CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


sommaire contact auteur titre année nationalité




Iciar BOLLAIN
liste auteurs

Flores de otro mundo Esp. VO  1997 97' ; R. I. Bollain ; Sc. I. Bollain et Julio Llamazares ; Ph. Teo Delagado ; Mont. Angel Hernandez Soido ; M. Pascal Caigne ; Pr. La Iguana, SL et Alta films, SA ; Int. Jose Sancho (Carmelo), Lissete Mejia (Patricia), Luis Tosar (Damian), Marylin Torres (Milady), Elena Irureta (Marirrosa), Chete Lera (Alfonso).

   La population féminine s'étant raréfiée dans ce village de la province de Guadajara, Alfonso, le pépiniériste, organise chaque année une "foire aux célibataires", consistant à faire venir un car de femmes célibataires et d'organiser un bal. Deux couples se forment, celui d'Alfonso avec Marirrosa, une infirmière de Bilbao, et du paysan Damian avec Patricia, émigrée dominicaine, Noire aux yeux bleus, mère de deux enfants et cherchant à régulariser sa situation. Un troisième couple complète le dossier, le maçon Carmelo ayant ramené de Cuba une Noire genre canon appelée Milady.
   Des trois couples, seul le deuxième tiendra après une grave crise provoquée par la découverte d'un mari clandestin. Alfonso et Marirrosa sont trop attachés à leur existence respective pour renoncer l'une à la ville, l'autre au village. Fondé sur de fausses valeurs, le troisième couple éclate : Milady qui s'ennuie à mourir disparaît un beau jour.

   Plusieurs facteurs contribuent aux qualités de ce film : le témoignage, avec le souci de définir largement le contexte d'une réalité (sociologique, géographique, linguistique, économique, historique...), et l'humour mettant en exergue le regard féminin.
   S'appuyant sur le contexte économique d'une région pauvre décrite par larges panoramiques avec le phénomène d'exode qui l'accompagne, aggravé par une conjoncture mondiale entraînant le brassage des cultures qui fait éclater les cadres, le témoignage implique un déroulement de l'action tel que les destins ne sont pas tracés d'avance. Par ailleurs il évite l'identification facile et sentimentale par cette mise en perspective au moyen du parallélisme des trois cas féminins. Ce qui n'exclut pas un positionnement en faveur de valeurs fortes : le respect mutuel, la responsabilité, la capacité d'évoluer, illustrées par Patricia et Damian.
   En revanche, Carmelo voudrait séduire Milady par l'argent et la surveiller en la confinant à la maison. Quand à Alfonso et Marirrosa, bien que liés à grande tendresse, ils ne font aucune entorse aux règles de leur célibat respectif.
   Le regard féminin porté sur cette
société ébranle les certitudes de la vieille société machiste. C'est à l'évidence la femme qui assume le mieux sa sexualité, parce qu'elle ne la sépare pas du tout de la personne. Les vieillards qui s'esclaffent devant un film porno diffusé par téléviseur au café sont des pervers polymorphes attardés. Dans une scène empreinte d'un humour presque noir, Milady sait très bien se débarrasser des assiduités importunes de Carmelo en se trémoussant à califourchon sur sa braguette jusqu'à provoquer l'éjaculation qui le rend inoffensif comme un mouton. Malgré ses tenues provocantes, ce n'est pas la satisfaction d'organe passagère qu'elle va chercher chez l'apprenti maçon avec lequel elle se sauvera, mais quelque chose qui puisse lui faire oublier la sujétion où elle est tenue : fumer un joint. Les obscénités verbales dans la bouche des femmes sont une façon de dire que leur sexualité existe. L'homme est encore en retard à cet égard. Timoré, Damian craint que sa mère qui les héberge ne l'entende faire l'amour avec Patricia. Il en résulte une absence totale d'érotisme dans le film, car il faut être deux.
   S'il ne fait aucun doute que sa cause est juste cependant, le film reste sans surprise. La légèreté de ton semble refouler la crainte de se mettre en danger. Or il n'y a pas d'art sans risque mortel. Ainsi le panoramique, par essence mouvement par lequel les choses adviennent là où l'on ne les attend pas, se tient trop à distance. Ou bien le piano extradiégétique bon enfant qui accompagne certains événements est incompatible avec le tragique qui est au fond de toute comédie humaine. Il faut même déplorer le total refoulement du registre tragique que suppose l'enjeu d'une telle intrigue si on ne veut pas qu'elle se limite à la dimension psychologique d'une comédie légère. 15/12/04
Retour titres