CINÉMATOGRAPHE 

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Akira KUROSAWA
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La Nouvelle légende du grand judo (Zoku Sugata Sanshiro) Jap. VO N&B 1945 83' ; R., Sc. A. Kurosawa ; Ph. Takeo Ito ; Son Shoji Kameyam ; Lum. Shoshiro Ishii ; Mont. Yoshie Yaguchi ; Déc. Kazuo Kubo ; M. Seiichi Suzuki ; Int. Susumu Fujita (Sanshiro Sugata), Denjiro Okochi (Shogoro Yano, maître de judo, école Shodokan), Yukiko Todoroki (Sayo Murai, fille de Hansuke Murai, maître de jiu-jitsu décédé), Ryunosuke Tsukigata (Higaki Gennosuke, maître de jiu-jitsu et Higaki Teshin, son jeune frère), Akitake Kono (Higaki Genzaburo le deuxième frère), Kodo Kokuten (le bonze), Masayuki Mori (Yushima Dan), Osman Yusuf (le marin américain).

   Yokohama 1887. Sugata Sanshiro soustrait le jeune tireur de pousse-pousse Daizaburo aux poings d'un matelot américain irascible. Il est peu après sollicité par Nunobiki, traducteur à l'ambassade américaine, qui organise des tournois opposant boxe américaine et arts martiaux.
   Par ailleurs Genzaburo et Teshin, les deux frères de Gennosuke Higaki, le vaincu repenti et maintenant malade de
La Légende du grand judo, viennent le défier bruyamment au dojo. Le maître interdit à Sugata autant de participer au spectacle Nunobiki que de combattre ces adeptes haineux et débridés du karaté que sont les deux frères, Genzaburo surtout, un demi-fou inquiétant.
   Un grave conflit intérieur amène Sugata à boire : horrifié par la cruauté de la boxe pour avoir assisté à la défaite de Kahei Sekine, qui représentait le jiu-jitsu à un spectacle de Nunobiki, il songe à l'honneur des arts martiaux japonais. Il peut d'autant moins résister au défi des frères Higaki qu'il a retrouvé sa belle Sayo sur laquelle Gennosuke Higaki avait des prétentions. Le champion légendaire s'accuse donc d'une triple infraction aux règles du dojo : les deux tentations aux combats interdits et le saké.
   Devenu entre-temps un élève assidu du dojo, Daisaburo a été agressé par les karateka. Sayo a fait don à Sugata d'un kimono et Gennosuke, qui renonce à Sayo, s'est déclaré tout à fait en faveur du judo en exhortant ses frères à rentrer au bercail. Sugata, de plus encouragé par le bonze du dojo - qui distingue entre la lettre et l'esprit des règles -, ne peut plus reculer. Il remporte le combat contre le grand boxeur américain Lister puis se rend dans la montagne neigeuse au lieu désigné par les frères pour le combat après avoir fait de touchants adieux à Sayo. Genzaburo étant en crise, il affronte Teshin et le vainc, puis le soigne dans la cabane, renonçant à le tuer pendant son sommeil à cause d'un sourire dédié à Sayo vue en rêve. 

   Malgré l'habile façon dont les données diverses se croisent, se nouent et se dénouent, dont les jeux de champ/contrechamp, d'angle et de changement de grosseur dynamisent la tension, malgré la dialectique des plans ou celle des éléments dans le cadre, ou surtout, les contre-jours dans la neige, ce film n'a pas le souffle du premier, dont il reste par trop dépendant. Ainsi la thématique des ghetas ou des motifs du kimono de Sayo n'y est-elle qu'un prolongement allusif. Si bien que, faute de liens internes transnarratifs, les plus belles figures filmiques y manquent leur rôle organique. Les fausses dents d'acier de Lister renvoient de cyniques éclats après l'écrasement de Sekine, mais point d'écho dans le film à ce motif fort en soi.
   Revenons toutefois sur deux scènes où le technique confine au poétique. D'abord le combat dans la neige, qui tend vers l'abstraction des deux forces antagonistes par le jeu des variations d'angle et de grosseur associées à la fragmentation des corps en amorce dans une dynamique quasiment kaléidoscopique, en ombres chinoises en raison des contre-jours sur fond
blanc, dramatisée de plus au plan sonore par le souffle du blizzard. Puis les adieux à Sayo en quatre plans fixes. Ils se font au cimetière où Sayo avait surpris Sugata priant sur la tombe de son père. Sugata s'incline devant la femme de son cœur puis s'en éloigne face caméra au pas de course jusqu'au premier plan. Il se retourne. Elle s'incline, il fait de même. Second plan plus large de façon à augmenter la distance à parcourir jusqu'au premier plan. Il refait le parcours, s'arrête, se retourne. Même jeu. Comme elle est devenue minuscule on s'attend à ce que la scène se termine là. Mais un nouveau plan plus large dégage un espace encore plus profond dans une proportion excessive allongeant notablement le parcours. Rebelote avec une variante par contrechamp : c'est en plan moyen qu'il se retourne, affiche un sourire radieux puis s'incline avant de sortir du champ.
   À noter que les trois premiers plans sont en plongée et que le quatrième est en contre-plongée. La plongée accentue l'effet de profondeur en allongeant les lignes de fuite au sol. La contre-plongée du contrechamp semble représenter le point de vue de Sayo en raison de sa taille, ce qui est pourtant absurde à cette distance. Elle assure surtout la cohérence optique du cadrage en tant que figure symétrique de la plongée.
   Dans tous les cas cet angle invraisemblable participe du jeu assimilant l'espace extérieur au monde intérieur. La démultiplication de la distance par l'addition successive de segments de durée croissante représente l'alliance oxymorique de l'allongement de la distance avec le rapprochement des deux âmes. C'est ce qu'exprime le quatrième plan rapproché tout en suggérant la proximité de Sayo par la contre-plongée. Mais le caractère profondément ludique de la séquence évite le pathos (et donc l'écueil de l'identification) en faveur de l'humour, élément cardinal de la spiritualité caractéristique de l'auteur. Par où l'on peut se convaincre que c'est à la simplicité (plans fixes), et à la subordination du mouvement, de l'angle et de la lumière au cœur du sens que l'on reconnaît le grand artiste. 11/07/06
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