CINÉMATOGRAPHE 

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Sam PECKINPAH
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Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country) USA VO  Scope-couleurs 1961 93' ; R. S. Peckinpah ; Sc. N.B. Stone Jr ; Ph. Lucien Ballard ; Mont. Frank Santillo ; M. George Bassman ; Pr. Richard E. Lyons ; Int. Randolph Scott (Gil Westrum), Joel McCrea (Steve Judd), Ronald Starr (Heck Longtree), Mariette Hartley (Elsa Knudsen).

   Vers 1900, Gil et Steve, deux vétérans de l'Ouest accompagnés du jeune écervelé Heck, qui se produit avec Gil dans un spectacle de foire sur la gloire passée de celui-ci, sont engagés par la banque de Hornitos pour convoyer un chargement d'or depuis Coarse Gold, village montagnard de tentes autour d'un saloon. À l'aller, ils profitent de l'hospitalité du fermier Knudsen, veuf puritain vivant avec sa fille Elsa, une fleur champêtre qui n'est pas indifférente aux avances de Heck, auxquelles met fin brutalement le père. Lasse de la sévérité paternelle, elle rattrape le trio le lendemain matin pour rejoindre son fiancé Billy Hammond à Coarse Gold, sur la concession qu'il partage avec ses quatre frères. Dans une ambiance grotesque avec chœur de putes sous la houlette d'un juge poivrot, elle épouse Billy sur-le-champ, mais comprend aussitôt que les frères, plus crasseux, débauchés et grossiers les uns que les autres, entendent appliquer le droit de cuissage.
   La jeune mariée repentie se met sous la protection des trois convoyeurs, qui obligent le juge à dénoncer le mariage pour vice de forme. Au retour, en tentant de s'emparer de l'or, Gil et Heck sont neutralisés par Steve. Ils tombent tous quatre dans une embuscade des frères Hammond, qui s'enfuient ayant perdu deux des leurs. Gil cependant parvient à s'esquiver. Embusqués à la ferme après avoir assassiné Knudsen, les survivants blessent Heck à la jambe. Gil survient à la rescousse et les deux compères réconciliés défient les Hammond en duel d'approche, face à face. Ces derniers sont abattus, mais blessé à mort, Steve demande à Gil de le laisser seul. Il s'affaisse lentement comme un vieux lion en contemplant à regret le paysage.

   On voit que l'éventail des rôles recouvre autant de clichés, à l'exception des deux vieux chevaux de retour qui jouent leur va-tout. Au début, espèce de Buffalo Bill un peu filou sur les bords, Gil conte sur les tréteaux ses exploits de jeunesse, tandis que, répondant à des acclamations qui ne lui sont pas adressées, Steve est refoulé par un agent pour laisser place à une course de chevaux menée par un dromadaire que monte Heck (génération montante par opposition).
   C'est un homme du dix-neuvième siècle donc qui croise ensuite de façon incongrue une automobile du début de l'autre siècle. Mais aussi un costaud qui fait mordre la poussière au bouillant Heck, et les deux anachroniques héros terminent avec panache dans une belle scène en plan d'ensemble presque chorégraphique, rythmée au tambour, suggérant, par cette mélancolie digne et dépourvue de sensiblerie, que le temps est venu au cinéma d'enterrer les vieux six-coups. La chair magnifiquement momifiée de Randolph Scott en reste la figure insigne. La nature d'automne, légèrement saupoudrée de sucre glace en altitude décline la même complainte, que l'on retrouve au reste dans le titre original, pour ne rien dire de la stupidité de la traduction. Les chevaux peinant sur les pentes ne sont plus désormais ces créatures mythologiques, avaleuses d'espace-temps, du western conquérant. 

  Mais un tel fantasme(1), qui pourrait être esthétiquement fécond, se dissout dans de vraies performances commerciales. Les paysages sont davantage photographiés pour leur plastique touristique que comme décor filmique d'un drame.
   Surtout, redoublant de plus un encombrant balisage signalétique du récit (zoom avant brutal accompagné d'un chorus lancinant de trompettes sur la tête sanglante et inerte de Knudsen, qu'on pouvait croire en prière sur la tombe de son épouse), une épouvantable orchestration "de fosse" ne cesse d'enfoncer le clou dans les crânes mous d'un public n'existant qu'au paradis des producteurs. Pourtant classé parmi les dix meilleurs films des Cahiers du Cinéma, qui n'en sont pas à leur premier jugement hâtif. 22/02/03
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