que l'île flottante est désaffectée. Cette formule libère la pierre géante placée au cœur de l'édifice, qui se désagrège et anéantit Mooska. Puis l'énorme Hikôseki se prenant dans les racines de l'arbre gigantesque qui formait le cœur de l'île, celui-ci s'élève dans le ciel. Sheeta et Pazu ont pu rejoindre les Dola avec lesquelles ils retournent sur terre chevauchant leurs flapsters.

   L'auteur possède au plus haut point l'art du mythe, véritable langage, permettant de résoudre les problèmes humains les plus cruciaux. Il fabrique d'abord du temps mythique en fondant esthétiquement le présent du récit sur la base d'anachronismes technologiques. Les machines volantes sont directement calquées à la fois sur les premiers aéronefs et sur les navires à vapeur du XIX
e siècle, et les flapsters rappellent des autos tamponneuses des années cinquante. S'inspirant des machines à vapeur et des machines à air comprimé, les bruitages jouent un rôle important à cet égard. Les battements ultra-rapides des deux paires d'ailes des flapsters se rattachent à des rêves technologiques expérimentés sans succès à la fin du XIXe siècle.
   Mais ils sont aussi un compromis entre la technologie et le merveilleux : le modèle de l'insecte correspond au désir inconscient de rapetissement pour surprendre les secrets des adultes. Le dirigeable des Dola s'appelle même le "papillon tigré". Ce bestiaire faste s'accorde avec le fait que les pirates ne sont rien d'autre que des enfants sous l'égide d'une super-maman, qui fait aussi un peu peur. Car son rôle protecteur dans le film correspond à une figure œdipienne, à la fois terrible et aimante.
   Nous sommes donc dans le registre humain fondamental des racines et de l'enfance, qui approfondit le rôle des deux héros, leur conférant assise et ressources, lesquelles se dévoilent au cours de l'apprentissage. Celui-ci est dévolu à une princesse, c'est-à-dire un être, mythique également, investi d'une responsabilité dynastique. Le fort potentiel positif de son univers va lui permettre, en vainquant les forces mauvaises, d'affirmer la vanité du pouvoir, même bon : la cité de Laputa n'est pas valable par sa puissance technologique, qui est transitoire, mais par les racines qui continuent indéfiniment de voguer quelque part dans les cieux.
   Cette démystification amène à reconnaître la primauté de l'amour. Celle de la solidarité familiale représentée par les Dola, sans en gommer les contradictions, et celle de l'amour du couple, dont l'accomplissement est laissé à la discrétion de l'imagination du public.
   Ce qui ne doit pas nous faire oublier qu'il ne s'agit nullement de cinéma. Celui-ci part d'un matériau qui est l'empreinte sur pellicule d'une réalité  qu'il s'agit à la fois de rendre crédible et de transformer en langage filmique. Alors que le film d'animation relève du graphisme sur pellicule imitant la réalité tout en la déréalisant par un schématisme de convention. 21/07/04
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