L'Idiot (Nakuchi) Jap. N&B 1951 ; R., Mont. A. Kurosawa ; Sc. A. Kurosawa, Eijiro Hisaita, d'après Dostoïevski ; Ph. Toshio Ubukata ; Lum. Akio Tamura ; Déc. Takashi Matsuyama ; Son Yoshizaburo Senoo ; M. Fumio Hayasaka ; Pr. Takashi Koide/Shochiku ; Int. Masayuki Mori (Kinji Kameda, "l'idiot"), Toshiro Mifune (Denkichi Akama), Setsuko Hara (Taeko Nasu), Takashi Shimura (Ono) ; Chieko Higashiyama (Satoko, sa femme) ; Chyoko Fumitani (Noriko, sa fille), Yoshiko Kuga (Ayako Ono sa seconde fille), Minoru Chiaki (Mutsuo Kayama, secrétaire), Kokuten Kodo (Jumpei Kayama, son père), Eiko Miyoshi (Nina, sa mère), Noriko Sengodu (Takako, sa sœur), Kaisuke Inoue (Kaoru, son frère), Eijiro Yanagi (Tohata), Bokuzen Hidari (Karuba).
Lors d'un voyage à destination de Sapporo, Akama, truand et chef de bande prend sous son aile Kameda, qui lui confie être frappé d'idiotie depuis qu'in extremis il a échappé par miracle au peloton d'exécution. De son côté Akama fait état de son amour pour Taeko Nasu, femme entretenue, dont le portrait exposé à la vitrine d'un photographe tire des larmes à Kameda, qui la sent malheureuse. Au terme du voyage, après avoir mis en garde son compagnon contre les loups de cette société, Akama rentre chez lui tandis que Kameda est accueilli par des parents à lui, la famille Ono.
M. et Mme Ono ont deux filles, Noriko et Ayako, cette dernière réputée avoir aussi mauvais caractère que sa mère. M. Ono a réservé une chambre dans la pension que tiennent les parents de son secrétaire Kayama Mutsuo où vivent également Takako, la sœur du secrétaire et Kaoru, son petit frère. Poussé par Ono, qui y trouve son intérêt, Kayama, pourtant épris d'Ayako, a accepté d'épouser Taeko Nasu, dont souhaite se débarrasser son protecteur Tohata, contre la somme de 600 000 yens, ce que Mme Ono juge inconvenant et préjudiciable à la dignité de sa maison où le secrétaire a ses entrées. On apprend par ailleurs qu'Ono s'est approprié une opulente ferme laissée à Kameda par son père, avec l'assistance de Kayama, qui a préparé les formalités. Il a donc des raisons de voir d'un mauvais œil débarquer un jeune homme dont il a indirectement contribué à la spoliation et qui est un rival potentiel.
En éveillant la curiosité de Mme Ono à l'égard de Takeo, Kameda compromet de plus sans le savoir ses chances de revirement officiel en faveur d'Ayako. Néanmoins le secrétaire confie une lettre à l'Idiot pour celle-ci. Il la prie d'exiger la renonciation au mariage avec Taeko. Ayako la donne à lire au messager puis le charge de la rendre avec cette réponse orale : " l'amitié ne se marchande pas ".
A la pension, en présence de Kameda, Kamaya essuie les violents reproches de sa sœur Takako concernant le projet de mariage. On sonne à la porte. Kameda va ouvrir. Il se trouve nez à nez avec Taeko, qui le met en état de trouble. Takako ne cache pas son hostilité mais sa mère accueille honorablement la femme déclassée. Survient le père, ivre-mort. Taeko demande à Kameda pourquoi il a paru si surpris de la voir. C'est à cause de ses yeux qu'il croit avoir déjà vus quelque part. Nouvelle sonnerie à l'entrée. Entre Akama, entouré d'individus patibulaires. Il propose un million de yens à Kamaya pour renoncer à Taeko, chargeant un dénommé Karuba de les lui apporter le soir même. Prise d'un rire hystérique, Taeko fait remarquer qu'elle a augmenté de 400 000 yens. Tout le monde est indigné, le père dégrisé. Une dispute éclate entre Kamaya et Takako. Kameda veut retenir Kamaya qui le gifle. Stupeur de l'assistance. Kameda console Kaoru en larmes et rassure l'assistance. Kamaya est honteux. Kameda s'approche de Taeko et lui déclare qu'elle n'est pas ce qu'on dit d'elle. Sur le point de quitter la maison elle revient s'excuser auprès de la maîtresse des lieux d'être, au contraire, exactement ce qu'on dit, puis invite Kameda à accompagner Kameya à son anniversaire ce soir.
Le soir chez Tohata, Ono demande à Taeko pourquoi avoir invité cet idiot à la fête. Elle proteste en affirmant la haute estime où elle le tient. L'arrivée de Kameda est annoncée par un son de bris. Il a renversé un vase précieux. Devant les sarcasmes, Taeko brise le pendant et l'assure que personne ici ne mérite lui être présenté. Kameda la fixe intensément du regard puis se souvient de la cause de son impression : elle a les mêmes yeux qu'un soldat condamné en même temps que lui mais qui n'ayant pas été gracié est tombé sous les balles.
Profondément émue, Taeko, fait dépendre son mariage de la décision de Kameda. Elle est négative. Taeko ordonne à Tohata de reprendre ses 600 000 yens et lui annonce qu'elle le quitte alors qu'il parle maintenant de l'épouser. Cependant Karoubé, l'homme de main de Akama apporte le million. Kameda propose à Taeko de prendre soin d'elle assurant qu'elle est très pure, ce qui provoque l'hilarité générale. Furieuse elle lève la main sur celui qui la ridiculise. Mais il réitère fermement ses paroles et sa proposition, ajoutant pour répondre à une question de Kayama, qu'il trouvera du travail. On se moque de lui. Taeko prend sa défense : " Personne ne m'avait parlé ainsi ". Il explique s'être senti appelé par son image dans la vitrine. Elle répond qu'elle attendait un être tel que lui au lieu d'un autre qui la dépraverait et la quitterait. Tohata honteux s'esquive dans une autre pièce. Elle déclare le haïr, et préférer mourir dans la rue plutôt que de continuer cette vie là. Du coup, pris de bons sentiments, Ono révèle l'existence de la ferme et la fortune de Kameda. Akama surgissant somme Kameda de confirmer ses intentions. Finalement Taeko se résout à partir avec le truand, pour ne pas gâcher la vie de Kameda.
L'assistance qui suit la scène avec attention est visiblement touchée. Mais Karube rappelle l'existence du million, qui est enveloppé dans du papier journal. Taeko s'en saisit et le jette dans la cheminée ardente en déclarant par défi qu'il est à Kamaya. Alors que Karube se contorsionne devant la cheminée, celui-ci résiste à la tentation jusqu'à s'évanouir. Taeko tire le paquet du feu et le dépose au chevet de son pantelant ex-futur, qui le refuse.
Entraînant Taeko, Akama invite les siens à aller faire la fête. Ono veut empêcher Kameda de se joindre à eux : " Vous ne pouvez-pas sauver une femme pareille !". Plus tard chez les Ono, la mère se plaint de l'ingratitude de Kameda, qui n'a pas remercié pour la ferme. Noriko signale qu'Ayako a reçu une lettre de Kameda transmise par le petit Kaoru. L'intéressée remet la lettre à sa mère avec hauteur. Il y affirme que la jeune fille a une très grande importance pour lui. Ce qui fait rire Noriko et ses parents. Ayako prend à partie sa sœur. Ono apprend à sa femme que Taeka oscille entre les deux hommes. On craint une issue sanglante.
Parallèlement, Kameda se rend pour la première fois chez Akama qui passe d'un extrême à l'autre, du comportement meurtrier aux manifestations fraternelles, jusqu'à déclarer renoncer à la femme qu'il aime en sa faveur. Mais l'indécision de Taeka attise le conflit. Un couteau de boucher qu'Akama utilise comme coupe-papier obsède Kameda. Il fait la connaissance de la mère du bandit, une innocente toujours en prières. Les deux rivaux font l'échange de leurs amulettes. Ce qui n'empêche pas Akama de tenter d'assassiner son ami au moyen du couteau. Son bras est arrêté par la crise de démence de l'idiot.
A la pension Kamaya, Mme Ono à l'improviste rend visite à Kamada convalescent. Karube est présent dans la chambre par hasard. Les problèmes de la ferme évoqués permettent de découvrir que Karube, qui était chargé de ses affaires, a doublé Kamada, lequel n'est au courant de rien. Mme Ono débarquée dans l'intention de gendarmer et d'exiger des comptes au sujet de la lettre, se radoucit. Elle apprend qu'il a reçu secrètement d'Ayako une nouvelle lettre lui interdisant tout espoir. La mère indique que chez sa fille, cela veut dire l'inverse.
Mme Ono assiste au bal masqué sur glace flanquée de ses deux filles. Elle surveille de près les agissements d'Ayako. Mais un clown chuchote à celle-ci un message à l'oreille. Il s'agit de Kaoru, levant son masque pour narguer la mère, qui n'a cessé de lui reprocher son rôle de messager. Ayako voyant survenir Kamaya veut faire accroire que le message de Kaorou concernait l'arrivée de son frère, mais l'apparition de Kameda dévoile le mensonge aux yeux de la mère. Taeko masquée lance en passant à Ayako qu'elle ne mérite pas Kameda. Ayako réussit à donner rendez-vous à Kameda pour le lendemain à midi au même endroit. Akama paraît pour annoncer à Kameda que Taeko souhaite qu'il épouse Ayako pour son bonheur, mais qu'elle l'aime. Une ronde infernale de masques sur patins brandissant des flambeaux les entoure.
Le lendemain à midi Ayako trouve Kameda assoupi sur un banc face aux vestiges de la veille jonchant la glace. Car il n'a pas dormi de la nuit, Kayama ayant tenté (feint selon Ayako) de se suicider. Elle lui pardonne. Son comportement est une suite de voltes-face. Elle fait alterner sans transitions témoignages d'affections et crises de jalousie tout en faisant des efforts pour compatir avec Kameda aux malheurs de Taeko. Cependant elle n'apprécie guère que celle-ci lui écrive pour l'inciter à épouser Kameda.
Pendant une visite chez les Ono, Kameda répond positivement à la mère qui veut savoir s'il aime sa fille. Elle lui interdit de la voir au dehors mais autorise les visites à la maison. Une suite de scènes séparées par des volets montre les jeunes gens dans des situations diverses au domicile, Kameda égal à lui-même, Ayako passant par les sentiments les plus contradictoires, depuis la rupture brutale jusqu'à l'incitation à la fugue amoureuse.
Un jour, invité en même temps à la table des Ono, il crée un esclandre en admettant qu'il épouserait bien Ayako. Taeko et Akama font leurs adieux à Kameda dans une nuit épaisse. La femme voudrait être sûre du bonheur du jeune homme, qui ne se prononce pas. Ils étaient censés ne plus se voir, mais Ayako exprime le désir de rencontrer Taeko, convaincue qu'elle pourrait même l'aimer. Une rencontre est organisée chez Akama.
S'ensuit une joute verbale à mort entre les deux femmes en présence des hommes. Par défi Taeko décide finalement, après y avoir renoncé, d'épouser Kameda. Ayako s'enfuit en larmes. Kameda tente de la rattraper. Taeko essaye de lui barrer le passage puis s'évanouit. Kameda lui caresse le visage. Mais Akama le dissuade en lui faisant remarquer qu'il laisse Ayako rentrer seule. Il se lance à sa poursuite. Akama réveille brutalement Taeko en lui jetant le contenu d'un vase de fleurs sur la figure.
Cependant, quand Kameda arrive chez les Ono en pleine nuit, Ayako n'y est pas. Takato vient annoncer qu'elle se trouve chez eux avec une forte fièvre. Pendant que la mère se hâte, le père signifie à Kameda que tout est fini entre sa fille et lui. Le lendemain Kameda trouve porte close chez Akama. Mais il rencontre ce dernier dans la rue, qui désire lui parler. Il le conduit chez lui où est censée se trouver Taeko. Là tout est sombre, le poêle éteint. Tu veux la voir ? Il l'a poignardée à mort et n'a plus sa raison. Tous deux la veillent sous une couverture dans le froid pour conserver un peu le corps, puis s'effondrent morts.
Chez les Ono Ayako console Kaoru et pleure à chaudes larmes. " Oui, si au moins nous pouvions aimer les gens comme lui et ne pas les haïr. Que j'ai été stupide ! C'est moi qui fus l'idiote ".