CINÉMATOGRAPHE 

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Michael HANEKE
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La Pianiste Autr.-Fr. 2000 126' ; R., Sc. M. Haneke, d'après Elfriede Jelinek ; Ph. Christian Berger ; Mont. Monika Willi, Nadine Muse ; Pr. MK2 Productions, les Films Alain Sarde, Wega Film ; Int. Isabelle Huppert (Erika Cauhut), Annie Girardot (sa mère), Benoît Magimel (Walter Kemmer), Anna Sigalevitch (Anna Schober), Susanne Lothar (Mme Schober), Udo Samel (M. Blonsky).

   
Incapables de concilier leurs particularités respectives, une vieille fille névrosée et un brillant jeune homme sûr de lui ne parviennent pas à s'aimer. Sadique mais respectée professeure de piano au conservatoire de Vienne, Erika vit avec une mère autoritaire et cherche des satisfactions sexuelles perverses, où l'homme n'intervient que comme accessoire fantasmatique. Il s'ensuit un comportement masochiste qui l'amène à s'entailler la vulve au rasoir.
   Ayant sacrifié ses études pour entrer dans la classe d'Erika, Walter se déclare. Elle prétend ne pas éprouver de sentiments et lui dicter ses conditions. Croyant se savoir aimé le jour où, par jalousie, elle blesse cruellement la main droite d'une élève en remplissant sa poche d'éclats de verre, il la rejoint dans les WC du conservatoire. Elle se refuse et entend user de sa main et de sa bouche sur un mode dépourvu de tendresse, sans égards à la sensualité, voire dans le seul but de le frustrer. Las de se soumettre, Benoît se rebiffe.
   C'est au tour d'Erika de le solliciter après s'être excusée, mais une tentative de coït dans les vestiaires de la patinoire lui provoque des vomissements. Il se venge en la violant chez elle après l'avoir brutalisée. Il s'ensuit qu'au lieu de monter sur scène pour l'audition du conservatoire où elle devait remplacer au piano son élève blessée, elle quitte les lieux après s'être poignardée au-dessus du cœur. 

   Tout tourne autour de l'autodestruction pathologique. Erika Cauhut (coït/cohue) porte un patronyme en rapport avec sa souffrance, de même que l'élève mutilée qui n'interprètera pas Schubert se nomme Anna Schober (/Schubert). Schubert, comme la musique en général, joue du reste un rôle important dans la perversion d'Erika, ceci sur le mode de l'ambivalence : beauté musicale et laideur - soulignée par la pianiste - de Schubert. P
ar un raccord d'anticipation sur l'audition d'un de ses lieder, le compositeur est associé  à une séance de vidéo porno où Erika renifle le kleenex imprégné de sperme laissé dans la corbeille par le client précédent, tandis que les soupirs des acteurs se conjuguent aux nobles accords schubertiens.
   La laideur comme envers de la beauté est la figure du sexe qui convient à Erika (Huppert : Galerie des Bobines). Il lui faut un érotisme symboliquement laid. Excitée par un couple dans une voiture au drive-in, elle se déculotte et urine à leurs côtés. Le sang participe du même fantasme. La main ensanglantée d'Anna est l'avatar imaginaire de la main onaniste d'Erika. Ce n'est donc pas un hasard si elle va uriner après la blessure d'Anna de façon à ce que Walter puisse la suivre et la surprendre.
   Cependant la scène des WC est accompagnée en sourdine d'une symphonie filtrant de quelque répétition de studio et Erika ne semble ouvrir la porte que pour hausser le son favorable à ses gestes "opératoires" (hors-champ toujours) sur la personne de son partenaire.
   Malheureusement le montage à courte vue en général n'est pas pour favoriser
le jeu interactif de ces figures de la pathologie. L'accent est d'ailleurs mis sur une modalité du plan fixe qui ne favorise guère l'ubiquité filmique. Alors que dans ses autre films, Haneke donnait à voir un monde total, en général terrifiant, il s'agit ici de psychologie et d'individus.
   Le jeu des acteurs revêt donc une importance inaccoutumée, d'autant que la distribution est assez prestigieuse. Or le plan fixe et la performance d'acteur se contrarient comme étant des procédés redondants. Huppert et Girardot sont des actrices admirables, mais la caméra, habituée à guetter la rumeur du monde et la survenue possible à tout moment d'un événement qui ne peut manquer de se produire à considérer la multiplicité des possibles, ne capte ici que des grimaces.
   Par ailleurs la forte caractérisation du personnage joué par Huppert contrarie le mouvement dialectique général du désir. Les acteurs condamnent à leur profit le libre jeu des signes. Magimel est tellement lui-même qu'il réduit à néant l'ordonnancement des éléments filmiques à l'effet d'ensemble, qui était jusqu'ici la condition de l'art du réalisateur.
   En bref, malgré la qualité du projet initial, tout cela sent fort le compromis avec des exigences extérieures étrangères à l'art. 26/10/03 Retour
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