Nadine LABAKI
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auteurs
Capharnaüm Lib., Fr., USA 2018 123' ; R. N. Labaki ; Sc. N. Labaki, Jihad Hojaily, Michelle Kerserwany ; Ph. Christopher Aoun ; Mont. Constantin Bocka ; Son Chadi Roukoz ; M. Khaled Mouzanar ; Pr. Mooz Films, Doha Film Institute, KNM Films, Boo Pictures, The Bridge Production, Louverture Films, Les Films des Tournelles, Clandestino Films, Sunnyland film ; Int. Zain Al-Rafeea (Zain), Yordanos Shifera (Rahil), Kawtar al Haddad (Souad, la mère), FAdi Kamel Youssef (Selim, le père).
Misérable hôte des bas quartiers de Beyrouth, Zain, 12 ans d’âge supposés, est maltraité par des parents qui n’ont pas même déclaré sa naissance, dont ils ignorent la date. Avec ses sept frères et sœurs il vend dans la rue un breuvage au Tradamol, un sédatif addictif. Malgré ses efforts pour s’y opposer Sohar, sa sœur préférée, est à 11 ans mariée de force à l’épicier Assaad. Zain en fuite est recueilli dans un bidonville par Rahil, Ethiopienne sans papiers, dont il garde le bébé clandestin, Yonas. Mais la mère est arrêtée. Zain se débrouille grâce au Tradamol. Il doit pourtant se résoudre à vendre le bébé au trafiquant Aspro, le domicile de Rahil, où est resté son argent, étant réquisitionné par le propriétaire. Vivotant au souk de menus marchandages, la petite Syrienne Maysoun, lui confie qu’elle émigrera en Suède avec l’aide du trafiquant.
Un possible chemin de liberté pour Zain, mais Aspro exige une preuve d’identité, que le fugueur pense trouver chez ses parents. En vain. Ceux-ci en outre ne peuvent cacher la mort de Sohar des suites d’une grossesse prématurée. La douleur de Zain est décuplée quand sa mère croit le consoler d'être enceinte de ce qu'elle espère être une fille, qui portera le prénom de la morte. Zain fonce chez Assaad muni d’un couteau et le blesse gravement. De la prison, grâce au soutien d’une émission de télé sur les injustices envers les enfants, il porte plainte contre ses parents pour l’avoir mis au monde. Il obtient gain de cause. Muni de papiers il est libéré et Yonas, retrouvé parmi un lot d’émigrants séquestrés par Aspro, est restitué à sa mère.
Quel louable plaidoyer, plein de généreuse empathie, dénonçant la misère de l’enfance des bas quartiers ! Ceci avec un souci d’authenticité du décor et des conditions d’existence, jusqu’à produire des acteurs non-professionnels dont l'existence est soumise aux mêmes conditions. Le filmage n’est pourtant pas à la hauteur de l’intention. À commencer par le format Scope combiné avec une caméra-épaule excessivement mobile, qui ne sait pas trop quoi faire de ce champ surnuméraire. A fortiori dans l’intimité des gros et très-gros plans. Le gaspillage de matière est aussi flagrant dans la multiplication des recadrages sans nécessité. Il participe d’un régime de la surenchère. Ce peut être un plan serré sur des cafards cavalant sur un pan de mur de la prison. Ou un effet de montage-image quand la souffrance d’un personnage est surlignée en contrechamp par l’attitude ad hoc d’un témoin exprès. Derrière les barreaux, Rahil hélant à grands cris Zaim pour des nouvelles de son fils, une codétenue en contrechamp manifeste ostensiblement sa compassion. La surenchère est une forme de lourde redondance, écrasant la valeur expressive d’un surcroît superflu. Ainsi le commentaire musical laisse-t-il supposer que l’image sonore ne porte pas assez bien le sens par elle-même. Des violons ou un chant lugubre poussent leur plainte avant même qu’on n'ait pu réaliser qu’il fallait s’émouvoir, comme s’il était besoin aux signes de signaux indicateurs.
Caméra agitée, inadéquation du cadre, montage brouillon et bande-son abusive, vont leur train quel que soit le registre de la fable. Ce qui interdit toute dialectique assouplissante. L’humour, qui pouvait donner au tragique sa respiration, y perd sa force spirituelle. À l’instar de « Cafardman » croisé au parc d'attraction, prétendu cousin de Spiderman propre à nourrir ce que peut encore avoir de rêves d’enfant Zain, ici ravalé au rang de pittoresque pour lui-même.
"- Des questions ? Oui ? - Mais n'a-t-il été décerné à ce film le prix du jury à Cannes ? - Libre à vous de vous y fier !" 29/11/23 Retour titres Sommaire