Márta MÉSZARÓS
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Cati (Eltávozott nap) Hongr. 1968 80' ; R., Sc. M. Mészarós ; Ph. Tamás Somló ; Mont. Zoltán Farkas ; M. Levente Szörényi ; Prod. A IV. Stúdió filmje ; Int. Kati Kovács (Erzsi Szonyi/Cati), Teri Horwá (Mme Zsámboki), Aám Szirtes (M. Zsámboki), Zsuzsa palos (Mari), András KozáK (Gábor), Gábor Harsányi (Lajos Zámboki).
Orpheline de vingt-quatre ans vivant à Budapest, ouvrière dans une filature, Erzsi décide de retrouver ses parents. Elle va en week-end dans un village rendre visite à sa mère par qui elle fut abandonnée à la naissance. Laquelle la reçoit officiellement en tant que nièce, assez froidement, contrairement à son mari et à son fils aîné, Lajos. Ayant vite compris que cela ne menait à rien, elle part prématurément sans prévenir. Rencontre dans le train de retour d'un jeune homme avec qui elle vit une brève aventure. À Budapest, un quadragénaire qui prétend avoir été l'ami de son père demande à la rencontrer. Comme elle décline, l'inconnu s'insinue par la médiation d'une copine d'Erzsi. L'expérience avec la mère a rendu cette dernière réticente, mais elle reconnaît secrètement en cet homme son père, qui prétend ses parents décédés. Elle lui paye son repas et accepte de le revoir dans l'avenir, sans dire qu'il est dévoilé, mais sans se montrer dupe. L'histoire se termine dans un bal par une nouvelle rencontre amoureuse.
L'intérêt est dans la subversion féministe, qui repose au fond davantage sur le ton du film que sur la nature des actions elles-mêmes. L'action subversive, quant à elle, commence par la distance prise avec le patriarcat à travers la mère. En recouvrant son rôle maternel, celle-ci transmettrait à la fille la soumission qui l'assigne aux fourneaux et berceaux. Mme Zsámboki, comme Erzsi l'appelle en maintenant la distance sociale, est d'ailleurs plus disposée à accepter sa maternité qu'il n'y paraît. Certes elle n'était pas à la gare pour l'accueillir comme sa lettre le promettait, mais elle y a envoyé Lajos, que l'on voit débouler à bicyclette et s'adresser à Erzsi anonymement. De plus la mère assiste dans l'ombre au départ du bus de sa fille, à son insu. C'est comme si Erzsi avait eu l'intuition d'un risque d'attachement nuisible à sa liberté. Le père, lui, finirait par retrouver sa prérogative sociale si sa fille le reconnaissait. C'est pourquoi elle n'accepte de le revoir qu'en tant que non-père, affirmant son indépendance économique en payant le repas de cet homme pauvre qui, possiblement, ne vient à elle que pour en tirer habilement quelque soutien. Une indépendance économique qui n'est pas seulement opportuniste, mais parti-pris général : autant elle règle les additions pour les autres au café, autant elle acquitte l'amende du garçon qui s'est jeté à l'eau pour elle dans un fleuve interdit à la baignade.
Enfin s'affirme l'indépendance du corps érotique par rapport à l'appel conjugal lié à l'obédience familiale. M. Zsámboki exprime à Erzsi son désir d'être invité à son mariage à Budapest. Chacune des rencontres parentales se solde par la libre satisfaction sexuelle d'une rencontre de hasard. La copine, celle qui a amené le père, est choquée qu'Erzsi flirte avec un inconnu. Aussitôt celle-ci demande son nom au beau garçon qui la tient de près, et lui donne le sien à son tour... "Maintenant, je le connais." Autrement dit, la civilité est le chemin vers le mariage. Le film présente du reste une vitalité érotique qui étend le champ des possibles passages à l'acte. Les hommes tournent autour de la jeune femme comme des essaims autour de la reine. Le jeune homme qui s'est jeté à l'eau, et auquel elle a interdit de la suivre, la suit pourtant du début à la fin. Le sexe tourmente jusqu'à la sévère Mme Zsámboki, qui prend l'initiative sur son mari au lit et l'épie jalousement dansant avec Erzsi au bal.
Quant au ton, on l'a vu à propos du rapprochement érotique sans nul souci d'identité civile, il tourne en dérision les codes sociaux. Erzsi prend les hommes à la manière dont les hommes disposent des femmes. Puis s'esquive en disant, au son du tango ironique qu'elle a elle-même relancé sur le phonographe : "Tu es un gentil garçon!", puis quand elle le quitte définitivement, en lui tapotant la tête comme un toutou : "tu es un mec gentil". Voilà des faits scénaristiques certes audacieux mais moins efficients que ceux reposant sur la filmicité. Tels que le laconisme et la diction monocorde, de l'ordre du I would prefer not too, assez naturelle au hongrois par ailleurs, et qui produit un effet critique sur le contenu du propos, surtout associé aux silences et au quant à soi du regard, clair et direct, ne cillant jamais, de Kati Kovács. Réserve expressive se retrouvant dans la qualité de la photo d'un noir et blanc non contrasté, même si c'est contrarié par une caméra par trop cramponnée à ses objets, fût-ce avec beaucoup de douceur. De plus, le contenu du dialogue confinant parfois à l'absurde, hypothèque le cliché de l'orphelinat amendé par l'apparition des parents. Ainsi Erzsi reprochant à sa mère d'avoir répondu à sa lettre : "On ne vous a rien demandé. Pourquoi ne m'avez-vous pas laissée tranquille ?" C'est par le biais des niaiseries télévisuelles auxquelles la famille est convoquée par le père après le repas, tandis que la mère et la grand-mère débarrassent, que la décision d'Erzsi de prendre le large se trouve indirectement motivée. Mieux, les paroles des chansons constituent un commentaire antiphrastique diégétisé. Celle du phonographe dans la chambre de la première aventure tourne la scène d'amour en dérision sur un air de tango : "Dans le jardin j'ai dit au vent, et même la lune le sait, que je ne t'aime pas. [...] Je détesterai toute ma vie les menottes de ton regard doux..." Celle, en voix de tête, de l'orchestre grinçant au bal de la rencontre amoureuse de la fin : "N'attendez pas que le soleil se couche. Cherchez-en tout de suite un autre [...]. Pourquoi a-t-on besoin d'amour ? Pour avoir quelque chose à écrire [...]"
Au total, une fière combattante de l'émancipation féminine, comme l'affirment les premières images où, avec sa coupe à la Jeanne d'Arc, elle s'entraîne au tir à l'arc. Non pas en militante, mais dans la façon dont elle engage son existence, jusqu'au réel puisque le titre du film porte le prénom de l'actrice. 11/10/25 Retour titres Sommaire