CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Kiyoshi KUROSAWA
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Cure (Kyua) Jap. VO 1997 115' ; R., Sc. K. Kurosawa ; Ph. Takusho Kikumura ; M. Gary Ashiya ; Pr. Tsutomu Tsuchikawa, Atsuyuki Shimoda ; Int. Koji Yakusho (Takabe), Tuhoshi Ujiki (Sakuma, le psychiâtre), Anna Nakagawa (Fumie), Masato Hagiwara (Mamiya), Maschiro Toda (Toru Hanaoka, l'instituteur).

   Les différents auteurs d'une série de meurtres sanglants par l'incision en croix de la carotide ne semblent pas responsables de leurs actes. Les soupçons de l'inspecteur Takabe se portent sur l'amnésique Mamiya, qui se trouve indirectement associé aux événements. Takabe, dont l'épouse est sujette à de sérieux troubles psychiques, est sensibilisé à une possible action parapsychique du suspect. Celui-ci semble en effet par envoûtement soumettre les futurs criminels à sa volonté.
   Avec l'aide de Sakuma, un ami psychiatre, le policier découvre qu'il s'agit d'un ancien étudiant en psychologie, disciple de l'Autrichien Mesmer, le fameux précurseur de la science hypnotique au 18e siècle. On l'incarcère pour l'interroger sans relâche bien que Sakuma ait averti son ami du danger du tête à tête avec un hypnotiseur animé d'intentions destructrices. L'inspecteur résiste cependant et c'est le psychiatre qui est poussé au suicide. Mamiya s'étant évadé, Takabe ne se trompe pas en pensant le retrouver dans l'hôpital désaffecté où exercèrent des Mesmériens à la fin du 19
e siècle. Toujours aussi insensible aux pouvoirs du jeune homme, il l'abat comme un chien enragé, sans aucun état d'âme.

   Un film génial (cela a été dit) de plus qui
ne résiste guère à un examen un peu approfondi. Le principal grief porte sur des moyens qui ne sont pas à la hauteur de l'ambition artistique. Si l'on admet que l'art transcende les genres, nous avons affaire ici à une tentative forcée d'abolition des frontières catégorielles : la conciliation du polar et du drame humain est un échec. Il en résulte surcharge esthétique et misère éthique(1) (du reste corrélatifs).
   On est de prime abord subjugué par une science du montage qui, tout en égarant élégamment le récit, installe le trouble. Cet égarement dû à un système d'enchaînement elliptique renvoie délicieusement, via le hors champ spatio-temporel, au pouvoir d'ubiquité du cinéma, installant les conditions du mystères mieux que tout effort thématique. Ainsi, la turbine chauffée à blanc à laquelle l'envoûteur s'est brûlé quand il travaillait en usine apparaît dans des inserts détachés de la causalité diégétique.
   Le trouble advient sur le mode invisible par la composition sonore toujours décalée de l'événement, qu'elle soit superfétatoire ou accessoire, qu'elle s'anticipe ou se retarde relativement à l'action, du coup empoisonnée par cette discordance inaperçue. Mais le mystère appelé à se développer filmiquement, c'est-à-dire par un jeu de rapports, se trouve cassé par de soudaines crises de contemplation poétique dans des plans larges et fixes prolongés, notamment sur la mer. Ils répondent à la touche de pathétique censée humaniser le flic en raison de ses problèmes conjugaux, tout en le branchant sur la problématique de l'enquête.
   Puis d'autres procédés antinomiques à la liberté du montage initialement manifestée viennent surajouter des effets fantastiques par des clichés, comme le brouillard et l'hôpital fantôme. Ce dernier apparaît une solution opportuniste au dénouement ainsi crédité de mystère alors qu'il n'est que platement psychologique et naturaliste.
   Quant à la dimension éthique
(2) elle est ruinée par un énorme mensonge : le flic très humain, seul capable de surmonter le maléfice, le surhomme du film de genre. Le cliché vestimentaire de l'imperméable de l'inspecteur, qui aurait pu être un clin d'œil, consacre au contraire un manque d'imagination flagrant. Le cinéma japonais est ici victime d'un compromis fatal à son art, le sentimentalisme occidental étant totalement contraire à l'Orient.
   Toute ressemblance à cet égard avec
Hana-bi de Kitano, tourné la même année, ne serait que pure coïncidence... 2/01/04 Retour titres