The Corridor (Koridorius) Lit. VO N&B 1994
80' ; R.,
Sc. S.
Bartas ; Ph. Rimvydas Leipus ; Son Vladimir Golovnitski ; Pr. S. Bartas, Ilona
Ziok/Studio Kinema, Vilnus ; Int. Katerina Golubeva, Eimuntas
Nekrosius, Viachaslav Amirhanian, S. Bartas.
Un corridor cadré
en enfilade et évoquant par ses angles arrondis une coursive
blindée de navire de guerre ou de casemate
débouche par ses ouvertures latérales sur autant
d'événements que de pièces possibles.
Il représente le principe de distribution
aléatoire d'une série amplifiée par
les sons environnants et les plans de coupe sur l'extérieur
dont le tout forme un univers indivisible. Celui-ci, qui se
caractérise par la pénurie économique,
le désœuvrement, la tristesse ou
la gravité des visages
et la violence, comporte des plages de répis
dotées d'un formidable potentiel d'espoir, car le film semble inspiré par l'amour des êtres et des choses.
La
méthode de
Bartas repose sur l'attention extrême portée
à l'étrangeté du réel et au
respect de ses modes d'apparition. Le seul éclairage
utilisé dans le filmage des visages en plan serré
est celui capté au hasard d'un rayon de lumière.
L'usage du plan fixe depuis l'entrée jusqu'à la
sortie de champ indique que l'espace n'est pas le simple support de
l'action, mais une donnée indépendante. Le plan
fixe, de plus, donne la réelle mesure de l'effort physique,
lorsque l'adolescente, par exemple, poussée brutalement par
deux hommes dans une mare se relève jusqu'à
épuisement complet pour tenter vainement de ses faibles moyens
de les meurtrir à son tour.
En laissant se développer un processus
déclenché par la main de l'homme et
accompagné par le son direct émanant du monde
hors champ, il invite à une extension cosmique de
la lecture. La destruction du linge étendu
enflammé par le jeune pyromane semble laisser place
à l'action complexe de multiples facteurs
telles la force et la direction du vent, la loi de la pesanteur, la
composition chimique du linge, la résistance de la corde
à la chaleur, voire la force magique de la
poussée sociale suggérée par l'ampleur
de la rumeur hors champ, etc.
Mais l'attention surtout est portée sur
la variation du
cours
des choses par l'effet combiné de l'action humaine et de la
nature. Un même lieu prend des visages
profondément différents
selon qu'il s'agisse de la réjouissance collective, du
désordre qui s'ensuit, de l'ordre retrouvé,
combinés avec les variations de la lumière du
jour. Le corridor a beau être le lieu le plus nu, il y a
autant de corridors
que de prises.
Bartas est le cinéaste du combat avec
l'Ange. En revendiquant une liberté nue, comme le
psychotique dont le cerveau travaille à ciel ouvert, il
dénie la médiation des contraintes les plus
vulgaires, dont le dépassement pourtant est susceptible de
mener à une liberté de tréfonds.
Résultat, une "leçon de cinéma" mais
réservée aux Happy Few (voir titre suivant).
1/07/04
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