David FINCHER
liste auteursFight Club USA VO 1999 133' ; R. D. Fincher ; Sc. Jim Uhls, d'après Cheuck Palahniuth ; Ph. Jeff Cronenweth ; M. Howard Shore ; Mont. James Haygood ; Int. Brad Pitt (Tyler Durden (Galerie des Bobines)), Edward Norton (Jack, le narrateur), Helena Bonham Carter (Marla Singer).
Cadre dans les assurances, Jack le narrateur tourne neurasthénique et insomniaque. Son médecin lui conseille la fréquentation des groupes de soutien. Il y croise Marla Singer, autre bénéficiaire clandestine de chaleur humaine liée à la détresse des cancéreux ou autres tragiques d'hôpital. Tout change à partir de la rencontre de Tyler Durden, aspirant prophète anarchisant et fabricant de savon à la graisse féminine prélevée par liposuccion dans une clinique chic dont ils détournent les déchets par conviction politique. Ils vivent ensemble dans une villa délabrée de Paper Street après la mystérieuse explosion au gaz de l'appartement du narrateur. Tyler, dont le tempérament de gourou est exigeant, s'approprie Marla avec laquelle il passe des heures bruyantes au lit.
Les deux amis fondent un "Fight Club" composé exclusivement d'hommes se déchargeant des frustrations modernes dans des combats de boxe clandestins très réglementés. Tyler, qui en est le théoricien, le transforme bientôt en une société secrète qui, déclarant la guerre au capitalisme, prend une extension considérable. Mais, trop convaincus, les membres se fanatisent, visant à travers le projet "Chaos" imaginé par Tyler, la destruction massive des grandes sociétés de crédit. Tyler prend soudain le large, talonné par Jack qui cherche le moyen d'arrêter cet engrenage. Il découvre alors qu'il est lui-même les deux personnages à la fois et que son double a tout manigancé, y compris la destruction de son domicile. Jack parvient à éliminer Tyler en se tirant à lui-même une balle dans la bouche, en réchappe pourtant et au moment où il semblait enfin pouvoir donner libre cours à sa tendresse pour Marla survenue à propos, les grands buildings des sociétés de crédit de la ville explosent.
Habile compilation de tous les meilleurs ingrédients du spectacle de masse sur la base du mythe du Dr Jekyll, figure à double fond propre à résoudre les crises inextricables du monde d'aujourd'hui. Celui-ci étant à la fois bon et mauvais, il suffit d'éliminer la mauvaise part pour n'en conserver que la bonne, ce qui n'est pas sans rappeler la grande tendance populiste qui est en train de gangréner l'Europe.
Les qualités purement techniques du film par ailleurs (photo, son et musique), où se ressent la science du clip, déréalisent le monde représenté. Cette esthétisation du sordide et de la violence n'est pas faite pour toucher les consciences, mais pour fabriquer des images consommables. La valeur critique du discours politique de Tyler est indiscutable, mais uniquement cantonnée au niveau verbal. Tout en donnant bonne conscience au spectateur, elle est totalement annulée par les figures latentes du fascisme, qui semblent faire un retour dans la mythologie du cinéma à succès en quête d'imageries fortes (voir Matrix, 1999).
L'influence du cinéma ambiant ne s'arrête pas là. Le genre de ton d'humour du narrateur est piqué à Woody Allen. Les effets spéciaux rappellent les frères Coen et s'en cautionnent. Est-ce un hasard si Edward Norton a tourné également dans American History X ? Encore un film dont la belle facture et le propos avancé dissimulent une certaine facilité, idéologiquement plus nuisible qu'une bonne idée bien rétrograde qui se repère facilement.
On peut se demander si ce genre de film-culte n'est pas à rapprocher de la capacité actuelle du discours politique à se draper de science vertueuse. 20/05/02 Retour titres