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Psychose (Psycho) USA VO couleur 1998 104' ; R. G. Van Sant ; Sc. Joseph Stephano d'après Robert Bloch ; Ph. Christopher Doyle ; M. Bernard Herrmann ; Pr. G. Van Sant, Brian Grazer, Production Imagine Entertainment ; Int. Vince Vaughn (Norman Bates), Anne Heche (Marion Crane), Julianna Moore (Lila Crane), Viggo Mortensen (Samuel Loomis (Galerie des Bobines)), William H. Macy (Milton Arbogast).
Refilmage de Hitchcock. On connaît l'histoire. Le film est reconstitué en couleur et dans un format différent (ce qui change beaucoup de choses) avec une modernisation des décors, pas mal d'initiatives d'angle, d'éclairage, de durée, quelques plans rajoutés, d'autres retranchés (l'approche extérieure de l'hôtel au début n'est plus morcelée), un montage moins vif, une bande-son réaliste, la musique réinterprétée et des acteurs actuels, évidemment. Globalement, la réécriture relève d'un parti pris naturaliste. Que ce soit les bruits d'ambiance ou le jeu des acteurs avec le concours de la couleur et de l'éclairage.
À part quelques initiatives intéressantes (ressemblance accentuée entre la douche du studio de Marion et celle du motel), on perd donc de l'original des dimensions essentielles : le caractère énigmatique des personnages, le calcul des effets à l'échelle de la globalité du film, le jeu symbolique reposant sur un fantasme de base (voir le commentaire de Psychose de Hitchcock sur ce site). Chez Hitchcock, les personnages, d'autant plus intéressants que peu expressifs, répercutent le mystère du film par leur opacité. Leur comportement peut aussi être contradictoire. Le Norman de Hitchcock est à la fois plus fragile et plus dur que l'autre dont le physique grossier n'exprime nulle vulnérabilité et dont les mains ensanglantées tremblent banalement. Il ressemble plutôt au serial-killer-psychopathe de multiplexe d'aujourd'hui.
Quant au symbolique, on peut remarquer que la parenté entre la cuvette des WC, la bonde de la baignoire (soulignée chez Hitchcock par la similitude des bruitages), le pommeau de la douche (qui devient octogonal) et l'œil est totalement méconnue, de même que la ressemblance, d'une part entre le compteur de vitesse de la voiture de Marion (le plan chez Van Sant se limitant au pare-brise, à cause du format de la pellicule) combiné avec les traînées de pluie sur le pare-brise et la momie d'autre part.
Plus intéressant, le caractère de pastiche, sensible dans les libertés prises avec l'interprétation musicale. Il s'agit en général des éléments qui sont des clins d'œil ou des traits d'humour. Relevons les cris de plaisir traversant les murs dans la chambre d'hôtel des rendez-vous au début, l'ombrelle de Marion soudain déployée quand elle change de voiture, ou encore le "look" branché de Lila, baladeur et sac-à-dos. Alors que le téléphone portable est proscrit. Ce ne serait pas amusant comme cette panoplie de la femme agressivement indépendante, particularité donnant quelque chose à la fois de familier et de caricatural au personnage. D'autre part le portable, permettant d'appeler au secours ou de donner des informations à tout moment aurait exigé un remaniement du scénario, qui repose aussi sur la rareté et la dispersion des cabines téléphoniques, davantage : sur la discontinuité et les cloisonnements de l'espace.
Quand ils ne parviennent pas à contribuer à la distanciation du pastiche, les rajouts en général, en cassant la valeur suggestive des ellipses, vont à l'encontre de l'émotion. Voyez la masturbation rajoutée à la scène de voyeurisme et l'araignée s'attardant sur le crâne maternel. Les indices de la masturbation sont lourds (le minimalisme ou au contraire carrément la caricature eussent été préférables) et, stéréotype superfétatoire, l'araignée ne parvient même pas à être drôle ou terrible. De même que l'"érotisation" de la victime, le derrière en l'air et les jambes écartées (entraînant un faux raccord, la position des pieds en plan serré n'étant pas raccordée à cette initiative).
D'autre part les inserts, très caractéristiques de l'auteur, représentant les ultimes images de la conscience de Marion, un ciel d'orage accompagné du tonnerre, ou d'Arbogast, une femme nue masquée, un ciel nuageux et une route déserte embrumée où se tient un veau, apparaissent soit stéréotypés soit trop énigmatiques. Enfin les couleurs délibérément criardes dénaturent profondément le modèle dont le noir et blanc était un élément structurel, qui contribuait au malaise et au mystère. On s'aperçoit du coup que la musique, uniquement basée sur des cordes, sorte de noir et blanc instrumental, écrase l'image.
Le pastiche exige que la liberté distanciatrice ne compromette pas la consubstantialité entre copie et modèle. L'unité esthétique de Psychose était telle, qu'il ne reste de l'original, à l'image, que des effets fragmentaires, tandis que les modifications de la musique au contraire renforcent considérablement son rôle, accentuant l'insignifiance de la photographie et des acteurs. La copie est donc à la fois trop littérale et trop différente. Reste le pastiche, mais il y faut un spectateur passionné, qui y mette vraiment du sien. On peut alors redécouvrir certains aspects de l'original, que ce soit par les exactitudes ou les carences.
Au total, dans la mesure où cette analyse est pertinente, c'est davantage un acte fétichiste et une concession à la mode (le naturalisme - faux naturel -, la débauche de couleurs) qu'un exercice original. 24/07/05 Retour titres