CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Naomi KAWASE
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Suzaku (Moe no Suzaku) Jap. VO 1997 95' ; R., Sc. N. Kawase ; Ph. Masaki Tamura ; Lum. Atsuko Suzuki ; Mont. Suichi Kakesu ; M. Masamichi Shigeno ; Son Osamu Takizawa ; Déc. Etsuko Yoshida ; Pr. Takenori Sento et Loji Komayashi/Wowow et Bandai Visual Co LTD, Bitters End Inc. ; Int. Jun Kunimura (Kozo), Machiko Ono (Michiru), Sachiko Izumi (Sachiko, la grand-mère), Kotaro Shibata (Eisuke), Yosuyo Kammura (Yosuyo), Kozufumi Mukohira (Eisuke enfant), Sayaka Yamaguchi (Michiru enfant).

   Une famille de sylviculteurs est établie dans la montagne chez Sachiko la grand-mère veuve dans la maison familiale : Kozo son fils, le père, Yosuyo la mère, Michiru la fille et Eisuke son cousin. La région dépérit économiquement et démographiquement. Un projet de ligne de chemin de fer qui la ranimerait est abandonné. Devenu adulte Eisuke travaille dans un hôtel voisin alors que Michiru est encore scolarisée. Yosuyo doit également travailler à l'hôtel pour joindre les deux bouts mais elle est de santé fragile. Un jour Kozo un peu vacillant quitte la maison avec sa caméra. On le retrouve à la morgue. La jeune veuve décide de retourner dans sa famille. Après avoir hésité, sa fille l'accompagne. Eisuke propose de regarder le film qui était dans la caméra : il témoigne d'un amour de la vie du village qui repose sur la cohésion sociale. La maison étant devenue trop grande, Eisuke et sa grand-mère iront habiter sur le lieu de travail du petit-fils.

   On voit comment les mutations du monde moderne font éclater une structure ancestrale. Le fil rouge de l'intrigue se confond avec le trajet du personnage de Eisuke. Enfant, il est adopté à la suite de la désaffection de sa mère qui se désintéresse de la famille (elle ne va pas même sur la tombe de son père). Autant Eisuke, âgé au départ d'une douzaine d'année, est entouré par sa famille d'adoption, autant il s'occupe de sa cousine qui n'a guère plus de cinq ans. Quinze ans plus tard il se montre attentif à tous, transporte Michiru sur son vélomoteur, et porte secours à sa tante. C'est lui qui reçoit l'appel du commissariat, lui encore qui prend l'initiative de montrer le film du défunt. C'est le même pourtant qui reste seul avec la grand-mère malgré l'amour que lui porte sa cousine.
   Le drame du village se projette donc sur celui d'Eisuke. Le tunnel inachevé du chemin de fer est le lieu où il reçut jeune le témoignage d'affection de son oncle lui passant la main sur les cheveux pour le consoler de l'abandon maternel. Eisuke fait le même geste à l'intention de sa cousine quand elle exprime le regret de devoir partir avec sa mère. Avant de mourir, l'oncle a revisité le tunnel maintenant barré au public par une grille et c'est en ce même lieu symbolique qu'Eisuke manifeste son chagrin en évoquant le souvenir des promenades du tunnel.
   Le filmage exprime la beauté du paysage façonné par l'homme avec son pont suspendu, ses chemins en lacet ainsi que celle de la montagne que peut contempler à loisir la famille depuis la galerie occultable de la maison. Mais surtout la caméra a des mouvements d'une extrême douceur, quand elle n'est pas totalement immobile pour capturer dans le recueillement les plus infimes mouvements intérieurs.
   Le son est à la fois suffisamment direct pour donner la sensation d'authenticité et suffisamment fabriqué pour souligner dramatiquement l'instant. Au moment où le cousin, qui n'a pu la ramener en raison d'un malaise de sa mère, rejoint sa cousine à pied sur le chemin, les stridulations d'insectes jusque là imperceptibles sont notablement accentuées. Quand Eisuke tire doucement par la main la jeune fille réfugiée dans le creux d'un arbre pour pleurer son père, le moment où elle va céder et le suivre est souligné par un léger sifflement d'oiseau. On voit, du reste, que tout suggère un rapport incestueux qui accentue le tragique de la séparation finale.
   À rester la grande documentariste que l'on sait, l'auteur cependant manque de souffle dans ce long métrage. Les acteurs non-professionnels sont convaincants dans l'action mais beaucoup moins dans le plan fixe frontal. Le parti-pris du regard compassionnel de la caméra ne peut convenir à la fiction, car la compassion ne se singe pas. Du coup il tourne au sentimentalisme qui non seulement est contraire à la culture japonaise mais de plus engendre un dogmatisme d'un sérieux contraire à la distance impersonnelle ou à la polyphonie du plus grand tragique. 26/01/05
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