Arizona Dream Fr.-USA VO Scope-couleur 1992 141' ; R. E. Kusturica ; Sc. David Alkins ; Ph. Viko Filac ; M. Goran Bregovic, chansons par Iggy Pop ; Int. Johnny Depp (Axel), Faye Dunaway (Elaine), Lili Taylor (Grace), Jerry Lewis (Leo), Vincent Gallo (Paul).
Axel, qui vit tranquille à New-York où il veille à la santé des poissons de la baie, n'a aucune envie d'aller au mariage de son oncle Leo, agent Cadillac, qui avait pourtant pris soin de lui après la mort de ses parents. Néanmoins embarqué en voiture après avoir été saoulé par l'ami Paul venu le chercher, il se retrouve en Arizona. Après la cérémonie, Leo insiste pour prendre Axel dans son affaire aux côtés de Paul.
Il se laisse fléchir, et c'est ainsi qu'il rencontre la veuve Elaine et sa richissime belle-fille Grace habitant un ranch totalement à l'écart. Axel se met en ménage avec la bouillante Elaine et pour satisfaire à la passion de celle-ci - voler jusqu'en Papouasie -, il lui construit des aéroplanes de bric et de broc que détruit régulièrement la belle-fille jalouse. Entre-temps l'oncle, qui a essayé vainement de le ramener chez lui, meurt. Finalement le cœur d'Axel penche vers Grace, qui le lui rend mais se suicide foudroyée par un éclair en s'exposant à dessein dans la plaine sous l'orage.
Il s'agit surtout d'une allégorie traduisant un désenchantement du rêve américain. Paul mime en dérision Thornhill dans La Mort aux trousses. Les survols aériens sont vains, et la disparition de la concession Cadillac ne semble pas bouleverser le monde. L'amour lui aussi se solde par l'échec.
Le récit est encadré à ses extrémités par Axel rêvant d'un Esquimau qui, en pêchant un flétan, poisson plat dont les yeux passent du même côté de la tête - sorte de cécité élective - à l'âge adulte, a failli mourir gelé mais est sauvé par ses chiens de traîneau. À la fin du film l'Esquimau a pris les traits de l'oncle. Cependant un chien esquimau se trouve aux côtés des protagonistes durant tout le film, et le poisson traverse régulièrement en leitmotiv l'espace à trois dimensions comme si l'air était liquide.
Cela donne la mesure du parti pris de fantaisie. Les épisodes des machines volantes sont traités sur un mode burlesque de pacotille. Grace jouant de l'accordéon la cigarette au bec, évoque un certain pittoresque populaire. Les personnages jouent toujours avec le feu. À la roulette russe par exemple, et le décor visuel et sonore s'emploie à inspirer le danger : surcharge étouffante des décors intérieurs avec ombres projetées de persiennes comme dans les films noirs des années quarante, inserts alternés d'extérieurs nocturnes sous les éclairs, dédoublements spéculaires, etc.
Dans le même esprit, la caméra parade, plonge et tournoie. Le montage propose des variations dont on comprend parfois mal la nécessité. Tout cela suffisamment brouillon pour manquer jusqu'à la géométrie variable implicite de la conjonction sexuelle. Des associations intéressantes toutefois, comme le thème de l'avion décliné dans les pales du ventilateur apparaissant au premier plan des plongées dans les chambres, aussi bien que dans les extraits ou imitations de la scène de La Mort aux trousses.
La faiblesse du film provient de ce que sa poésie consiste à illustrer des idées poétiques. Il en résulte une dispersion, chaque scène étant construite pour elle-même et représentée, au lieu d'obéir à un principe qui coifferait tout le film. Le fait qu'Axel raconte en voix off réduit le film à illustrer son récit. Au total, une œuvre surchargée, incapable de se dépêtrer d'un écheveau de fantasmes(1) qui n'ont guère eu le temps de mûrir dans un véritable projet cinématographique (Bresson : "retrancher plutôt qu'ajouter").
Aussi est-ce souvent la musique de Bregovic qui en diffuse l'ambiance particulière, que l'on croyait pouvoir attribuer aux images. Suffit de couper le son pour s'en convaincre. 27/07/02 Retour titres