CINÉMATOGRAPHE 

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Arthur PENN
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La Poursuite impitoyable (The Chase) USA VO Panavision-couleur 1966 122' ; R. A. Penn ; Sc. Lillian Hellmann, d'après Horton Foote ; Ph. Joseph La Shelle ; M. John Barry ; Pr. Sam Spiegel ; Int. Marlon Brando (le shérif Calder), Jane Fonda (Anna Reeves), Robert Redford (Bobby Reeves), E.G. Marshall (Val Rogers), Angie Dickinson (Ruby Calder), Miriam Hopkins (Mrs Reeves).

   Bagnard évadé en compagnie d'un complice qui commet un meurtre, Bobby Reeves réveille, dans la fièvre du samedi soir, les instincts primitifs de sa bourgade natale du sud dont les hantises se fixent sur l'homme traqué, susceptible de surgir d'un instant à l'autre. Il sera abattu en pleine ville malgré la protection d'un  courageux
shérif.

   Avatars inconscients de la mentalité populiste du Sud, les fantasmes s'alimentent, au niveau conscient, à l'imbroglio psychosocial entourant le cas judiciaire. Anna Reeves l'épouse de Bobby - qu'elle aime toujours - est la maîtresse de l'héritier du millionnaire local, Val Rogers, papa surprotecteur qui se désole de l'échec conjugal et voudrait voir
son fiston se fixer. Il est à l'origine de la nomination du shérif Calder, lequel n'entend pourtant pas se laisser acheter. Par ailleurs un des responsables de la banque de Rogers s'accuse du vol à l'origine des premiers démêlés de Bobby avec la justice. La culpabilité, qu'excite une nervosité de cocu notable, le pousse à confier au patron les relations de son fils avec l'épouse du fugitif. Le magnat se lance à la recherche de son rejeton qui de son côté assiste Anne dans sa course éperdue pour sauver Bobby. Ce qui attire toute la ville dans le cimetière de voitures où s'est réfugié ce dernier. Le fils chéri meurt dans l'explosion du dépôt d'essence provoquée par les fusées éclairantes des justiciers d'occasion.
   Cette apparente complexité recouvre cependant quelques ingrédients simples de la recette du succès commercial. Sous les clinquants du Panavision-couleur et souligné par une musique
ad hoc s'achevant en marche funèbre au générique de fin, l'héroïsme de la star de chez star, Brando, (Galerie des Bobines) seul (mais assisté d'une épouse dévouée et dont la modestie se mesure au pauvre gilet porté comme si elle était mal chauffée même au dehors à la belle saison) contre la ville en furie est un atout majeur. Il trouve son pendant dans la touchante Anne, qui brave l'opinion en aimant deux hommes à la fois, qu'elle perdra. Mais plus subtilement la classe moyenne, à laquelle appartient à tout coup le spectateur, trouve revanche à sa propre médiocrité contre le millionnaire tout-puissant vaincu par les sentiments jusqu'à devoir annoncer lui-même à la fille perdue qui l'aimait la mort de son fils. Tout se passe finalement comme si le shérif et Anne étaient des saints venus racheter la bonne conscience du spectateur. Calder s'est définitivement attiré la sympathie du public à être rossé par d'ignobles beaufs. Cerise sur le gâteau : la mise en scène grandiloquente de la solitude finale : Anne le visage noirci par l'incendie et grelottante au petit matin blême, qui tourne lentement les talons devant Val Rogers, le shérif quittant la ville en compagnie de sa fidèle épouse dans une modeste berline noire.
   La mise en scène n'hésite pas à recourir à la facilité pour mieux mettre en valeur ces bons sentiments. Globalement c'est l'esprit du théâtre qui domine en ce sens que, pensé abstraitement, l'effet préexiste à la prise de vue. Ordonnées à l'objectif de la caméra les scènes de groupe, ne diffèrent en rien de celles qui sur une scène de théâtre sont destinées à un public immobile, et les mouvements d'appareil n'y changent rien. Le cimetière de voitures a valeur dramaturgique
a priori. Plus généralement, l'action est conduite en vue de l'effet. Ainsi, devant mettre Bobby en sûreté, le shérif, en garant la voiture à distance, s'impose la traversée d'une foule chauffée à blanc avec son prisonnier. Davantage, la durée est ralentie par divers incidents dilatoires dont la mort de Bobby est l'ultime couronnement, apothéose d'un crescendo gratuit.
   L'impression générale est de dramaturgie forcée de bout en bout. Le réalisateur heureusement a pris soin de se dédouaner en dénonçant les abus du
final cut. 9/11/04 Retour titres