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Roberto BENIGNI
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La Vie est belle (La vita è bella) It. VO 1998 120' ; R., Sc. R. Benigni ; Ph. Tonino Delli Colli ; M. Nicola Piovani, Jacques Offenbach ; Int. Roberto Benigni (Guido), Nicoletta Braschi (Dora), Giorgio Cantarini (Josué), Giastino Durano (l'oncle).

   Pendant la seconde guerre mondiale, Roberto et son fils Josué sont déportés comme Juifs. L'épouse et mère Dora monte de son propre chef dans le train de marchandises pour partager leur sort. Roberto parvient à faire croire à Josué qu'il s'agit d'un jeu dont le prix est un véritable char d'assaut. Au camp de concentration, Guido et Dora séparément sont sélectionnés au travail, le vieil oncle embarqué avec eux passe à la "douche", alors que Josué, qui a horreur des ablutions, s'esquive. Il veut rentrer à la maison. Guido fait mine d'accepter tout en lui faisant valoir qu'ils ne sont pas loin de gagner le grand prix. Josué alléché accepte de rester. À la débâcle allemande, Guido est abattu en cherchant à sauver sa famille. Josué qui avait ordre, censément pour gagner au jeu, de ne pas se montrer avant que le camp fut complètement vide, obéit. Il est recueilli sur un char américain qu'il croit avoir gagné et retrouve sa mère parmi les rescapés. 

   La première partie du film est le burlesque conte de fées de la conquête du cœur de Dora qui était fiancée à un notable fasciste. En plein banquet de fiançailles, le "prince" enlève sa "princesse" sur un cheval blanc peint en vert par les fascistes avec l'inscription "cheval juif". Autant qu'il puisse l'être en passant par le dialogue, le burlesque est de haute volée : voir à l'opéra Guido présentant son profil à la scène "parce qu'il n'entend que de l'oreille gauche", en réalité pour admirer sa belle au balcon. Et de plus érotique sans aucune scène de genre. Il suffit que Guido suce un dard sur la cuisse - hors-champ - de Dora à leur première rencontre.
   La deuxième partie est sans concession. Inaccessible à toute dérision, le
lager n'est nullement ridiculisé. Ses blocs lugubres sont comme des fragments de réel dans la fiction. La rate d'abord dilatée, on finit par pleurer après avoir ri jaune. Le tour de force est d'avoir su préserver l'irréductibilité du réel le plus noir dans une brillante fantaisie, avec les moyens habituels - images, sons et musique auxiliaire - du spectacle du samedi soir, à l'exception tout de même de deux choses :
   D'une part, une narration subtile qui sait insinuer dans la première partie les germes de la deuxième. Pour ne pas prendre son bain, par exemple, Josué se cache dans un meuble semblable à la cachette du camp.
   D'autre part d'un sens poussé de l'ellipse, comme lorsque Dora et Guido arrivent à cheval au domicile de l'oncle à la suite de l'enlèvement. Pendant que Guido, qui a oublié la clé, crochète la serrure, Dora visite le jardin d'hiver. Il va l'y chercher et disparaît dans les fleurs à sa suite. Puis ellipse de quatre ans par faux raccord avec allusion rétrospective à l'acte sexuel : c'est Josué qui en sort.
   Une sublime et inclassable performance surpassant avec maestria les limites de genre sans aller jusqu'au saut qualitatif de l'art. Car tout se tient au niveau expressif, se limite au filmage d'un travail de plateau sans jamais soumettre réellement le matériau à la condition filmique dont l'opacité questionnerait. Si bien qu'on finit par se lasser du ressort comique consistant à présenter aux yeux d'un bambin l'horreur des camps comme jeu inoffensif. 8/04/01
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